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ENFER DANS L’ECRITURE SAINTE


1. Avant UDfin de la captivité, vin « et vii'e siècles. — Bien que remplis de menaces contre les Israélites corrompus et contre les païens dégradés, les petits prophètes préexiliens ne font aucune menace pour l’au-delà. Il n’y a pas à s’en étonner, car leur point de vue est essentiellement nationaliste, et, lorsqu’il est plus individualiste dans leurs menaces aux Juifs i prévaricateurs, ils s’adressent à un peuple si charnel qu’ils ne peuvent recourir pour l'ébranler qu'à des promesses ou à des menaces temporelles. Cependant Joël, iii, 1-21, semble annoncer vraiment le jugement dernier « dans la vallée de Josaphat » (de Dieu qui juge), appelée « vallée de la décision » , iii, 2, 11. Après une grandiose description de ce jour terrible, 9-16, sans préciser autrement le jugement de condamnation, le prophète ouvre les riantes perspectives d’un bonheur qui n’aura plus de fm pour Juda purifié, restauré, le mettant en face d’une désolation et d’un châtiment également sans doute éternels, 17-21. Sophonie parle aussi d’un jour de jugement, i, 14-16, jugement universel des nations, i, 18, iii, 8 ; mais le jugement dernier n’est ici, encore plus que chez Joël, qu’au second plan, tout au plus entrevu dans les lignes du jugement temporel messianique.

C’est aux grands prophètes que Dieu a commencé de découvrir vraiment avec clarté les perspectives de la vie future.

Isaïe, le premier, semble-t-il, a vu au fond du ée'ôl, l’abîme terrible où sont torturés les damnés. XIV, 9-20, description de la ruine du roi de Babylone ; celui-ci est précipité au séjour des morts et dans ses dernières profondeurs, pour y être l’opprobre des autres illustres criminels ; première vue vague encore. XXIV décrit le jugement dernier ; les versets 21-22 disent que Dieu châtiera les divinités païennes (les démons cachés sous ces divinités) et les rois de la terre, qu’il les réunira dans l’abîme du ëe'ôl, qu’ils y seront enfermés comme dans une prison et c]ue pendant de longs jours, c’est-à-dire toujours, continuera leur châtiment. Cf. Xxvi, 14, opposé à 19.

An c. XXXIII, 14, il s’agit des pécheurs de Sion, qui, à la vue des châtiments de Dieu sur Assur, se demandent en tremblant comment ils pourront habiter au milieu de la colère de Jahvé, feu dévorant, brasier qui ne s'éteint pas au milieu de Jérusalem, résidence d’où il juge si terriblement les nations l’une après l’autre. Cf. Dent., IV, 24 ; Is., xxxi, 9. Au sens littéral, il n’est donc pas question ici de l’enfer ; cependant le sens conséquent de ces affirmations absolues contre les pécheurs peut s'étendre jusqu'à ce « lieu éternel » , comme traduisent les LXX.

Enfin, après avoir, comme en un refrain menaçant, qui termine les diverses sections de sa prophétie, répété aux impies que, pour eux, il n’y a pas de paix, absolument et sans restriction, xlviii, 22 ; lvii, 21, Isaïe donne, lxvi, 1.5-24, la grande vision prophétique de l’au-delà. C’est le jugement dernier, 16, 18. C’est la restauration d’Israël pour l'éternité avec de nouveaux cieux et une nouvelle terre, 22. Et egredientur et videbunt cadavcra virorum qui prævaricati suni in me ; vermis eoriim non morietur et ignis eorum non exstinguetur, et erunt usque ad satielalem visionis omni carni. Sur ce texte, fameux dans toute la tradition chrétienne, voir Knabenbauer, In Isaiam, t. II, p. 522 ; Condamin, Le livre d' Isaïe, Paris, 1905, p. 390. Les derniers mots, d’après l’original hébreu |iNm vii-, signifient : ils seront en abomina T : T :

tion à toute chair. Tous les commentateurs s’accordent à y voir une affirmation de l’enfer éternel ; les traits sont peut-être pris des faits historiques de Gé-hinnom, mais ils sont évidemment surélevés en valeur symbolique jusqu’aux réalités invisibles éternelles. Cheyne, The Prophecies o] Isaiah, New York, 1890, le concède. Toutefois ce texte seul ne prouve pas le réalisme des vers et du feu de cet enfer. Cf. Judith, XVI, 20, 21, répétition du texte d' Isaïe, avec insistance sur l'éternité du supplice senti : et sentiant usque in sempiternum.

Pendant la période des grandes épreuves d’Israël, tout en insistant sur l’eschatologie nationale. Dieu commence à inculquer de plus en plus à son peuple le sentiment de la responsabilité individuelle en face des vérités éternelles.

Jérémie ne dit rien de certain sur l’enfer. Dans le passage, XV, 14, le feu de la colère divine n’est qu’une mctaphore ; enxvii, 4, leprophète parle decemêmefeu de la colère divine ; s’il ajoute qu’il brûlera toujours, peut-être ne veut-il signifier qu’une ruine totale, mais peut-être aussi est-ce une perspective subitement élargie jusqu'à l’au-delà dans un éclairpassager. Ézéchiel, dans ses annonces prophétiques de la ruine de l’Assyrie et de l’Egypte, fait une grandiose description de la descente aux enfers de tous ces puissants peuples que Dieu veut châtier, âv pâôsi p(56pou, xxxii, 23 ; cꝟ. 24, 30. Il y a là certainement l’affirmation d’une sanction morale de châtiment dans l’au-delà et en un lieu spécial du se'ôl. Cf. Is., XIV, 9-20. Ézéchiel d’ailleurs n’en dit p5s davantage explicitement. Du reste, il insiste sur le jugement de Dieu à l'égard des individus, qui seront punis ou sauvés ; et de même il parle encore du jugement divin au point de vue messianique de l’avenir d’Israël : seuls, les Israélites fidèles feront partie du royaume de Dieu restauré.

Daniel, xii, 1-2, en donnant une affirmation précise de l’enfer éternel, ajoute un nouveau point de doctrine : la résurrection des damnés eux-mêmes, qui se réveilleront du sommeil de la mort pour l’opprobre et la honte éternelle. Voir, vii, 10 sq., l’annonce générale des jugements divins et de la destruction des impies. Cf. J. Touzard, dans la Revue biblique, 1898, p. 223-230.

2. Après la eaptivité, vie siècle. — La courte prophétie d’Aggée ne contient que des bénédictions et malédictions temporelles.

CelledeZacharie, à portée générale, eschatologiquc, prédit spécialement, v, 1-11, un jugement de toute impiété et une séparation entre elle et le peuple de Dieu qui ne se réalisera pleinement que dans l’autre vie. Les c. xii-xiv, à la manière prophétique, décrivent confondus, les deux jugements divins, temporel et éternel.

Enfin Malachie clôt la prophétie ancienne par une nouvelle annonce du jugement universel, iv, 1-3, qui réglera différemment le sort des justes et des impies. 4°^ Deutéroeanoniques, iie siècle avant Jésus-Christ. — 1. La Sagesse, i-v, aborde directement le problème de la destinée humaine, i, 6, 8-10, l’auteur pose comme la thèse du jugement des impies : Dieu sait tout et jugera tout pour châtier tout mal. ii, 1-10, par mode d’objection, il expose la solution matérialiste : rien après la mort ; personne n’en est revenu ; le hasard règle tout. Donc mangeons, buvons, etc. ; la force, voilà le droit : détruisons le juste notre ennemi. 21-25, une première brève réponse : insensés, qui ignorent la justice de Dieu et la nature de l’homme faite pour l’immortalité ; immortalité heureuse pour les justes, de mort pour les fils du diable, cause de la mort, iii, 1-9, bonheur immortel des justes ; 10-19, malheur des impies d’abord temporel, puis fin dernière terrible. IV, 1-7, malheurs terrestres des impies, honneurs de la vertu ; 8-14 a : le sort privilégie et prédestiné du juste qui meurt jeune ; 14 6-18 a : le monde n’y comprend rien et se moque ; 18-19 : mais Dieu à son tour le condamnera, iv, 20-v, 24 : le sort éternel des impics dans un tableau grandiose. D’abord, voici les impies-