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ESDRAS ET NÉHEMIE (LIVRES DE)

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Soulever de sérieuses difficultés, n’étant pour la plup ; irt que des mots ou des phrases interpolés par des scribes ou ajoutés lors d’une revision de l’ouvrage. Cependant quelques objections restent sans réponse satisfaisante. Si Esdras est l’auteur du livre auquel il donne son nom, pourquoi cet arrêt si brusque du récit quelque temps à peine après l’arrivée du scribe à Jérusalem, pourquoi ce silence absolu sur de longues années après 516, alors que les événements de cette période ne lui étaient certes pas inconnus et que leur « xposé eût aidé à mieux comprendre sa mission ? Dans le cas de Néhémie, la question la plus difficile à résoudre est celle de la différence très sensible entre les morceaux certainement authentiques et le reste du livre, sans parler des expressions déjà signalées, manifestement d’époque plus récente.

Tout s’explique, disent le plus grand nombre des critiques, si les livres sont regardés comme l’œuvre d’un compilateur ou dernier rédacteur qui n’est ni Esdras, ni Néhémie, ni un de leurs contemporains, mais bien l’auteur même des Paralipomèncs, qui, en toute hypothèse, n’écrivait pas avant le iv<e siècle. Mangenot, art. Paralipomèncs, dans Vigourfiux, 7)/V/. de. la Bible, t. iv, col. 2140-2141. Voici les raisons invoquées en faveur de la communauté d’origine des Chroniques, Esdras et Néhémie : le caractère général de ces écrits est le même ; composés en grande partie de documents plus anciens, ils sont des compilations plutôt que des œuvres originales : la ressemblance dans la manière de composer l’ensemble se retrouve dans de nombreux détails : dans tous trois, il est facile de remarquer une préférence nettement accusée pour les statistiques et les généalogies. Esd., i, 9-11 ; vii, 1-6 ; vni, 1-14, 18-20 ; x, 20-44 ; Neh., iii, vii, 6-73 a ; X, 1-27 ; XI, 3-36 ; xii, 1-26 ; I Par., les premiers chapitres ; la même précision se retrouve dans le détail des prescriptions cultuelles, dont l’observance s’impose rigoureusement, Esd.. iii, 1-7, 8-13 ; vi, 15-18, 19-22 ; vni, 35 : x, l-14 ; Neh., vii, 73-viii, 12, 13-18 ; ix, 1-5, 38 ; x, 29-30 ; XII, 27, 43 ; I Par., xiii, xv, xvi ; II Par., v-vii, xxix-xxxi ; le nom des lévites et des autres serviteurs du temple revient souvent sous la plume de l’auteur de l’un on l’autre livre, plus de soixante tois dans Esdras-Nchémie et cent fois environ dans les Chroniques, et ce qui rend le rapprochement significatif, c’est que les lévites, par exemple, n’apparaissent que deux fois dans Samuel, I Sam., vi, 15 ; II Sam., XV, 24, lîyle, op. r17., p. xxvii ; les chanteurs du temple, si souvent mentionnés dans Esdras-Néhémie, Esd., ii, 41, 65, 70 ; vii, 7… ; Neh., vii, 1. 44 ; X, 28, 39 ; xr, 22, et non moins dans les Paralipomèncs, le sont à peine ailleurs, de même encore pour les portiers. Esd., ii, 42, 70 : Neh., x, 28 ; I Par., xxvi-Le vocabulaire et le style n’offrent pas moins de ressemblance que les sujets traités ; quelques exemples de mots et expressions caractéristiques : chefs de famille, Esd., i, 5 ; ii, 68 ; iii, 12 ; iv, 2, 3 ; Neh., vii, 70, 71 ; viii, 13 ; xi, 13, et plus de vingt fois dans les Paralipomènes ; la maison de Dieu, Esd., i, 4 ; iii, 8 ; VI, 22 ; Neh., viii, 16 ; xi, 16 ; xii, 40 ; xiii, 7, et plus de trente fois dans les F’aralipomèncs (ailleurs maison de Jahvé) ; les peuples des pays, de ces contrées, Esd., iii, 3 ; IX, 2, 7, 11 ; Neh., ix, 3<i ; x, 28 ; et Par., plus de douze fois, etc. G. Hyle, op. cit., p. xxviii-XXIX ; Driver, op. cit., p. 53.’)-ôlO ; Hastings, Dictioluirij 0/ Ihe Bible, t. i, p. 389-391.

Il n’y a pas seulement communauté d’origine entre les Chroniques et Esdras-Néhémie, mais encore unité primitive. Celle-ci se déduit de la façon dont se termine le premier de ces livres ; le v. 21 du c. xxxvi, qui en est la fin réelle, n’est pas une conclusion ; quelque scribe l’ayant bien compris y a ajouté les versets du début d’Esdras, eux-mêmes inachevés à cette

place. Cf. II Par., xxxvi, 23, et Esd., i, 3. Theis, op. cil., p. 5-6. Ce brusque arrêt du récit à la fin des Chroniques s’explique par le fait d’une coupure plus ou moins heureuse dans un ouvTage comprenant la suite des événements qui ont précédé et suivi la captivité. La même conclusion nous est fournie par le 111’= livre d’Esdras ; la narration s’y poursuit sans interruption depuis II Par., xxv, jusqu’à Neh., viii, 13, malgré quelques lacunes et additions, mais surtout sans reproduire deux fois l’édit libérateur de Cyrus, conmie le fait notre texte canonique ; le traducteur ignorait donc la division tripartite actuelle, considérant nos trois livres comme un ouvrage unique-L’unité d’origine est d’ailleurs généralement admise. Kaulen, Kiel, Ilavernick, Lesêtre, Vigouroux l’acceptent, mais en tenant Esdras pour l’auteur.

Pour quelles raisons se serait faite la séparation entre les différentes parties de cet ouvrage historique ? La place d’Esdras-Néhémie dans le canon juif, avant les Chroniques, suggère une réponse. La section de la Bible hébraïque, appelée les Prophètes, laissait le récit de l’histoire d’Israël au milieu de la captivité, II Re^., xxv, 27, pour le continuer, c’est-à-dire raconter le retour de l’exil, la reconstruction du temple et des murs de la ville, la dernière partie de l’œuvre du Chroniste, c’est-à-dire Esdrp.s-Néhémie, était tout indiquée, donnant la suite désirée sans reproduire le récit d’événements déjà relatés dans Samuel et les Rois. Plus tard seulement, la première partie du livre ainsi divisé aurait pris place au canon hébreu, parallèlement à l’histoire prophétique allant du livre de la Genèse à celui des Rois. Reuss, Chronique ecclésiastique de Jérusalem, Paris, 1878, p. 12-13, dans la Bible, t. VI ; Ryle, op. cit., p. lxv ; Gigot, op. cit., p. 328-229.

VI. But.

Il ne s’agit pas du but poursuivi par Esdras ou Néhémie en écrivant leurs Mémoires, dont l’état fragmentaire actuel ne permet pas d’ailleurs un jugement sur l’œuvre primitive ; ce qu’on peut en dire néanmoins, d’après les extraits parvenus jusqu’à nous, c’est que leiirs auteurs se proposaient, non pas de composer une sorte d’autobiograiiliie, mais d’indiquer la part prise par chacun d’eux dans la restauration juive, après la captivité, l’un dans le rétablissement et la réorganisation du culte à Jérusalem, l’autre dans l’achèvement des murs de la ville et la repopulation de l’ancienne capitale du royaume de Juda. Il s’agit du rédacteur ou compilateur, du Chroniste. Il est certain tout d’abord qu’il ne veut pas nous raconter l’histoire du judaïsme depuis la captivité jusqu’à Néhémie ; sans doute ces deux ternies marquent le commencement et la fin de son récit, mais les lacunes considérables de ce récit même, et surtout son point de vue très exclusif montrent que la composition d’une telle histoire ne rentrait pas dans les intentions de son auteur. L’absence de tout événement de l’histoire strictement profauc, l’attention toujours concentrée autour du temjile, du culte et des prescriptions légales font du livre Esdras-Néhémie. comme d’ailleurs des Paralipomènes. un récit avant tout religieux, une histoire du temple, de sa reconstruction, et de la vie religieuse dont il est le centre ; le relèvement des murs de la cité sainte n’est raconté que parce qu’il doit contribuer à la sauvegarde du temple et de son peuple de fidèles.

Si tant d’inqiortance s’attache à la maison de Dieu, c’est qu’elle est la condiUon nécessaire de l’unité nationale et religieuse. Cette idée de l’unité est chère au rédacteur, c’est elle <(ui lui fait choisir l’histoire de l’exclusion des ennemis d’Israël s’offrant à participer à la reconstruction du temple, lilsd., iv, et dans les Mémoires de Néhémie le récit des difiicultés du gouverneur avec les Samaritains, ceux-ci, en effet,