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ESPAGNE (ÉGLISE D’), ÉTAT RELIGIEUX

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ment ces délits ne sont pas poursuivis. Les règlements militaires décident que les troupes s’agenouillent et se découvrent sur le passage du saint-sacrement.

Les offenses à la pudeur et aux bonnes mœurs sont passibles d’arrestation et de réprimande publique. Les disposition, sur les écrits et gravures contraires à la morale et :.ur la police des spectacles ne sont guère appliquées avec vigilance.

Le Code pénal ne distingue pas des autres le vol commis dans un lieu sacré ; mais il y a là une circonstance aggravante et, quand les objets dérobés étaient destinés au culte, le tribunal applique le maximum de la peine (déportation à perpétuité).

La jurisprudence range les évêques parmi les autorités garanties contre l’injure par des pénalités spéciales.

Le Code montre pour les duellistes une indulgence que l’Église ne ratifie pas.

La juridiction des tribunaux ecclésiastiques ne porte plus que sur les causes relatives aux sacrements (divorce, nullité de mariage) ; encore les incidents d’ordre temporel qui se rattachent à ces causes sont-ils réglés par la juridiction civile. Les empiétements des tribunaux ecclésiastiques sont déférés aux tribunaux civils ; ceux du tribunal de la Rote le sont à la Cour suprême. La Cour suprême a admis (22 juillet 1899) que les tribunaux ecclésiastiques ne doivent user que d’armes purement spirituelles et non de pénalités proprement dites.

En matière fiscale, le clergé n’a plus que des immunités insignifiantes.

Malgré le Syllabw ;, prop. 32, il est soumis au service uiilitaire (à l’exception des religieux enseignants et de diverses congrégations, d’ailleurs importantes, récollcts, augustins, dominicains, franciscains, jésuites, carmes, trinitaires, prêtres de saint Vincent de Paul, etc., J.i loi espagnole admet le remplacement, mais les ecclésiastiques sont, en général, trop pauvres pour s’exonérer.

En matière d’instruction publique, les droits et prérogatives de l’Église ont été moins réduits, non pas tant parce qu’ils sont reconnus que parce que l’État assumerait de lourdes charges linancières en les lui retirant. Cela posé, la tendance est ici exactement la même que dans les autres services publics.

D’après l’art. 92 de la loi sur l’instruction publicpie, les livres qui traitent de religion et de morale ne peuvent servir de texte dans les écoles sans autorisation des évêques. Le règlement des écoles du 28 novembre 1838, prorogé par dccrel royal du 25 août 1857, déclare ct. la loi Falloux) que le premier rang appartient, dans les éludes, à l’instruction morale et religieuse, k laquelle sera consacrée une leçon quolidicnne de doctrine et d’histoire sainte ; il doit y avoir tous les trois jours un quart d’heure d’explication de la Hible, et, J’aprèi-midi du samedi, catéchisme ; les classes commencent par une prière et, le samedi, par l’évangile du lendemain et la récitation du rosaire. Mais ces dispositions sont loin d’être exactement appliquées. L’Église peut veiller sur les écoles, qui sont sous l’inspection immédiate du curé (règlement du 28 novembre 1838). Le maître conduira les enfants à la messe paroissiale. Une Real ordrn du 19 décembre 1885, une autre du 10 février 1890 ont dispensé les maîtres de cette obligation. Le règlement des examens, des maîtres de l’enseignement primaire, le 15 juin 1864, exigeait des candidats une bonne conduite morale et religieuse ; aujourd’hui on demande simplement un casier judiciaire net. Les aumôniers des lycées, supprimés par la révolution de 1868, ont clé rétablis 16^25 janvier 1895, mais un DécrH loi/al du IG août 1901 rend l’enseignement religieux facultatif.

Le clergé est représenté dans les commissions d’ins truction publique (l’évêque de Madrid fait, de droit, partie du conseil supérieur), mais l’État a le monopole des examens et des diplômes, et il exige certains titres des religieux enseignants, même des frères des écoles chrétiennes ou Escolapios (1 « "’juillet 1902). Il est évident que le monopole de l’État n’aurait aucun inconvénient pour une Église d’Étal qui serait bien telle en réalité ; mais précisément il n’en est plus ainsi. En vain, le concordat stipule que l’enseignement sera conforme à la doctrine chrétienne ; et la loi sur l’instruction publique autorise les prélats à porter plainte entre les mains des autorités. En réalité, loin de contrôler l’enseignement de l’État, l’Église est menacée dans celui qu’elle donne elle-même, d’autant plus que cet enseignement est donné surtout par des congréganistes. Or, de l’enseignement dépend pour beaucoup l’attitude des générations nouvelles. Il n’est donc pas probable, dans les circonstances actuelles, que cessent d’agir les causes qui accusent les inconvénients plutôt que les avantages inhérents à la situation d’une Église d’État.

Le caractère national de l’Église d’Espagne, quoiqu’il ait été surtout accentué dans le passé, et son caractère d’Église d’État, quoiqu’il soit, pour une bonne part, plus théorique que réel, expliquent cette très iiuportante conséquence : que, en Espagne, les questions de politique extérieure, et beaucoup plus encore les questions de politique intérieure, sont mêlées intimement aux questions religieuses. Non pas simplement en ce sens, vrai partout, qu’il n’est point de grande question où la religion ne soit intéressée, mais aussi en ce sens plus particulier, et fâcheux, que, a priori, les partis politiques, comme tels, ont une solution prête sur tous les problèmes religieux, sans faire la distinction in dubiis, liberla^.

De même que la politique extérieure de l’Espagne s’est donnée longtemps jiour la poUliquc catholique, de même il y a un parti politique en Espagne qui se donne pour seul catholique.

Dans un cas comme dans l’autre, c’est la conclusion, non de toute l’histoire de l’Espagne, mais de son histoire moderne, depuis l’époque de la Renaissance. C’est une conclusion rigoureuse :

Le parti catholique national, plus connu sous le nom d’intégriste, en raison de l’intransigeance avec laquelle il a toujmrs soutenu la vérité et lulté onlrc t ;)ules les variétés du libéralisme, depuis la plus sauvagp jusqu’à la plus doucereuse et la plus hyp ;)crilc, naquit a la vie comme parti de ce nom l’an 1888, en rédigeant son célèbre manifeste de Burgos comme programme…

…Nous sommes catholiques, nous sommes Espagnols, et nous ne voulons être rien autre.

Nous aimons Dieu par-dessus toute chose… et après Dieu et son Église, nous aimons l’Espagne, parce qu’elle est la patrie que Notre-Seigneur nous a donnée et parce qu’elle a toujours été la nation la plus chrétienne de la terre…

Nous voulons l’unité catholique avec ses conséquences, et qu’aucun crime ne soit plus abominé et plus rigoureusement puni que l’hérésie, l’apostasie, les attaques contre la religion, la rébellion contre Dieu et son Église… Nous voulons donner ù Dieu ce qui est a Dieu et A César ce qui est a César ; mais nous voulons que César s’humilie (levant Dieu, que l’Église et l’État vivent unis, le pouvoir temporel étant subordonné au pouvoir spirituel comme le corps l’est à râmc…

Nous tenons pour abominables la liberté de conscience, la liberté de pensée, la liberté’des cultes et toutes les libertés de perdition avec lesquelles les imitateurs de Lucifer bouleversent, corrompent et détruisent les nations ; de toute l’énergie de nos âmes et jusqu’à notre dernier soupir, nous voulons combattre le libéralisme, le progrés et la civilisation moderne…, et nous croyons que le libéralisme professé par des catholiques qui veulent unir la lumière et les ténèbres, Jésus et Kélial, est, par SDn hypocrisie et sa perfidie, plus dangercu. et plus terrible que celui des ennemis à découvert…