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ESCLAVAGE


toutes les cruautés qu’on exerce sur eux ; et je puis dire avec vérité que nos Français l’emportent en bonté et en vertu sur les autres nations. » Mém. de la Mission, t. iii, p. 27 ; cf. t. ii, p. 67 ; Hist. de Barbarie, p. 484. D’aucuns trouvaient en Barbarie un relèvement providentiel. Saint Alphonse Rodriguez avait annoncé un voyage d’or à Jérôme Lopez, religieux sur le point d’abandonner sa vocation et que sa captivité chez les musulmans remit dans la ferveur.

Les prêtres réduits en esclavage avaient ordinairement une liberté presque complète, et pouvaient en user pour le ministère. Le dévouement des missionnaires ravissait saint Vincent de Paul. Il écrivait à propos de M. le Vacher : " Avec quelle catholicité et sollicitude il soutient ces pauvres esclaves… prêcher, confesser, catéchiser continuellement depuis 4 h. 1 /2 du matin jusqu’à 10 h., et depuis 2 h. de l’après-midi jusqu’à la nuit ; le reste du temps, c’est l’office et la visite des malades. Voilà un véritable missionnaire. » Mém. de la Mission, t. ii, p. 5.5.

Le P. Jacques Cachod, jésuite, à Constantinoplc, pénètre, la nuit seulement, à fond de cale, pour y assister les galériens décimés par une épidémie : " Des cinquante-deux esclaves que je confessai et communiai, douze étaient malades, et trois moururent avant que je fusse sorti. » Lettres édifiantes. Levant, 1707, t. I.

En 1641, meurt à Alger le P. Angeli, carme : il avait reçu l’argent de sa rançon, l’avait distribué en aumônes, et persévérait dans une servitude volontaire, estimé et écouté de tous comme un saint. D’Aranda, p. 10-20, 289 sq. Philippe le Vacher, les deux tiers de l’année, passait la nuit presque sans sommeil, allant confesser de. bagne en bagne. Mémoires de la Mission, t. II, p. 165.

Le P. Holderman, jésuite français à Constantinople, écrit comment il pouvait la nuit se faire accepter dans une soute : il y faisait une sorte de chapelle, y consolait et confessait les galériens déchaînés à tour de rôle : c’étaient des confessions de 10, 20, 30 ou 40 ans, et la nuit ne suffisait pas pour tous ceux qui le désiraient. Vers deux ou trois heures du matin, il disait la sainte messe. Indianisclie Gcscliichle. t. iv, part. XXX 1% p. 114, vers 1740. Cf. l’épître dédicatoire dc9, Lettres édifiantes, 1726, t. xvii. Ni les esclaves, ni les Turcs mêmes n’étalent IndifTérents à cesexemples. Pour les Turcs qui visitent l’hôpital d’Alger, dit le P. de Monroy, c’est « une merveille bien étrange de voir que les esclaves chrétiens aient un tel établissement dans leur ville d’.Xlger, et qu’entre eux il n’y ait rien de pareil pour leurs malades. Dan. Hist. de Barbarie, p. 509. A la mort du P. Hérault, les chrétiens esclaves obtiennent des Turcs trois jours de repos afin de pouvoir prier pour lui. Destaiulres, L’or<//-c des trinitaires, t. i, p. 404.

-.n 1657, les esclaves apportent leur pécule pour délivrer le lazariste Barreau des exactions du pacha. Une lettre de saint Vincent de Paul fait allusion à plusieurs captifs délivrés, venus à Saint-Lazare, pour entrer comme frères dans la congrégation de la Mission. Le Miroir de la charité (1663) rapporte ce qui s’était passé à l’arrivée des Pères de la Merci : " Enfin quelques captifs charitables ne venaient rien demander pour eux ; mais ils se rendaient solliciteurs des autres, accompagnant des aveugles, des sourds, des boiteux, des estropiais, et priant que puisque l’on les pouvait acheter à bon marché on ne les laissât pas périr dans la misère. » p. Gl.

Les cinq hôpitaux d’.Mger. ceux aussi de Tunis, de MéquineI. et de (-enta, faisaient l’admir.ilion des Turcs eux mêmes.

M. Guérin écrivait à saint Vinrent de Paul que c’était une joie « de voir avec quelle affection ces

pauvres captifs offrent leurs oraisons pour tous leurs bienfaiteurs, qu’ils reconnaissent pour la plupart être en France ou venir de France. » Mém. de la Mission, t. II, p. 19.

Quelle procession que celle de la Fête-Dieu au bagne ! Ibid., t. ii, p. 19. Mais, écrit la Relation des Missions de Grèce (1695) : « Il faudrait voir comme nous avec quelle patience et quelle conformité à la volonté divine quelques-uns d’eux, d’une vie très innocente, supportent la pesanteur de leurs chaînes, dont ils se délivreraient aisément en renonçant à la religion. Enfin il faudrait être spectateurs, comme nous, de la précieuse mort de certains esclaves. » Relation du P. Th.-Ch. Fleuriau. Documents inédits concernant la Compagnie de Jésus, publiés par le P. Aug. Carayon, Poitiers, 1864, t. xi. p. 250. Cf. t. XI. p. 237, 238, la mort du Toulousain Biennès et du Vénitien Marc-Antoine Delfin.

Saint Vincent de Paul écrivait alors : « Et quand il n’arriverait d’autre bien de ces stations que de faire voir à cette terre maudite la beauté de notre sainte religion, en y envoyant des hommes qui traversent les mers, qui quittent volontairement leur pays et leurs commodités, et qui s’exposent à mille outrages pour la consolation de leurs frères affligés, j’estime que les hommes et l’argent seraient bien employés » (5 avril 1658). Maynard, Vie, t. ii, p. 466.

V. Esclavage en Amérique.

1° Concessions faites par les souverains pontifes à propos des pays nouvellement découverts. — En 1434, Eugène IV défend qu’on demande aux habitants des Canaries, fam conversi et in posterum convertendi, rien autre chose que les impôts réguliers. Raynaldi, an. 1434, n. 21. En 1436, bref du même Eugène IV Fernando episcopo Robicensi et Canariensi. Il lui concède des ressources ad hoc quod ipsarum insularum habitatorcs et incolæ, in artificibus et ministcrialibus operibus, etiam pro ipsius fidci exaltatione, nccnon christianæ professionis corroborutione inslrui passent. Raynaldi, an. 1436, n. 25. La même année, à propos d’habitants des Canaries réduits en esclavage : nonmilli christiani (quod dolenter referimus) diversis confiais coloribus et captatis occasionibus… nonnullos, fam tune baptismatis unda renatos et cdios… secum captivas, etiam ad partes Cismarinas du.ierunl, le pape défend de rien faire ou de rien i)crmcttrc de semblable ; en outre : quos servituti subditos habent, pristinæ restituant libertati. ac totalitcr libéras perpétua esse… dimitlant, sous peine d’excommunication ipso facto. Raynaldi, an. 1436, n. 26.

En 1443, Eugène IV, par la constitution Cuin dudum, reconnaissait que les conquêtes du roi de Portugal ne pouvaient porter préjudice à ce qui, précédemment, aurait été conquis par le roi dcCaslille et de Léon. Raynaldi, an. 1443, n. 12.

Le 16 juin 1452, le pape Nicolas V, par le bref Divino amore communiti, permet au roi Alphonse de Portugal : …vegna, ducalus, comitatus, »rincipatus, attaque dominia, terras, loca, illas, castra… per cosdem .Saracenos, paganos, infidèles et Christi inimicos detenta et possessa…. invadendi, conquirendi, expugnandi et subjugandi, illorumque personas in perpetuam servituteni redigendi… plénum et libérant auctoritatc apostolicd tenore prirsenlium rnncrdimus facultalem. .. Raynaldi, an. 145.’5, n. 11.

En 1454, dans la constitution Ronwnus pontifex, où le pape félicite le Portugal de l’extension donnée au catholicisme par les découvertes de l’infant Henri, Nicolas V raconte, sans le moindre mot da|)probation ou de blâme, qu’en fait, un certain nombre de noirs, par suite de l’occupation ou en vertu d’un achat, ont été esclaves, et « pic plusieurs même se sont convertis : Exinde quoque nuilli Ghinci et alii ! ’igri vi capli,