Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée
31
32
ENFER DANS L’ECRITURE SAINTE


iiKitics, in-S", I, o)i(lrc’s. 1907, p. 122 sq., et il en est ainsi dans l’Ancien Testament presque jusqu’à David et aux pr()pluHes. rToutefois, pour coniprendrc sainement celle mentalité, il faut noter que ces senliments contribuèrent puissamment à développer chez les Juifs un sens religieux de plus en plus profond ainsi qu’à élever peu à peu leur sens moral au-dessus d’un utilitarisme égoïste : les Juifs fidèles cherchaient le bonheur temporel, fuyaient ici-bas la vengeance divine par un fidèle service religieux, méritant les comijlaisances de Dieu.

De sanction morale primitive dans l’au-delà, on peut trouver quelques premières traces, d’abord dans cette vague conception que le déshonneur de la vie d’ici-bas, comme l’honneur, spécialement au moment de la mort, suivent les hommes dans le se’ôl, m Reg., II, 0, 0 ; puis en cette autre que l’homme libre, choisissant la vertu ou le péché, choisit aussi en fait la vie ou la mort, Deut., xxx, 15-20, expression confuse, qui, plus tard, sera toute spiritualisée, mais qui, dès maintenant, malgré certaines parties du contexte, peut dif ricilement être restreinte à un sens uniquement matériel.s^L’Épîtrc aux Hébreux, xi, nous donne la certitude que les patriarches et tous les Juifs fidèles croyaient en Dieu rémunérateur. Billot, De novissimis, ’2<= èdit.. Home, 1903, p. 12-13. Il n’en résulte pas toutefois que la masse du peuple vécût beaucoup de cette foi ; aussi ne se fait-elle pas souvent jour dans son’histoire.

On cite souvent, en faveur de la rémunération différente après la mort, quelques textes du Pentateuque, à première vue assez clairs, mais dont la signification semble incertaine. Lesjcxpressions : Ibis ad patres in pcice, Gen., xvi, 15 ; Moriatur anima mea morte justorum ; fiant novissima mea Iwnim similiu, Nujn., xxiii, 10, distinguentjnettement la mort des justes et celle des impies ; mais cette distinction peut n’être encore que temporelle, comme dans le reste du Pentateuque. Ces expressions peuvent équivaloir à ces autres très fréquentes dites de la mort des patriarches à leur très grande louange : Mortuas, ou sepultus in senectate bona, pleniis dieriim, in pace. Gen., xv, 15, etc. Cf. A. Crampon, La Sainte Bible, Tournai, 1894, t.i, p. 535. Les trois blasphémateurs, Coré, Dathan, Abiron, avec leurs familles, furent engloutis tout à coup dans le Se’ôl ; celui-ci n’est pas spécifiquement l’enfer des damnés, car ces familles comptaient des enfants innocents. Num., xvi, 27-33. Dans le cantique de -Aloïse, Deut., xxxii, 22, /(//î/s.sHCCfnsus es/ in fuiorc meo et ardebit usqiie ad inferni noi’issima, signifie une dévastation totale, radicale, du pays occupé par les Hébreux infidèles à Dieu comme l’explique la suite, dévora bitrjue tcrram cuni germine et montiiim fundamenta comburet. D’après le contexte, par conséquent, ce feu est une métaphore exprimant la rigueur des châtiments divins sur Israël coupable et il désigne donc des châtiments temporels.

Finalement, dans le]^Pentateuque, et il en est de même dans les livres de Josué, des Juges et des Rois, il n’y a aucune distinction explicite entre le sort des justes et des impies dans l’au-delà. Deux principes implicites y sont contenus seulement : celui de la responsabilité individuelle devant Jahvé et celui de l’espérance messianique individualifée. Voir t. ii, col. 2175. Ces deux principes seront féconds et contribueront à développer une escluttologie de plus en plus parfaite. Cf. F. Vigoureux, La Bible et les déeoaucrles modernes, t. iv, p. 585-592.

2° Livres moraux anciens : Job, Psaumes, Ecclésiuste, Proverbes. — C’est naturellement le spectacle de la disproportion des misères et des vertus ici-bas qui fixa la réfloxion sur les sanctions de l’au-delà. Euxmêmes justes et malheureux, les auteurs inspirés con sidérèrent d’abord les malheurs des justes. Guidés par rinspiralion et la droiture de leur conscience, ils s’élevèrent bientôt à la claire vérité : la justice complète pour l’homme vertueux, et ainsi digne de bonheur, n’est pas ici-bas, mais dans l’au-delà.

1. C’est la solution de.lob qui |jose très explicitement le problème et dont tout le livre est occupé à chercher cette solution. Ses trois premiers amis défendent la théorie de la sanction exclusivement terrestre pour le péché comme pour la vertu. Fort de son innocence. Job oppose le fait, son histoire, à leurs théories et peu à peu monte à la vérité-principe : la sanction dans l’au-delà, d’abord en désir, xiv ; puis en espoir absolu, xvi, 8-xvii, 9 ; enfin en certitude, XIX, 23. Job ne’traite pas directement des pécheurs ni de leur châtiment après la mort. On cite parfois pourtant à ce sujet deux textes qui ne semblent pas probants, xxiv, 19, la Vulgate dit de l’impie : Ad nimium calorem transeat ab aquis niviuni et usquc ad in/rros pcccatum iilius. Pères, théologiens, prédicateurs ont entendu ce passage de la damnation éternelle, quelques-uns pour en conclure qu’en enfer il y avait non seulement le supplice du feu, mais aussi celui du froid. Mais le texte hébreu signifie simplement : le se’ôl engloutit le pécheur comme la sécheresse et la chaleur absorbent l’eau des neiges ; sanction terrestre d’une mort rapide, que de fait décrit le verset suivant, surtout dans le texte original. De même, xxxi, 12, il est dit de l’adultère, iynis est usque ad perdilionem devorans, c’est-à-dire jusqu’à la ruine totale terrestre, la perte de la fortune, de la famille, etc., comme l’explique la seconde partie du verset : et omnia eradieans geniniina (ses possessions). Il y a cependant, dans Job, deux allu sions possibles au véritable enfer des méchants : xxvi, G, le se’d/ est distingué de Vabaddôn, ruine, destruction, ici lieu de ruine et de destruction. Cf. Prov., xv, 11 ; Ps. Liv, 24. S’agit-il dans ces textes d’une distinction locale dans le’se’ôl, d’un lieu plus abyssal (cf. Job, xxviii, 14), plus destructeur pour les morts, ou d’une simple répétition synonymique, appelée par le parallélisme ? Cf. xxviii, 22, où pcrditio semble désigner le se’d/ simplement, xxxi, 12. La signification simplement synonymique est donnée conuns certaine dans la Sainte Bible polyglotte de Vigouroux, Paris, 1902, t. iii, p. 758, 759, note sur xxvi, G. L’ne autre expression a semblé à plusieurs, par exemple, à H. Martin, La vie jutnrc, note 13, p. 517, renfermer l’enseignement clair d’un enfer de damnés. Job, xxvi, 5, dit : Eece gigantes gemuni sub aquis. Ces giganies, en hébreu repha’im, n’Nsi, dont la Bible parle sou

  • T :

vent, sont donnés comme les types des impies, révoltés contre Dieu et précipités dans le se’ôl, évidemment pour leur châtiment. Cf. Baruch, ni, 26-28 : Prov., IX, 18 ; xxi, IG ; Is., xiv, 9 ; xxvi, 14, 19 ; Ps. Lxxxvii, ll. Mais on s’accorde maintenant à traduire repha’im par les défaillis, les ombres (ou les morts), lorsqu’il s’agit du se’ôl. Cf. Sainte Bible polijglotte, note sur Job, xxvi, 5. Ce dernier verset doit donc se traduire : Voici que les morts tremblent (devant Dieu), sous les eaux (dans le se’ôl situé sous la terre et les océans). Quant aux sombres descriptions par lesquelles Job peint si vivement la terram tencbrosam et operlam mortis caligine, terram njiseri ; e et tenebrariim, ubi wnbra mortis et nullus ordo, sed sempitcrnus horror, x, 21, 22. elles s’appliquent évidemment au séjour des morts, malgré leur pessimisme, car Job affirme en même temps qu’il est innocent et qu’il marche vers cet enfer.

En résumé, .Job attire l’attention sur les sanctions de l’au-delà. Affirmer la récompense des justes, c’est proclamer implicitement la punition des méchants ; mais l’iinplicite peut rester longtemps inaperçu.