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ESDRAS ET NEHEMIE (LIVRES DE^


tation chaldéenne de 586 avait épargnés et laissés dans le pays, car les Judéens emmenés en captivité, et ceux qui, plus tard, revinrent de l’exil, étaient, eux aussi, un reste, le reste du peuple d’autrefois, aussi bien et au même titre que ceux restés dans le pays ; dans les anciens prophètes, l’expression s’employait couramment pour désigner le peuple de l’avenir renouvelé par l’épreuve. Van Hoonacker, Nouvelles études, p. 67-68. On peut trouver d’ailleurs dans Aggée une allusion au retour qui suivit de très près la chute de Babylone : tous les maux qui ont frappé récemment le peuple sont survenus, dit Jahvé, « à cause de ma maison qui est en ruines tandis que vous vous empressiez chacun pour sa maison, » Agg., i, 9, reprochant par là aux Juifs leur attitude, durant les dernières années écoulées, pendant lesquelles ils auraient été plus préoccupés de bâtir et d’installer définitivement leur propre demeure que de reconstruire le temple ; n’est-ce pas la situation d’une population nouvelle, établie depuis peu dans le pays ? Pour le prophète Zacharie, « loin de ne faire aucune allusion au retour de la captivité, il atteste de la manière la plus formelle qu’à son époque le grand événement venait de s’accomplir. Toute la prophétie de Zacharie le suppose. Aux c. vii-viii, il est proclamé que le temps de l’épreuve est fini pour le peuple juif ; les jours de pénitence, y compris celui qui célébrait le souvenir de la dispersion de la nation, sont changés en jours de fête 1 Aux c. i-vi, le prophète célèbre la délivrance du peuple dans une série de visions prophétiques…, cette délivrance est un fait actuel, aussi bien que celui de la reconstruction du temple, aussi bien que celui du châtiment de Babylone. Enfin au c. vi, 9-15, Zacharie affirme en termes explicites que la Gola, les Juifs revenus de Babylone sont établis en Judée. » Van Hoonacker, Nouvelles éludes, p. 87-88. Cf. son commentaire de Zacharie.

h) Reconstiuclion du temple. Esd., iii-iv, 5. — La seconde année du retour, Zorobabel, Jusué et leurs compagnons commencèrent les travaux du nouveau temple, les fondements en furent posés et solennellement inaugurés, iii, 1-8. Après avoir refusé le concours « des ennemis de Juda et de Benjamin)>, les rapatriés furent empêchés par les intrigues de ces derniers de continuer les travaux qui ne purent être repris qu’en la seconde année de Darius, iv, 1-5, 24. Cette représentation des premiers temps du retour est-elle exacte, n’est-elle pas plutôt une invention tendancieuse du Chroniste, contredite par le récit araméen d’Esd., v-vi, et surtout par Aggée et Zacharie ?

Notons d’abord le caractère de parfaite vraisemblance intrinsèque qui distingue le récit en question. Si les exilés sont revenus en Judée, c’était pour réédifier le temple de leur dieu. L’autel qu’ils avaient élevé sur le lieu saint et auquel Aggée fait incidemment une vague allusion, ii, 14, les dons que le peuple et ses chefs s’étaient empressés d’ofl’rir témoignent du zèle dont les compagnons de Zorobabel étaient animés pour la restauration immédiate du culte. Le but assigne à l’expédition des émigrants était, d’après l’édit, conforme en cela aux données des inscriptions de Cyrus, le relèvement des murs du temple ; aussi l’empressement des Juifs rapatriés à l’entreprendre est-il très naturel. Le rôle hostile attribué aux populations semi-païennes d’alentour porte, lui aussi, la marque de l’histoire ; la mention d’Asarhaddon, iv, 2, « comme auteur de la colonisation de la Palestine, est en harmonie avec les renseignements fournis par les inscriptions et ne peut avoir été suggérée au narrateur q^ie par des témoignages précis et sûrs touchant les faits qu’il raconte. « Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 544. Cf. Nouvelles études, p. 138 150.

Quant à la contradiction entre Esd., m et v, elle n’existe pas. La lettre adressée à Darius sait que Sassabasar, au commencement du règne de Cyrus, est venu à Jérusalem poser les fondements du temple, V, 16 ; la donnée de v, 1-2, au sujet de la construction du temple à la voix des prophètes Aggée et Zacharie n’est pas incompatible avec la supposition qu’il s’agit « de la reprise des travaux, de la construction de l’édifice lui-même sur les assises déjà existantes, bien que sans doute détériorées et à remettre en état après quinze ans d’interruption. » Leꝟ. 1 d’ailleurs n’est pas le début du récit, ce début se trouve au verset précédent, iv, 24, lui-même à rattacher directement à IV, 1-5, dont il continue la narration interrompue par l’insertion indue de iv, 6-24, relatif à l’afiaire de la reconstruction des murs.

Le témoignage d’Aggée et de Zacharie, souvent invoqué contre le caractère historique d’Esd., m ne lui est pas contraire. Au >. 2 du c. i d’Aggée, la parole du peuple : « le temps n’est pas encore venu de bâtir la maison de Jahvé, » peut s’entendre de la reprisedes travaux, interrompus à la suite des menées hostiles des populations rivales d’alentour, qui avaient provoqué un revirement dans les dispositions du roi, d’abord favorables aux Juifs. L’occasion de reprendre l’œuvre ainsi restée inachevée ne se présente que lors de l’avènement de Darius, fils d’Hystaspe, grâce, en particulier, aux guerres qui se déchaînèrent et naturellement détournèrent l’attention de Jérusalem ; les circonstances se prêtaient alors à merveille à l’accomplissement de la grande entreprise, « le moment était bien choisi quand Aggée se leva pour reprocher à ses compatriotes leurs longs retards et stimuler leur zèle. » Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 546. « Le jour de la fondation du temple, u Agg.,

II, 15-19, s’entend, dans la pensée du prophète, d’un terme fixé à distance dans le passé pour servir de point de départ à la considération des épreuves endurées depuis lors ; c’est ce que prouve l’emploi de la particule ]~i^, Icmin, qui jamais a ne sert à introduire, dans l’ordre de l’espace ou dans celui du temps, un terme a quo considéré comme présent, relativement au sujet qui a la parole ou qui tient la plume. » Ibid., p. 573.

Bien non plus à conclure contre la véracité d’Esd.,

III, d’après Zach., i, 16 ; vi, 12 ; iv, 9, ce dernier passage plaidant plutôt en faveur d’une fondation du temple antérieure à la deuxième année de Darius. Au c.viii, 9, le prophète ne suppose pas comme date de la fondation du temple l’époque du commencement de son ministère ; sans doute « les formules : ces jours-ci, le jour où le temple a été fondé, désignent le temps actuel en opposition avec le temps des pères auxquels les anciens prophètes avaient fait entendre leurs promesses relatives à une restauration future ; « mais « on doit reconnaître que les paroles de Zacharie gardent leur signification pleine et entière dans la supposition que le temple avait été fondé dès la seconde année du retour des captifs. » Ibid., p. 644.

L’identification des faits rapportés aux c. m et v d’Esdras, formant un double récit d’un même événement : la reconstruction du sanctuaire sous Darius, supprimerait, si elle était sulTisamment démontrée, toute difiiculté. Cf. III Esd., v, 1-6, 46 sq. Theis, Geschichlliche uml lilerarkrilische Frcujen in Esra, i-i, p. 68-82.

VIII. Chronologie.

Le compilateur des livres d’Esdras-Néhémie nous a donc laissé un ensemble de documents dont la valeur en permet l’emploi dans la reconstitution de l’histoire post-exilicnne, non sans essayer toutefois d’établir au préalable parmi ces documents un ordre chronologique. Il est bien évident, en effet, que la suite des événements, telle qu’elle appa-