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ESPAGNE (ÉGLISE D’), LES SCIENCES SACRÉES

écrivit 27 in-folio, dont 2t de comineiitaires. Nous pourrions augmenter noire énumération ; mais nous avons hâte de passer à l’âge d’or de la science espagnole.

II. Temps modernes : aperçu général.. — En même temps qu’elle voyait le Nouveau Monde offrir tm champ immense à son activité, l’Espagne achevait de S£ libérer du joug des Maures, et reconstituait son unité nationale. Ses généraux lui conquéraient des royaumes et ses unions lui donnaient des empires. L’Espagne se plaçait au premier plan des nations européennes par l’abondance de ses richesses, par la puissance de ses armées et par l’étendue de ses possessions.

Elle ne se contenta pas de cette grandeur matérielle ; elle eut encore l’ambition de se placer au premier rang dans les sciences et dans les arts. Ce fut le rêve d’Isabelle la Catholique et surtout du géant que fut Ximénès. Devenu archevêque de Tolède et primat d’Espagne, ce franciscain conçut le vaste dessein de doter son pays d’un centre intellectuel capable de rivaliser avec la célèbre université de Paris qui, depuis plus de trois siècles, détenait le sceptre. Dans ce but âl créa Alcala. Il le fit avec tant de sagesse et une telle hauteur de vues que, dès son origine, cette école put disputer la palme aux centres intellectuels les plus puissants de l’Europe. Cette fondation donna aux sciences ecclésiastiques en Espagne une impulsion irrésistible, et c’est avec justice que Ximénès est regardé comme le véritable créateur du grand mouvement théologique espagnol.

La création d’Alcala stimula le zèle de l’université de Salamanque qui prétendait garder le premier rang en Espagne ; et les deux illustres rivales, également célèbres par le talent des maîtres et par l’entliousiasme des disciples, devinrent deux pépinières de docteurs en toutes les formes du savoir ecclésiastique. L’Espagne vit se développer simultanément le dogme, la morale, l’ascétisme, la mystique, l’exégèse, le droit canon, tous professés par des hommes de première valeur. L’essor fut incomparable, et il atteignit son apogée à la fin du xvie siècle et au commencement du XVII « .

Quand les erreurs du protestantisme eurent fait naître de nouveaux problèmes dans la morale comme dans le dogme, les savants espagnols se trouvèrent aptes à les élucider dans un sens toujours orthodoxe ; et la foi de la Péninsule ne put pas être entamée. Sans doute, la préservation de la contagion fut due en grande pai’tie à une Inquisition sévère ; mais la science des théologiens y eut aussi une large part. On sait le rôle important que jouèrent les savants de Salamanque et d’Alcala dans les solennelles assises que l’Église enseignante tint à Trente pour arrêter la contagion et s’opposer à ses ravages.

Avec le xviiie siècle, l’Espagne savante déclina lentement. Sa prodigieuse vitalité s’affaiblit, et les sciences ecclésiastiques perdirent de leur vigueur. Les écrivains de la seconde partie du xvii’e siècle et ceux du xviii" sont généralement inférieurs aux premiers. Sans doute, les énormes in-folio ne sont pas rares alors ; mais ils ne portent plus le cachet personnel imprimé en ceux de l’époque précédente. Si la doctrine reste pure, intègre et sans mélange, elle n’est plus exposée que par des docteurs de second ou de troisième ordre. L’Espagne intellectuelle ne va bientôt plus vivre que de son glorieux passé.

Durant le xix’e siècle, l’organisation des concours empêche le haut clergé d’oublier les sciences sacrées ; c’est toujours le même enseignement qui persiste. Les Espagnols d’aujourd’hui cherchent encore la théologie dans leurs auteurs de l’âge d’or. Le rôle brillant qu’ils ont joué naguère au concile du Vatican

montre bien qu’ils n’ont pas tout à fait tort. On doit désirer qu’au lieu de se contenter d’enregistrer, dans leurs manuels, les découvertes modernes, ils enrichissent l’héritage de leurs pères de leurs travaux personnels. Ils semblent cependant se décider à prendre davantage contact avec les autres centres intelle » tuels de l’Europe ; mais ils sont encore à l’arrière-plan du mouvement scientifique contemporain.

III. Travaux scripturaires. —

Aux premiers jours du xvie siècle, le cardinal franciscain Ximénès de Cisneros conçut le plan de sa célèbre Polj-glotte, et il le fit mettre à exécution par les premiers savants de l’époque, dans l’université naissante d’Alcala. Cet ouvrage est le plus important qui ait été écrit par les Espagnols sur nos saints Livres ; d’abord, parce qu’il est conçu d’après les véritables méthodes d’études scripturaires ; ensuite, parce qu’il donne à ces études leur véritable orientation, désirée depuis si longtemps ]iar le frère mineur Roger Bacon ; enfin, parce qu’il imprime à cette orientation un mouvement décisif et irrésistible. Il fait honneur non seulement au grand homme qui l’a conçu et à l’Espagne qui nous l’a donné, mais encore à tout le monde chrétien qui en a hérité. De même que, par la fondation d’Alcala, Ximénès mérite le nom de créateur du grand mouvement théologique espagnol, il a droit, pour sa Polj^glotte, au titre glorieux de restaurateur des études scripturaires dans l’Église de Dieu.

Ximénès ne se contenta pas de tracer les grandes lignes de l’orientation nouvelle, il voulut encore assurer le succès de sa méthode et la rendre durable par l’enseignement des langues orientales. Il y réussit parfaitement, car les tliéologiens d’Alcala ne se croyaient vraiment dignes de ce nom que s’ils pouvaient lire la Bible dans le texte original. Celui qui entra le mieux dans les vues de Ximénès fut le célèbre Benoît Arias Montanus. Élevé à Alcala, il y acquit une érudition immense, et quand Philippe II voulut éditer la nouvelle Polyglotte d’Anvers, Arias Montanus se trouva tout préparé pour exécuter cette entreprise difficile et porter à une plus grande perfection l’œuvre du cardinal. Ce qui surtout lui assigne un rmig à pai-t, c’est un précieux ouvrage en neuf livres sur les antiquités juives, dans lequel il crée une nouvelle science. L’école d’Alcala produisit un autre ouvrage non moins estimé par la plume de Louis de Tena, docteur et professeur dans cette même imivcrsité. Il est intitulé : Isagoge loiius Scripliiræ.

Grâce à l’étude des langues, les Espagnols mirent au jour des commentaires fort remarquables et très nombreux ; nous ne citerons que les plus importants. Parmi ces commentateurs, les uns, comme Jean Mariana et Emmanuel Sa, ont interprété presque toute l’Écriture ; les autres se sont bornés à l’Ancien ou au Nouveau Testament. Les commentaires des jésuites Gaspar Sanchez, François de Ribera, Jean de Pineda, ceux du bénédictin Josepli de la Cerda, du cistercien Cyprien de la Huerga, de l’augustin Louis de Léon et du dominicain Thomas de Malvenda sont fort estimés. Rome et l’Italie doivent à l’Espagne plusiem-s de leurs meilleurs exégètes. Il suffit de nommer les trois jésuites François Tolet, Benoit Pereira et Alphonse Salmeron, dont les travaux sont de première valeur. Par ses commentaires sur les quatre Évangiles, le P. Jean Maldonat, jésuite, occupe un rang hors pair entre tous les exégètes espagnols.

Tous ces écrivains sont de l’âge d’or de l’Espagne. On trouve encore des commentateurs au xvii « et au xviii’e siècle ; mais leur valeur va en diminuant ; et aujourd’hui la science scripturaire souhaite d’avoir un autre Ximénès qui lui redonne la vie et le mouvement. Nous devons signaler pourtant l’ouvrage du