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ESCLAVAGE


cor catholique d’une scène totalement étrangère au catholicisme ; bien plus, ces scènes excluent non pas seulement l’esprit, mus l’apparence même lointaine d’une propagande du catholicisme. » Ce qu on a voulu appeler la conquête, mais qui n’a été qu un temps d’invasions et de violences plus contraires aux ois de Dieu, de la nature et même des hommes, que celles qui ont signalé la cruauté des Turcs lorsqu ils ont voulu tourner leurs armes contre les chrétiens. » Las Casas, Œuvres, t. i, p. 37..

Hatney, le cacique qui répondait ne pas vouloir aller au ciel s’il y pouvait retrouver des Espagnols, Hatney disait aux Cubains, à l’arrivée fes coiiquerants « Ils adorent un Dieu qu’ils appellent Or. Ils ont vu qu’il était parmi nous, et ils veulent nous détruire pour en avoir seuls la possession. » Ibid., p 23 A Panuco, dans la Nouvelle-Espagne, « le visiteur ordonne aux Indiens de lui apporter les objets de leur culte, et ils s’empressèrent d’obéir ; mais lorsqu’il vit que ces idoles n’étaient que de cuivre, U ut dire aux caciques qu’ils eussent à les racheter, et a les paver en or. Ces seigneurs obéirent, et le commissaire parut satisfait de cette mesure, quoique ces peuples continuassent d’adorer les mêmes dieux. » Ibid. p 52 Dans le Yucatan, « 30 soldats espagnols dont 12 à pied et 18 à cheval arrivèrent, apportant avec eux un grand noml^re d’idoles ; leur commandant dit au cacique qu’il venait les vendre, et qu’il rece^Tait en paiement des Indiens mâles dont il avait besoin pour son service. » Ibid., v. 58. Cf. p. 180, achat d idoles imposé à des Indiens baptists. « Non seulement i s ne 1’(la religion) enseignent pas aux Indiens, mais ils empêchent par tous les moyens indirects possibles que les missionnaires remplissent ce ministère important, parce qu’ils sont persuadés que la prédication de l’Évan^ile et l’enseignement du catéchisme empêcheraient bientôt le pillage de l’or, des perles et des pierres précieuses.. Ibid., ^. 101. « L’avarice des Es-, paanols a été si loin lorsqu’ils ont voulu jouir du trai vail des Indiens, qu’ils ont empêché les religieux de les réunir dans les églises, sous prétexte qu’il en resultait un dommage considérable pour leurs intérêts, » ibid p 173, et Las Ca as cile un Espagnol qui, à coups de bâton, venait chercher au catéchisme ses cinquante esclaves.

Las Casas énumère encore nombre de faits qui montrent non pas l’excès de zèle, mais l’absence de | toute conscience : Les Espagnols, dit-il, « panaient à qui couperait le mieux un homme en deux d un coup de taille… Ils attachaient à de longues fourches treize hommes à la fois, puis allumaient du feu sous leurs pieds, et les brûliient tout vivants en disant par le plus horrible sacrilège, qu’ils les offraient en sacrifice à Dieu, en riionncur de Jcsus-Christ et des douze apôtres. » Ibid., p. 22. « .l’ai vu mourir de faim dans l’ile (de Cuba) en trois ou quatre mois plus de 7 000 enfants dont les pères et les mères avaient été attachés aux travaux des mines. » Ibid., p. 25. « Le fr. François de San-Roman, religieux franciscain ayant accompagné dans l’intérieur un capitaine que le gouverneur y envoyait, vit périr plus de 40 000 Indiens, brûlés, égorgés, pendus, dévores par des chiens, ou détruits de quelque autre manière. Les bourreaux ne donnaient d’autres motifs de ces épouvantables exécutions que le refus supposé que faisaient leurs victimes d’apporter tout l’or qu’elles avaient caché. ^ Ibid., p. 27. « Les satellites attachaient ensemble ces malheureux esclaves, les chargeaient de fardeaux de 3 ou 4 arrobes (7.’) â 100 livres), leur refusaient la nourriture la plus indispensable, et les accablaient de coups s’ils n’avançaient pas assez vite : les Indiens, pliant sous le poids, fondaient en larmes lorsque l’épuisement les mettait hors d’état de suivre

ceux de leurs compagnons dont ils partageaient les chaînes. On voyait alors les cruels Espagnols s en débarrasser en leur coupant la tête qui tombait d un côté et le corps de l’autre. » Ibid., p. 33, cf. p. 18, 37. Aux îles Lucaves, les Espagnols firent penr les Indiens, à force de les faire plonger pour aller chercher des huîtres perlières : « Ils les traitaient avec tant de dureté qu’ils mouraient très promptement en perdant leur sang par la bouche parce qu’on ne leur donnait pas le temps de remplir d’air leur poitrine. » Ibid., p. 73. Le Venezuela a été dépeuple par les Allemands, luthériens, remarque Las Casas : « leurs moyens furent si atroces que les Espagnols parurent des t^cns de bien à côté de ces nouveaux spéculateurs. » Ibid., p. 75, 78. Marcos de Niso, franciscain au Pérou, a déposé : « J’ai vu des Espagnols lâcher des chiens sur les habitants pour les faire mettre en pièces et fatiguer ces animaux à cet infâme exercice. J’ai vu brûler tant de maisons et de villes qu’il me serait impossible d’en dire le nombre. J ai vu les Espagnols prendre par les bras les enfants a la mamelle, et les lancer aussi loin qu’ils pouvaient comme des pierres. » Ibid., p. 89. Voir les citations des mss. de Las Casas, sur les suicides collectifs des Indiens, dans Gains, £)(c Kirchengeschiclite von Spanien,

t. III, p. 108, 109..

La conquête s’est donc faite d’une façon arbitraire, inhumaine, sans égard à aucune loi, et très indépendamment de toute décision d’Église. Las Casas nous fait connaître de plus que le pouvoir central ne peut pas être rendu responsable de tout ce qui s est passé dans les colonies. Dans la Nouvelle-Grenade, « un Espagnol, nommé gouverneur par S. M., n’a pu cependant entrer en fonctions, » parce que l’autoritc royale a échoué devant la force du monstre qui gouvernait le pavs avec le titre de « conquérant » . Ibid., p 93. « Parmi les hommes chargés de gouverner ce pays, les uns sont devenus traîtres et rebelles, les autres, tout en protestant qu’ils sont soumis au monarque et lui obéissent, se comportent comme de véritables tyrans dans leurs districts ; il y en a qui l affichent la modération, mais qui pillent avec adresse I et secrètement. » Ibid., p. 105.

1 Ce que dit Las Casas peut d’ailleurs être venfie directement : » Ce que voulaient Ferdinand et Isa1 belle, c’est que l’on fît des chrétiens de leurs sujets I indiens. Les esclaves envoyés en Espagne par Colomb, piu-mi eux des femmes et des enfants, furent réexpédiés à Espanola. La royauté se déclara la protectrice’des indigènes. Le clergé espagnol obéit à l’impulsion donnée par les rois. On ne lui a pas toujours rendu pleine justice à cet égard. La preuve de ces assertions I est dans la série des lois espagnoles consacrées au trai-’tement des indigènes". » Lavisse et Rambaud, Hisl qénèrale, t. iv, p. 916. Cf. après les édits de 1500 1.528, i :)31, les orddunam’es de ir)42 qui déclarent les Indiens libres et vassaux du roi, a. 7. Il y a défense absolue de les asservir, a. 20. Tout Indien dont 1 esclavage n’a pas un titre légal est libéré sans enquête, a 22 Cf. Solorzano, D : ’jure ladianvn, 1. IL c. iin 1. 5 ;. III, c. VI, n. 29, 30, 31, 32, 34 ; c. vu n 113 Tout cela se résume dans le principe énoncé au l’livre de la Rccopilacion de Leycs, où il est dit des Indiens : ils sont naturelleme.it libres comme les i : spagnols eu-m"mes.

30 f : i„blpsemnl de Veselava<je. — Les textes abondent contre l’esclavage, et pourtant l’esclavage a persisté. Comment cela s’est-il pu faire ? Par des institutions d’abord mal défmies, mais qu, pouvaient rapidement mener au plus dur esclavage ; par l’introduction des nègres, déjà antérieurement victimes de la traite, et substitués aux Indiens ; par l’intérêt des colons et des gouvernements.