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ESPAGNE (EGLISE D’j, ÉTAT RELIGIEUX


sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. - L’hôpital renferme ïine quarantaine de lits dont la moitié est réservée firatuitement aux malades français, sans distinction de religion ; l’autre moitié, également gratuite, est affectée h des vieillards, hommes et femmes, et à quelques orphelines dont les pareuts sont morts à l’hôpital. L’asile des femmes a été inauguré en 1893, celui des hommes en 1897. Un refuge est annexé à l’hôpital, où peuvent rester trois jours et trois nuits les Français malheureux de passage à Madrid. » A l’église, « les offices des dimanches et des fêtes, les stations du carême et du mois de Marie se font a la manière française et rappellent à nos compatriotes le souvenir de l’église du pays… » Quant au collège de jeunes filles, il a des élèves dont le nombre va croissant avec la réputation. Les cours s’y font en français. C’est ici qu’est sensible l’influence religieuse de la France, représentée parles sœurs de SaintVincentde-Paul et par les lazaristes. Les élèves distinguées qui sortent de plus en plus nombreuses de cette maison transmettent à leur famille et à leur société beaucoup de la noble culture chrétienne et française qu’elles ont reçue là. Ce sont nos vénérables prêtres de la Mission fjui ont ainsi introduit en Espagne, il y a une quinzaine d’années, notre usage de la première communion solennelle, usage auparavant inconnu, mais dont les Espagnols ont tout de suite apprécié la grandeur religieuse.

A son tour, la catholique Espagne rayonne sur l’étranger. Le Congrès eucharistique de 19Il s’est tenu à Madrid quin) avec un grand éclat et un grand succès. Nous avons signalé le grand rôle théologique de l’Espagne dans l’histoire ; peut-être a-t-elle donné de ce côté tout ce qu’elle devait donner au catholicisme ; mais, à la différence de sa théologie, sa mystique est encore très incomplètement connue et réserve des trésors sphituels du plus haut prix pour notre époque. En France, en particulier, on commence à traduire et à étudier ces œuvres capitales.

L’influence espagnole s’exerce encore grâce aux religieux, en des pays beaucoup plus lointains. Nous avons vu que les dominicains espagnols, par exemple, soutiennent l’université de Manille ; cette université avait, en 1908, C60 élèves inscrits. Les dominicains ont plusieurs séminaires dans l’Amérique latine ; il y en a à Fribourg (Suisse), à la Minerve (à Rome), à l’École biblique de Jérusalem, etc. Les augustins ont des collèges aux Philippines et dans l’Amérique du Sud (en 1907, environ 80 Pères dans l’Amérique du Sud, à Lima, Ayacucho, Cuzco, dans les États de Sao-Paulo, Manaos (séminaire), à Buenos-Ayres, à Panama, etc.). Les salésiens avaient également de nombreux établissements en Amérique. Les frères de Saint-Jean-de-Dieu avaient des établissements à Zelhal (Portugal, asile de fous), Gualajara (Mexique, hôpital), Zapopan (Mexique, asile de fous), etc. Les Ilcrinanilas de los ancianos desamparados avaient (en 1908) des établissements à Cuba, Porto-Rico, au Mexique, au Pérou et en Colombie (en tout, IG maisons, 222 sœurs et 1012 assistés).

Comme on le voit, et rien n’est plus naturel, c’est surtout dans l’Amérique latine que l’influence espagnole se fait sentir ; et il y a là un monde assez vaste pour occuper l’activité spirituelle d’une grande nation. L’influence de l’Espagne peut être d’autant plus profonde que cette nation, seule jusqu’ici des grands peuples colonisateurs modernes, a su créer au delà des mers une civilisation à laquelle participent et les anciens habitants du paj-s et les conquérants. Il n’y a pas eu là substitution d’un peuple chrétien à des peuples pa’iens, mais bien réellement conversion d’une race. Aujourd’hui que ce nouveau monde est en plein essor matériel, il importe plus que jamais que l’Es pagne y répande son influence morale. Or, son action est dans une certaine mesure paralysée, par le même défaut de culture générale, et, en particulier, de culture religieuse, dont elle souffre chez elle. Les religieux espagnols, nous venons de le voir, agissent dans l’Amérique latine, mais leur action est limitée et spéciale, et, par exemple, le grand dévouement que supposent les œuvres chtu-itables ne se traduit pas par une influence proprement dite. Or, il y a bien actuellement une importante émigration d’Espagne dans l’Amérique latine, mais cette émigration, sans enrichir le catholicisme dans l’Amérique du Sud, l’appauvrit en Espagne. Faute d’instruction religieuse solide, l’émigrant pauvre, soustrait à sa tradition et à ses institutions, abandonne la foi, et lorsque, enrichi, il écrit aux siens ou leur envoie des brochures de propagande ou revient parmi eux, il les fait, lui qui a réussi, douter de la valeur de leur croyance. Ainsi le grand problème de l’instruction religieuse du peuple nous apparaît partout urgent ; et nulle part l’urgence n’est plus sensible qu’ici, puisque l’Église d’Espagne se trouve retardée dans la mission magnifique qui lui incombe, et à l’accomplissement de laquelle doivent collaborer les prêtres et les fidèles, l’Église et la nation.

Ce n’est, d’ailleurs, qu’une question de temps (mais le temps est bien précieux, quand il s’agit du salut des âmes) et déjà, dans le domaine social où elle est mieux organisée, l’Église d’Espagne a commencé sa mission. C’est ainsi que l’Action sociale populaire, dirigée par le P. Palau, comprend dans son champ d’action, avec l’Espagne, les républiques espagnoles da Nouveau-Monde. La revue publiée par V Action sociale populaire s’intitule : Revisla social I bero-Americana ; l’office du travail de l’Action sociale populaire publie de son côté une revue hebdomadaire, El socicd, également consacrée aux choses d’Espagne et d’Amérique. De même, la Reuista calolica de cuestioncs sociales suit de près les efforts faits en Amérique ; et l’excellente Paz social nous donne maint témoignage de l’ampleur de l’œuvre commencée ; voir, par exemple, Pa ; soczaZ d’août 1907, un article de Severino Aznar, sur rœuTe sociale d’un prêtre aragonais qui s’est trouvé devenir titulaire d’une paroisse mexicaine ; le Congrès catholique national de la République argentine en 1907 met à l’ordre du jour " l’organisation ouvrière » , les « cour sociaux » , les « cercles d’études sociales » , etc. ; le IV<= Congrès catholique national du Mexique, tenu à Oaxaca en 1909, nous montre les œu^Tes sociales catholiques florissantes (cercle ouvrier, caisse de secoursmutuels, caisse d’épargne, etc.). Ce qui pénètre ainsi, , grâce surtout à l’Espagne dans l’Amérique latine, c’est la pensée commune des catholiques sociaux de toute l’Europe ; car les chefs du mouvement espagnol sont remarquablement instruits de ce qui se fait et se publie en France, en Italie, en Belgique, en Allemagne, en Autriche, etc., l’efïort le plus méthodique et le plus complet pour faire fructifier ainsi dans les paj’s de civilisation espagnole toute la doctrine sociale et toute l’expérience sociale du catholicisme est sans, doute celui de M. Severino Aznar qui vient de lancer (1910) une bibliothèque où seront traduites en espagnol toutes les œuvres importantes publiées dans les grandes nations catholiques sur le catholicisme social.

Dom J.-L. Pierdait, prieur à l’abbaye de Silos, Le régime du concours dans les diocèses d’Espagne, dans la Revue du clergé français, t. xxv, p. 55, 612 ; nous avons beaucoup, emprunté à cette excellente étude ; Canonica erectio el constilulio facuUatum sacræ theologiee, juris canonici et philosopbiæ scholasticæ in seminario Burgensi, Burgos » ISOT ; Pont ificium coUegium bispanicuni Sancti Joseph in urbe aniio scbolastico 1906-l’107, Rome, 1906 ; L. Tubeuf, recteur de Saint-Louis des Français, Œuvre de Saint-