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ESPAGNE (ÉGLISE D’), ÉTAT RELIGIEUX


Mgr Cos, depuis archevêque de Valladolid, Mgr Guisasola, actuellement archevêque de Valence, Mgr Salvador y Barrera, titulaire actuel. C’est à Mgr Guisasola, alors êvêque de Madrid, que Pic X a adressé la lettre Intcr aitholicos sur l’union des catholiques d’Espagne. L’êvêque actuel a pris une série de mesures excellentes pour la restauration de la vie paroissiale. A Madrid s’est fondée, en 1908, une université catholique |, our être le principal centre d’études ecclésiastiques en Espagne. Là, ont leur centre beaucoup d’institutions catholiques sociales ; là, se publie le plus lu des journaux catholiques, l’Universo, etc.

Voici quelques renseignements, statistiques et autres, sur cet important diocèse. Madrid compte 30 paroisses, auxquelles sont attachés 362 prêtres <en 1910) ; il y a en outre 81 églises non paroissiales ou chapelles, moins importantes pour la plupart et desservies par 255 ecclésiastiques (pour une population <jui dépasse un demi-million d’habitants).

Le séminaire conciliaire, voir col. 569, est remarquablement organisé, surtout pour les études sociales. Le clergé du diocèse a fondé une caisse de retraites et une association de secours mutuels, institutions particulièrement opportunes en Espagne, comme nous le verrons plus loin.

En résumé, le caractère national que l’histoire a imprimé à l’Église d’Espagne lui a valu certains dangers et certaines forces ; il ne disparaît pas, il s’élargit.

Le caractère national d’une Église peut se traduire dans les coutumes proprement dites, et aussi dans les institutions ecclésiastiques.

Les coutumes particulières qui donnent à la piété d’un pays toute sa saveur et toute sa profondeur sont très nombreuses en Espagne, où il faudrait, du reste, distinguer plusieurs régions. En particulier, l’esprit religieux s’est beaucoup mieux maintenu dans le Nord que dans le Sud ; et, d’autre part, dans les provinces basques et en Navarre, il est plus qu’ailleurs mêlé de passions politiques. Il y aurait à faire, dans cet ordre d’idées, toute une géographie religieuse des régions de l’Espagne.

Nous devons enfin mentionner parmi les vestiges conservés du glorieux passé de l’Église d’Espagne la liturgie mozarabe et la juridiction des ordres militaires : ici et là, reste le souvenir de la croisade où l’Espagne prit conscience de sa nationalité. La liturgie romaine a prévalu en Espagne, non sans quelque peine, au xi'> siècle. Le grand cardinal Ximénès voulut qu’à Tolède, dans une chapelle de la cathédrale, le rite mozarabe fût conservé ; il fit réimprimer, au commencement du xvie siècle, le missel et le bréviaire mozarabes. Une nouvelle édition du missel a été donnée à Rome en 1755 par un jésuite écossais, le P. Lestey ; on trouvera la messe mozarabe, P. L., t. i.xxii. A Salamanque également est une chapelle où, en certaines solennités, se célèbre le rite mozarabe. Difîérente de la li.urgie mozarabe est l’ancienne liturgie tolétane, que nous fait connaître le Liher comiciis, édité | ; ar dom Germain Morin, ^I uedsous, 1893.

J, e concordat de 1851, pour éviter les inconvénients de la dissémination des territoires qui relèvent des quatre ordres militaires, leur a constitué un te ritoire d’une seule pièce où le grand-maître conserve sa juridiction. « Le nouveau territoire s’appellera Prieuré des ordres militaires et le prieur aura rang épiscopal avec un titre d’Église in parlibiis » (art. 9).

Le souvenir vivant de la vieille Espagne de la croisade se retrouve encore dans les messes militaires et plus spécialement dans les messes de campagne qui se célèbrent en plein air ; à l’élévation, la musique militaire joue l’hymne royal.

Il n’y a pas en Espagne comme en France de pre mières communions solennelles. Voir sur ce point

col. 591. Le service de la messe, les ornements sacerdotaux présentent de menues différences avec ce qui se voit chez nous. Voir, par exemple, abbé Carouge, Pèlerinages en Espagne et en Portugal, Troyes, 1903, p. 13 sq. et passim. Les enterrements non plus ne se célèbrent pas de la même manière. Ibid., p. 21-22. La célèbre bulle de la croisade, qui est renouvelée tous les six ans, dispense, moyennant une légère aumône, les Espagnols du jeûne, sauf le mercredi des Cendres, les vendredis de carême, les quatre derniers jours de la semaine sainte, et les vigiles de Noël, de la Pentecôte, de l’Assomption et de la Saint-Pierre.

Nombre de cérémonies populaires et poétiques, malheureusement en voie de disparaître, se célèbrent encore, surtout dans les paroisses rurales.

M. Ménendez y Pelayo, Hisloria de los Heterodoxos espafioles, 3 vol., Madrid ; Meyrick, The Church in Spain, Londres, 1892 ; H.Ch. Lea, Esquisse d’une histoire de la mainmorte, Paris, 1901 ; Nicolas Diaz y Pérez, La Francmasoneria espanola, Madrid, 1894 ; An. Leroy-Beaulieu, Israël chez les nations, 5<- édit., Paris, 1893, p. 90, 94, 156-157, 275 ; Morel-Fatio, Études sur l’Espagne, 3 « série, Paris, 1904, p. 438 sq.

Sur les coutumes religieuses de diverses provinces et sur l’esprit religieux de l’Espagne, on trouvera des renseignements abondants dans la littérature, en particulier chez les romanciers, dans les guides, dans les récits de voyages et surtout de pèlerinages. Citons : Al. de Laborde, Ilinénaire descriptif de l’Espagne, 5 vol., Paris, 1808 ; René Bazin, Terre d’Espagne, Paris, 1895 ; abbé Carouge, Pèlerinages en Espagne et en Portugal, Troyes, 1903 ; Angel Ganivet, Idearium Espai’iol, Madrid, 1896 ; 2’édit., 1905 ; M. de Unamuno, Mi religion, Madrid, 1910 ; Id., En Torno al caslicismo (articles publiés dans La Espana moderna, Madrid, mars, avril, mai 1895) ; Ménendez y Palayo, H15toria de las ideas estéticas en Espana, Madrid. Voir enfui sur les coutumes religieuses populaires la précieuse collection du Làbaro, journal quotidien de Salamanque (14* année, 1910), et de la Semana catolica du même diocèse.

IV. L’Église d’Espagne et l’État espagnol. — L’Église d’Espagne, qui n’est plus, en fait, au sens complet du mot, une Église nationale, est encore, strictement parlant, une Église d’État : et ainsi sa situation légale ne traduit plus exactement sa situation réelle.

L’art. Il de la constitution (de 1876) s’exprime ainsi : « La religion catholique, apostolique et romaine est celle de l’État. La nation s’oblige à maintenir le culte et ses ministres. Nul ne sera inquiété sur le territoire espagnol pour ses opinions religieuses ni pour l’exercice de son culte pai’ticulier, sauf le respect dû à la morale chrétienne. Ne seront permises, toutefois, comme cérémonies et manifestations publiques, que celles de la religion de l’État. »

Cet article est conforme au concordat de 1851 ; mais on n’en saurait dire autant de toute la constitution de 1876. Et, quoique ce concordat régisse encore, en théorie, les rapports de l’Église et de l’État, son esprit n’est plus observé et beaucoup de ses dispositions se trouvent implicitement abrogées. Il faut, d’ailleurs, reconnaître qu’à l’époque même où il fut conclu, il ne reflétait pas l’état réel de l’esprit public en Espagne.

Lorsque l’Espagne était une théocratie, ou, plus tard, lorsque ses rois ne faisaient que trop sentir leur influence politique dans le catholicisme, il n’y avait pas lieu à concordat. On peut considérer comme le premier concordat la Concordia Facheneli (1640), appelée ainsi du nom du nonce qui le conclut, et qui traite seulement des bénéfices et de la nonciature. Après la guerre de la succession d’Espagne, qui avait interrompu les communications entre les deux pouvoirs, un concordat fut conclu, en 1717, mais il ne fut pas publié. Nouveau concordat en 1737, incomplet, et qui ne satisfit point les conseillers de Philippe V.