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    1. ESPAGNE (ÉGLISE D’)##


ESPAGNE (ÉGLISE D’), ÉTAT RELIGIEUX « 78

2 000 réaiix ; les bénéficiers des métropoles ont 8 000 réaux, ceux des églises suffragantes, 6 000, et ceux des collégiales, 3 000.

Ici, nous arrivons aux petits traitements ; encore convient-il d’observer, pour les chanoines proprement dits, qu’ils sont dans l’Église une petite minorité et qu’ils sont, par la nature même de leurs fonctions, un peu en marge de l’action sociale, du moins, généralement parlant. Par exemple, le R. P. Francisco Morân, S. J., chanoine de Goria (1911), est professeur d’économie sociale, et le concours pour le canonicat (sur le régime des concours, voir plus loin), comportait une composition sur les questions sociales.

L’action sociale, dans un pays en très grande majorité agricole, souffrant d’une crise qui est surtout une crise p.graire, relève particulièrement du clergé paroissial rural.

Les paroisses sont divisées en paroisses urbaines et rurales, mais c’est là une dénomination administrative qui ne correspond pas à la réalité, la paroisse étant urbaine dès qu’elle compte plus de.50 paroissiens. Les curés des paroisses urbaines touchent de

3 000 à 10 000 réaux ; ceux des paroisses rurales commencent à 2 200.

En réalité, les traitements du clergé paroissial des campagnes vont de 550 francs environ à 840 (même dans les villes, le chiffre de 10 000 réaux, c’cstù-dire 2 500 francs, est extrêmement rare). De ces sommes, il faut déduire : 1° une retenue obligatoire de 14 0/0 (quelque chose comme le don gratuit de notre clergé sous l’ancien régime ; c’est le descuento) ; 2 » les frais d’enregistrement ; 3° les frais de voyage pour aller toucher le traitement à la capitale du diocèse ou de la circonscription ecclésiastique ; i" l’impôt personnel majoré de 50 0/0 ; 5° la contribution municipale ; G° les droits d’octroi ; (ces droits viennent d’être abolis par une loi quin 1911), mais ils sont remplacés jiar un impôt sur les loyers) ; 7° les prestations personnelles. Reste, au bout du compte, de 1 franc à 1 fr. 75 par jour. Le casuel ne dépasse pas, dans les meilleurs mois, ime dizaine de francs ; les messes avec honoraires (un franc en moyenne) ne l)euvent guère être célébrées que pendant un tiers de l’année, le reste étant occupé par les cérémonies paroissiales et par des messes pour les iiauvres. Remarquons que, pour arriver à cette situation, le prêtre a dû faire des études longues et coûteuses. S’il n’a ni femme ni enfants à nourrir, il a souvent à sa charge ses parenls âgés. Chez les libéraux même, beaucoup reconnaissent l’insuffisance des traitements. Sans doute, le pays n’est pas riche, et c’est pourquoi les chanoines peuvent être rangés dans la classe aisée, mais il n’en est pas ainsi des prêtres dont la situation est vraiment précaire, l’n exemjjle rendra plus sensible cette situation. Il est emprunté à une enquête faite il y a quelques années dans un journal de Madrid, et cilée par M. A. Marvaud, p. 12 13 : -. Dans un misérable appartement de trois pièces hajjite un chapelain, en compagnie de ses vieux parents. Quatre chaises et un fauteuil. Sur les murs, des images grossières de saints : souvenirs répartis gratis en souvenir de morts. — Quelles sontos ressources ? — Rien de fixe. Mais, depuis quelques mois, je reçois quatorze liaux (3 fr. 50) par jour pour des messes. Voici mes notes… Une série de feuilles délaclu’es, avec des chiffres de 5, 3 et 2 pesetas. Du l"^^ au 17 août, une série de 7éros. — Oui, dit le prétre tristement, dix sept jours sans officier, parce que j’étais malade… Partant, pas de salaire. Il fallut nous défaire d’une partie du mobilier, vendre la commode et le fauteuil.

Le modeste budget de ce pauvre cliapelain s’établit comme suit :

DICT. DE TIIÉOL. CATIIOL.

    1. PETIT DEJEUNER##


PETIT DEJEUNER.

3 pastilles’de chocolat. 0, 24 1 petit pain. 0, 10

    1. DEJEUNER##


DEJEUNER.

Viande… Pain…. Pois, lard, légumes.. L’n œuf…

0, 30 0, 20

0, 35 0, 13

Viande

morup. Pommes

terre.. Huile.. Pain.. Vinaigre

sel… Charbon Brasier. Pétrole

bougies

de

0, , -iO

0, 15 0, 20 0, 20

0, 05 0, 30 0, 10

0.20

1. Pastillas ; ce sont plutôt des tablettes. « Soit un total de 3, 02 pesetas par jour. Il reste donc à ce « prolétaire en soutane » 48 centimes pour subvenir aux mille choses nécessaires dans une maison, si misérable soit-elle. »

LTn grand journal catholique (et alfonsiste, lidèic aux directions de Léon XIII), VUniverso, dans une série d’articles publiés de juillet à octobre 1907, et réunis depuis en volume, attribuait, entre autres causes, à l’appauvrissement de l’Église et du clergé une certaine décadence de la vie paroissiale, décadence d’autant plus déplorable que la paroisse est le véritable centre de l’action sociale du clergé, comme elle est celui de la vie religieuse du pays.

Il n’est pas douteux qu’un des moyens les plus odicaces pour le gouvernement d’assainir la situation sociale du pays, en donnant à l’Église les moyens do promouvoir l’intérêt général plus encore que le sien propre, et d’améliorer ainsi les rapports de l’Église et de l’État, serait de relever la situation matérielle du clergé.

2° Œuvres sociales. — Il faut voir maintenant comment, malgré des circonstances si défavorables, le clergé espagnol a commencé de réaliser l’œuvre sociale qui lui est réservée.

Les vertus du terroir, dont la floraison est particulièrement belle chez lui, lui ont permis, en ctTcl, de retirer du moins tous les avantages spirituels de celle pauTeté qui limite sa bienfaisance ; son esprit chrétien et démocratique, d’une démocratie antérieure et supérieure aux théories modernes, se trouve d’avance adapté aux circonstances sociales actuelles. Le beau livre du P. Palan, Le catholique d’action, exprime avec force ces dispositions du catholicisme cspagnol. Le promoteur du mouvement social catliolitiue n paraît avoir été un jésuite de Valence, le Père.Viccnt, qui, avant même le comte de Mun et le marquis de la Tour du Pin en France, fonda, dès 1801, un cercle catholique d’ouvriers à.Manresa » (A. Marvaud). Mais c’est dcpiiis l’encyclique licrum novanini (1891) que le mouvement catholique social a toute sa grandeur. De nombreux ecclésiasticpies, séculiers et régidiers, connue le P. Vicent lui-même, toujours actif, et de nombreux laiipics, comme M. Scveriiio Aznar, y collaborent avec une admirable activité. Des semaines sociales se sont réimies i Madrid (1900), Valence (1907), Séville (1908), Saint-.Iacques de ComposlcUc (1909) ; celle de 1910 a eu lieu S Parcelone.

Des revues, dont plusieurs sont remarquablement rédigées, répandent les enseignements du catholi cisme social. Les deux plus importantes sont La paz soci(d, de Madrid, qui en est à sa 5° année, et la licvista socicd hispano-nmrricana, de Barcelone, qui en est ; i sa 9- année (1910).

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