Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée
509
510
ESCLAVAGE


et dans certaines conditions de nécessité, les parents peuvent vendre leurs enfants.

Lugo n’admet pas que l’exemple de saint Paulin prouve la légitimité de cette vente ; mais il la justifie par le raisonnement suivant, disp. VI, sect. ii, n. 14 : Rado Hem a priori esse potest, qiiod senms consiiluitur per hoc, quod omnes suas opéras et obsequia domino obligct per lolam vitam ; siciii ergo potest aliqiiis anticipala mercede accepta, obligare se ad serviendum per anmim, et tenetiir ex j’ustitia ad reddendum obscqitiiim promissLim ; cur non potcrit se obligare ad obsequia per longius tempus et per lolam vilam exliibenda, qua obligatione posila servus appcllaliir’.'

Lessius, 1. II, c. v, dub. iv, dit qu’un homme peut ainsi se constituer esclave, et qu’un père peut aussi y réduire son fils mineur.

Sanchez, Consilia moralia, 1. I, dub. iii, admet aussi cette double possibilité, car, à ses yeux, s’il n’y a point dommage d’un tiers, la nécessite d’éviter la mort et le fait que l’homme est maître de sa liberté, légitimeraient cette pratique.

d. La naissance. — Saint Antonin se rapporte à saint Thomas, lequel base sa décision sur ce principe : quod secundum leges civiles parlas sequitur ventrem, et il examine différentes hypothèses, empruntées à une jurisprudence trop archaïque pour nous retenir. Molina, tr. II, disp. XXXIII, n. 4 ; Lessius, 1. II, c. v. dub. IV, admettent la valeur de ce titre. Lugo, disp. VI, sect. ii, n. 16-18, le trouve difficile à justifier, et conclut qu’il y a là une détermination du droit naturel par la loi positive.

B. Que valent ces titres, dans le cas particulier des nègres ? Les auteurs, qui ont traite cette matière le plus en détail, sont Molina, Rebello et Avendano dans son Thesiuirus Indicus.

Molina pose un principe général, disp. XXXIII, n. 28 : in.-Elfiiopia, et in aliis similibns locis, slandum est juri naturali, nisi forte co in loco jus aliquod peculiare sit ea in parte. Mais, précisément, ce sont ces circonstances locales qui rendent très difficile l’application équitable des principes généraux. Pour son compte, farta diligenli inquisitione, disp. XXXIV, après avoir interrogé et missionnaires et marchands, il est fort embarrassé. Cum rcs de qua agitur, slatim in aliquibus ut dura, periculisque plena scsc offerat, neque desinl scriptores qui cam tanquam injustam lethalis culpæ damnent, iimoralosquc nmltos hodie conscientia propria pungat, disp. XXXV. 2. Il faudrait donc, ut rumores injustitia’, scandalumque, si quod est, cesset, qu’il y ait une sentence mûrement pesée et officiellenient prononcée.

Avendano juge de même la question : Rem liane adeo esse cluistianis conscientiis periculosam, ut si ad régulas justitirc aptari debeat, vix aliquid occurrat, quo possit plena securitas in huiusnwdi contracta reperiri. Tlies. Indicus, tit. ix, c. xii, n. 180. Et précisément il avait exprimé le doute qu’on pût améliorer cette situation : cum ad assecurationem Imjusmodi sententiarum theologi, et ulinam inempli, succurrcmt, lit. V, c. xviii, n. 145.

Y a-t-il eu des guerres qui aient pu légitimer l’esclavage ? De guerre proprenient dite, non, ou peu s’en faut. Lors de la guerre contre les Cafres, remarque Molina, après le martyre du P. Sylveira et le massacre de la mission, la guerre était juste, et des esclaves purent y être faits justement. Hors ce cas, il n’y a pas eu de guerre entre noirs et Portugais. Mais il y a toujours guerre entre les noirs qui épient l’arrivée des Portugais pour échanger leurs captifs contre des marchandises, disp. XXXIV..S’il s’agit d’esclaves achetés pendant les guerres entre noirs : L>c/>er// sibi persuadere, ut plurimum sine jnsto titulo in servitittem esse rcdacta. Cf. quelques exemples, disp. XXXV, n. 17.

Sanchez, Consilia, 1. I, dub. iv, n. 2, est du même avis : ces guerres sont injustes, elles ne sont que des razzias à la veille de la vente. Ont-ils résisté aux prédicateurs de telle sorte que pour défendre ou venger les missionnaires, leurs compatriotes aient pu intervenir ? Pas davantage.

Avendano, tit. i, c. xi, n. 98, 100, rapporte les concessions de Calixte III et de Nicolas V dont il rapproche les deux lettres de Paul III. Il ajoute : Debellalionem quidem et serritutem concedunt priores, sed juxla juris formam ralionabililcr temperandam ; juris inquam naturalis, et gentium, et christiana consueludinc rcgulatam. Si Ha résistant ut vita privari possint, merito et servi possunt fieri… Quelle sera cette résistance ? attenta débet et christianis pectoribus digna consideratione pensari. D’ailleurs, la concession faite aux rois catholiques ne comprend en aucune façon le personale Indorum dominium ; celui-ci ne peut donc nisi per summam injuriam usurpari. Et la loi espagnole, interprétée de bonne foi, ne comportait pas non plus ces conséquences.

Quant aux jugements, qu’attendre de la justice des noirs ? Il n’est pas insolite, rapporte Molina, que pour le vol d’une poule, le délinquant et sa famille entière soient condamnés à la mort ou à la vente. Il y a des sentences tjTanniques qui réduisent des familles à la servitude : tel est le cas de cet enfant dont le frère avait regardé une des femmes du prince ; si quelqu’un prend une des plumes des paons du prince ; si quelqu’un touche à ses palmiers ; si quelqu’un meurt avec une dette, si légère soit-elle, disp. XXXIV. Voici ce qu’il permet plus loin, disp. XXXV, n. 8 : en Guinée, on peut acheter quiconque est réduit en servitude pour un délit personnel (non les fils ou les parents), si ce délit en Europe eût mérité les galères à perpétuité, peine assurément plus lourde que l’esclavage.

La vente sera dans bien des cas l’injustice la plus manifeste. Un voyageur du xvie siècle, Edouard Lopez, a vu les nègres, spécialement épris de la chair du chien, donner iiour un chien de médiocre grandeur 22 esclaves, estimés 10 ducats par tête. Yera descriplio regni Africani quod tam nb incolis quani Lusitanis Congus appellatur per Philippum Pigafellam, olim ex Edoardi Lopez acroamatis lingua ilalica excerpia, nunc Latino sermone donala ab Aug. Cassiod. Reinio, Francfort, 1598, p. 17.

Il est avéré, rappelle Molina, disp. XXXIV. que des hommes vendent leurs femmes ou leurs enfants pour avoir une sonnette ou un miroir, pour une demiaune d’étoffe rouge, verte ou bleue, pour un objet de cuivre. Encore, avoue Rebello, q. x, n. 1, arrive-t-il qu’avec ces friperies, on les attire jusqu’aux navires, et là on les embarque de vive force. Eux-mêmes se vendent entre eux pour des peaux d’éléphants, ou des dents de panlliéres. qu’ils portent ensuite au cou. .Molina. disp. XXXV, n. 12. Si invraisemblables que paraissent ces marchés, Molina avoue que pour le moment, intérim dum aliud non mihi elucet, il ne les condamnerait pas de ce chef. rfi/nj modo juxla valorem a’stimalioncmve tam mancipiorum quam mrrrium in eo loco, commulatio fiât.

En cas de famine, pense Molina, disp. XXXV, n. 9, il est permis daclieter pour des vivres ceux qui veulent positivement se vendre ; il n’est pas permis de vendre les enfants, si ce n’est dans l’exlrême nécessité. Et si cela avait lieu..Molina, d’accord.ivcc les confesseurs les plus sages de ce pays, conseillerait ou imposerait d’affranchir rapidement ces enfants, ou de les traiter en véritables domestiques.

l’n concile des Indes, et les rois du Portugal, dis]). XXXIV, n. 19, défendent aux infidèles d’avoir des esclaves de Canibayc, vendus lor.s des famines et sou-