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ESPAGNE (ÉGLISE D’), ÉTAT RELIGIEUX


Par le concordat de 1753, Benoît XIV renonça à une partie de ses droits pécuniaires, laissa au roi la présentation de tous les évêques, et conserva la collation de 52 bénéfices seulement.

Au temps de la première guerre carliste, Grégoire XVI ayant commencé par ne pas reconnaître Isabelle II et par refuser de confirmer les nominations faites aux évêchés par ce gouvernement, les relations furent rompues, en 1836, et, quand elles reprirent, plus de la moitié des sièges épiscopaux étaient vacants. C’est après la chute d’Espartero, en 1841, que reparut l’idée d’un concordat. Le gouvernement commença à négocier à la fin de 1843 ; il réclamait d’abord la reconnaissance d’Isabelle II et il offrait en revanche d’arrêter la vente des biens ecclésiastiques, sécularisés depuis 1836. Un convenio fut conclu à Rome le 27 avril 1845, mais le gouvernement, par crainte de l’opinion publique, n’osa le ratifier. De 1846 à 1851, les négociations se poursuivirent, et les deux pouvoirs se rapprochèrent. Même, en 1848, le gouvernement espagnol vint au secours de Pie IX, et, chevaleresquement, suspendit alors ses revendications.

Le concordat fut signé à Madrid le 16 mars 1851 ; il devait être complété par le « Convenio additionnel » signé à Rome le 25 août 1859. Il réagit contre toute une série de lois révolutionnaires ou libérales promulguées depuis Napoléon P^ jusqu’au milieu du xixe siècle.

Selon l’art. 1°, « la religion catholique, apostolique et romaine, qui, à l’exclusion de tout autre culte, continue d’être l’unique religion de la nation espagnole, se conservera toujours dans les domaines de S. M. Catholique, avec tous les droits et prérogatives dont elle doit jouir selon la loi de Dieu et les dispositions des saints canons. »

Art. 2. « En conséquence, l’instruction dans les universités, collèges, séminaires et écoles publiques et privées de tout ordre sera entièrement conforme à la doctrine de cette même religion catholique ; ce pour quoi on n’opposera aucun obstacle aux évêques et autres prélats diocésains chargés par leur ministère de veiller sur la pureté de la doctrine, de la foi et des mœurs et sur l’éducation religieuse de la jeunesse, dans l’exercice de cette charge, même dans les écoles publiques. »

Le concordat fixe ensuite le nombre et la répartition des diocèses, en tenant compte de certaines modifications plus ou moins anciennes des circonstances : le signe le plus notable en est l’érection à Madrid d’un siège épiscopal, lequel a pris immédiatement une très grande importance.

Viennent ensuite les règles relatives aux chapitres. C’est le roi qui doit nommer tous les doyens, et la moitié des chanoines (les chanoines de o/}icio mis à part ; voir plus loin, sur les diverses catégories de chanoines). Par décret royal du 6 décembre 1888, d’accord avec le.Saint-Siège, le gouvernement royal a consenti à ce que la moitié des canonicats de gratia auxquels il nommait auparavant fussent mis au concours : c’est à la fois une pensée très juste et un nouvel indice de la distinction toujours plus nette entre le domaine de l’Église et celui de l’État.

Le gouvernement a aussi un rôle dans la diffusion des études ecclésiastiques. Art. 28. " Le gouvernement de S. M. Catholique, sans préjudice de l’établissement, au moment opportun, moyennant accord avec le Saint-Siège et aussitôt que les circonstances le permettront, des séminaires généraux où on donnera l’extension convenable aux études ecclésiastiques, adoptera de son côté les dispositions opportunes pour que se créent sans retard des séminaires conciliaires [ainsi aitpclés comme conformes au concile de Trente) dans

les diocèses où ils ne se trouvent point établis. » Nous verrons, en parlant des études ecclésiastiques, que l’État n’a pas rempli le rôle que l’Église lui laissait ainsi, et qu’elle a elle-même repris.

Enfin, le concordat charge encore l’État de propager les ordres religieux. Art. 29. « Afin que, dans toute la Péninsule, il y ait le nombre suffisant de ministres et ouvriers de l’Évangile dont puissent se servir les prélats pour faire des missions dans les divers lieux de leurs diocèses, aider les curés, soigner les malades, et accomplir d’autres œuvres de charité et d’utilité publique, le gouvernement de S. M., qui se propose d’améliorer en temps opportun les collèges de missions pour les pays d’outre-mer, prendra sans retard les dispositions convenables pour que soient établies là où il sera nécessaire, après consultation des prélats diocésains, des maisons et congrégations religieuses de saint Vincent de Paul, de saint Philippe de Néri et d’un autre ordre, parmi ceux qu’approuve le saint-siège, établissements qui serviront en même temps aux ecclésiastiques de lieux de i-etraite pour les exercices spirituels et autres pratiques de piété. » Et art. 30 : « Pour qu’il y ait aussi des maisons religieuses de femmes dans lesquelles pourront obéir à leur vocation celles qui seront appelées à la vie contemplative et à la vie active pour l’assistance aux malades, l’enseignement des filles et autres œuvres et occupations aussi pieuses qu’utiles à la population, on conservera l’Institut des Filles de la Charité sous la direction des prêtres de saint Vincent de Paul, et le gouvernement s’efforcera d’en assurer le développement. On conservera également les maisons de religieuses qui, à la vie contemplative joignent l’éducation et l’enseignement des fiïles ou d’autres œuvres charitables. »

Depuis lors, loin de procurer la diffusion d’aucune congrégation, le gouvernement, chaque fois qu’il a été occupé par les libéraux, a montré une tendance ù les diminuer, et cette tendance semble devenir de plus en plus forte.

Le concordat règle enfin les traitements des évêques, des curés et des chanoines, les dotations des séminaires, etc. Et il ajoute, art. 36 : « Les dotations fixées dans les articles ci-dessus pour les dépenses du culte et du clergé s’entendront sans préjudice de l’aiigmentation dont elles pourront bénéficier quand les circonstances le permettront. » Même, dans certains cas où, immédiatement, les dotations prévues seraient manifestement insuffisantes, « le gouvernement de S. M. y pourvoira convenablement. »

Il est très important d’observer ici que la dotation du clergé est seulement une compensation des biens de l’Église sécularisés ; cette compensation est incomplète, les biens déjà vendus par l’État à l’époque du concordat n’ayant pas été restitués. Art. 42 : » Cela posé, et tenant compte de l’utilité que doit procurer à la religion ce Convenio, le Saint -Père, sur la demande de S. M. Catholique, et pour aider à la pacification publique, décrète et déclare que ceux qui, au cours des événements passés, ont acheté sur les domaines de l’Église des biens ecclésiastiques, conformément aux dispositions légales alors en vigueur, … ne seront inquiétés en aucun temps. » Les biens de l’Église se sont par là trouvés notablement diminués, et, contrairement à un préjugé très répandu, le clergé d’Espagne (nous le montrerons plus loin) est en général fort pauvre : une parlie des rcproclies qu’on lui adresse souvent tomberait si l’on tenait compte de cette circonstance.

Aussi, les biens du clergé, qui étaient autrefois pour lui une garantie trindépendance, transformés en une dotation de l’État, donnent à l’État un moyen de peser sur lui, moyen d’autant plus cflicacc que les biens