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ESCLAVAGE


ils laissent discerner l’impulsion première qui anime le tout : et ce sera toujours la foi.

Dans les saints, évoques ou autres, ces sentiments d’esprit chrétien ont eu une vigueur et une délicatesse qui a dépassé la pratique ordinaire assurément, mais qu’il est cependant tout à fait juste de relever, à l’honneur de la religion qui les a inspirés. Il suffit de rappeler comment saint Paulin parle de son serviteur Victor, Epist., xxiii, P. L., t. lxi, col. 259 : Servivit eryo inilii : servivit, inquam ; et væ mihi misera, qiiod passus sum ; servivit et peccatori qui non serviebat peccato.

La charité envers les captifs a été une caractéristique commune à tous les saints qui ont assisté aux guerres des temps mérovingiens, ou qui ont rencontré les derniers trafiquants d’esclaves qu’ait connus l’Occident. Il faut au moins citer les noms de saint Césaire d’Arles, de saint Épiphane de Pavie, de saint Amand, de saint Riquier, de saint Philibert, abbé de Jumièges, de saint Avit de Vienne, de saint Lézin d’Angers. Fortunat signale la charité de l’évêque de Bordeaux, Léontius, de l’évêque de Mayence, Sidonius, de l’évêque de Périgueux, Cronopus. Saint Césaire a donné la raison de ces libéralités : « Je voudrais bien savoir ce que diraient ceux qui me critiquent, s’ils étaient à la place des captifs que je rachète. Dieu, qui s’est donné lui-même pour prix de la rédemption des hommes, ne m’en voudra pas de racheter des captifs avec le métal de son autel. » Malnory, S. Césaire d’Arles, p. 97. Saint Germain de Paris, au dire de Fortunat, a été l’un des plus magnifiques : Quanta enim jucril redemptionis efjusio nullatenus explicabitur, vel loco, vel numéro. Unde sunt contiguse gentes in testimonium, Hispanus, Scotus, Wasco, Saxo, Burgundio, cum ad nomen Beati concurrerent undique liberandi jugo servitii. P. L., t. lxxii, col. 76.

De sainte Bathilde, jadis vendue comme esclave, son biographe nous rapporte : Et illud commemorandum est, quia ad mercedis cjus cumulum pcrlinet, quod captivas hamines christianos ire prahibuit : datasque prœceptiones per singulas regianes, ut nullus Francorum captivum hominem christiamun penitus Iransmiiteret. Sed magis et ipsa, data prelio, captivas plurimos redimere præcepit, et libéras relaxcwii. P. L., t. Lxxxvii, col. 671. Voir, sur ce point spécial du rachat des captifs, le chapitre très documenté de l’Histoire de la propriété ecclésiastique en France, par M. Lesne, op. cit., p. 357-369.

L’i’lTranchisscnænt, très fréquemment, était inspiré par une pensée chrétienne. On en trouve plusieurs exemples dans le Formulaire de Marculfe, P. L., t. Lxxxvii, col. 747 : qui debitum sibi nexum relaxât servitiiim, mercedem apud Dominum sibi retribuere canfidat. Igitur ego in Dei namine ille, et canjux mea (lia, pro remedio animée nastræ vel rctributione œlerna, II, 32 ; cf. I, 39 ; 11, 34, 52. Dans Du Gange, v° Manumissio, plusieurs exemples, entre autres : Piissimus Daminus Noster Jésus Christus salutem humani generis pederno amare desiderans inler alla præcepta quæ fidelibus suis dédit, ut aternie vitee gaudia possint adipisci, præcepit cis debitares suas a debitis illorum absolvere, quo ipsi ante sumnuim judicemniorum commissaruni veniam sccuri valcant expectare. Tantæ igitur auctoritalis præconio compulsa, t. iv, p. 460. Le même sentiment d’espérance chrétienne inspire un acte symétrique : celui par lequel des hommes libres se donnent au service d’une abbaye ou d’une église. On en trouve, par exemple, dans le cartulaire deCiuny : Quisquis ad patriam supernam ire desiderat, omnigenis nisibus débet hijma relinquerc, ci omni sagacitale bonis operibns insistere. Unde ego Roclenus amnipoientem Deum placatum habere desiderans, et in ejus obsequiis cantinuatim permanere exoptans, non solum

me, sed etiam aliqua jure hcrcditario mihi conressa eidem Domino Ueo offero, sanctisque ejus apostolis. Pctro et Paulo et ad lacum Cluniucum… Dono uulem liœc pro redemptianc anima : me : v, omniumque parentum meornm. Charles de Clunij, t. iii, p. 280, n. 2085. Cf. n. 2173. Hotfredus se donne, lui et son fils, à l’abbaye : Christi amore prævenlus, a negaciis su’cularibus memelipsum ubstruhere cupiens, et in Dei servilio deinceps occupare vitcun meam sub reguluri norma desiderans. Ibid., t. IV, p. 278, n. 3109.

La manière dont les serfs étaient traités par l’Église montre un allégement du servage, ménagé lentement et sans heurt, mais réel. Les serfs de l’Église travaillaient pour eux la moitié des jours ouvrables, et c’était vraiment une situation privilégiée. Le Polyptyque de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés, Inninon, en 826, fait connaître quelques détails de cette vie, et permet à Paul Allard de conclure : « Le serf des grandes abbayes de cette époque ne diffère de l’homme libre que par sa résidence forcée à la campagne. » Esclaves, serfs, mainmorlables, p. 161.

Si la dejensia de ceux qui avaient été affranchis, même par des laïques, était souvent confiée à l’Église, si ces cas étaient évoqués devant la juridiction de l’Église, c’était honneur et profit pour elle sans doute, mais c’était aussi sécurité pour l’affranchi. « Les hommes qui se donnent librement à un saint, ceux qui, contraints de se vendre, souhaitent lui appartenir, ont pu prendre cette décision pour des motifs religieux, mais sans doute la protection qu’assurent les églises à leur jannliu dans une époque d’insécurité, a exercé aussi sur eux quelque attrait. » Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, p. 251.

Voir cet ouvrage, 1. IV, c. xx, la familia des églises et des monastères, pour ramener.-i leur juste valeur quelques diCTicultés élevées par M. Marcel Fournier, dans la Revue historique, t. xxi, l, Les affranchissements du’au.i/ie siècle ; influence de V Église, de la royauté et des particuliers sur la condition des affranchis. Plusieurs propositions dece travail sont exagérées ; il semble, par exemple, que la note 1 de la page 75 aurait dû disparaître à la lecture du contexte de saint Éloi : Note : P. L., t. lxxxvii, col. GIS : Accipit plane Dcus pecuniam et eleemosijnis deleclatur. Cette idée exprimée d’une façon à la fois naïve et grossière se rapproche certainement des coutumes païennes. Contexte : Accipit plane Deus pecuniam, et eleemostjnis deleclatur, ea tamen rationc ut unusquisque peccator, quando offert Deo pecuniam, offerat illi et animam suam.

Le nom d’esclave a été attribué au grand nombre de Slaves, huit cent mille, dit-on, réduits en servitude par Henri l’Oiseleur au xe siècle. Avant cette époque, en France, on ne voyait pins que passer des marchands d’esclaves, quelquefois des Vénitiens, et plus souvent des juifs, qui vendaient aux mahométans des enfants mutilés. Empêchés d’avoir des esclaves chrétiens, les juifs achetaient parmi les tribus non converties de Sarmates, et les amenaient aux ports de la Méditerranée pour les faire passer chez les Turcs. Les esclaves se faisaient baptiser, et alors les évêques les rachetaient. Plusieurs fois les juifs firent arriver leurs plaintes à la cour, disant que le clergé dépassait ses droits, tandis que l’évêque de Lyon, saint Agobard, prenait la défense des nouveaux convertis.

Au début du xiie siècle, une lettre de Pascal II (pour confirmer le droit accordé par Louis VI aux serfs de l’Église de Paris de rendre témoignage en justice, même contre les hommes libres) contient ce membre de phrase : pro eo quad ipsius ecclesiæ famuli, qui apud vos servi vulgo improprie nuncupantur. On voudrait savoir si les réserves du pape portent sur le droit, ou sur le fait, ou sur les deux.

Au début de son histoire, Guibert de Xogent cons tate qu’en Orient il y a des esclaves, ce qui ne se voit