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ESCHATOLOGIE — ESCLAVAGE

Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 1-39 ; Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, Paris, 1878, t. iv, P. 486-500 ; Realencyclopädie für protestantische Theologie und Kirche de Hauck, Leipzig, 1898, t. v. p. 490-495 ; The catholic encyclopedia, New-York, 1909, t. v, p. 528534. Voir plus haut, col. 119.

E. Mangenot.

ESCLAVAGE.
I. Esclavage dans l’antiquité gréco-romaine.
II. Esclavage aux premiers siècles de Église.
III. Le servage.
IV. L’esclavage sous les musulmans.
V. L’esclavage en Amérique.
VI. L’esclavage selon les théologiens.
VII. Conclusions.

I. Esclavage dans l’antiquité gréco-romaine.

Il n’y a lieu de considérer ici que l’esclavage du monde gréco-romain que le christianisme a trouvé devant lui. Tous les textes ont été diligemment recueillis dans l’ouvrage magistral de H. Wallon, Histoire de l’esclavage dans l’antiquité, 2° édit., 3 in-8°, 1879 (refonte dernière d’un mémoire couronné en 1839 par l’Académie des sciences morales et politiques). Le livre de M. Paul Allard, Les esclaves chrétiens, reprend cette même question, au point de vue spécial de la transformation opérée par le christianisme. Voir du même auteur l’art. Esclavage, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 4° édit., Paris, 1910, t. i, col. 1457-1522. Quiconque a tant soit peu approché ces questions est forcément tributaire de pareils ouvrages.

Faits.

Le nombre des esclaves assurément était très considérable. Athènes comptait 20 000 citoyens, 10000 métèques et 400000 esclaves, Corinthe en comptait 460 000, et Égine 470 000. Voir Wallon, t. i, p. 220-286. A Délos, d’ailleurs grand marché d’esclaves, il s’en vendit jusqu’à 10 000 en un jour. Mommsen, Römische Geschichte, t. ii, p. 75. Les évaluations données pour Rome sont fort variables, et oscillent entre un million et 200 000. Friedländer, t. i, p. 53-60 ; Dobschütz, Urchristliche Gemeinden, p. 267. Athénée, vi, 104, observe qu’un seul Romain peut avoir à son service 10 000 ou 20 000 esclaves. Pline, H. N., xxxiii, 135, cite un affranchi (mort en 8 avant JésusChrist) qui laissa 4 116 esclaves. Les victoires des Romains avaient amené à Rome des foules d’esclaves : Paul-Émile avait vendu 150 000 Épirotes, Marius après Aix 80 000 Teutons, aprés Verceil 20 000 Cimbres, César, aprés la conquéte des Gaules, plus d’un million. Voir dans Marquardt, La vie privée des Romains, trad. V. Henry, 1892, t. i, p. 160 sq., les multiples emplois de la familia rustica et de la familia urbana.

La dure condition de l’esclave est affirmée par nombre de textes devenus classiques. Tacite, Ann., xiv, 44 : Postquam vero nationes in familiis habemus. Un des 400 esclaves de Pedanius Secundus ayant tué son maitre, malgré l’opposition du peuple, le sénat décide : vetere ex more, familiam omnem, que sub codem tecto mansitaverat, ad supplicium agi oporteret. Le discours de Cassius à ce sujet est fort instructif. L’inscription d’Ancyre en Galatie (relative à la guerre de Sextus Pomnée, 38-36 avant Jésus-Christ) portait : Mare pacavi a prædonibus. Eo bello servorum, qui fugerant a dominis suis et arma contra rem publicam ceperant, triginta fere millia capta dominis ad supplicium sumendum tradidi, Mommsen, Res geste divi Augusti, Berlin, 1883, p. lxxxx, ct Appien ajoute, De bello civili, v, 131, que six mille esclaves, dont on n’avait point trouvé les maîtres, furent crucifiés, chacun dans la ville d’où ils avaient fui. Quelques vers des poétes expriment la dure situation des esclaves :

Janitor, indignum ! dura religate catena.
Ovide, Am. I, vi, 1.


Tuta sit omnatrix : odi, qua sauciat ora

Unguibus, et rapta bracchia figit acu.
Ovide, Am., iii, 239.


…Hic frangit ferulas, rubet ille flagello,
Hic scutica. Sunt quæ Lortoribus annua præstent ;

Verberat, atque habiter faciem linit, audit amicas.
Aut latum pictæ vestis considerat aurum
Et cœdit ; longi relegit transversa diurni,

Et coedit…
Juvénal, vi, 480.


Pone erucem servo. — Meruit quo crimine servus
Supplicium ? quis testis adest ? quis detulit ? Audi ;
Nulla unquam de morte hominis cunctatio longa est.
O demens ! ita servus homo est ? nil fecerit, esto :
Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas !

Juvénal, vi, 205.


Noli minitari : scio crucem futuram mihi sepulcrum :
Ibi mei sunt majores siti : pater, avos, proavos, abavos.

Plaute, Miles gloriosus, ii, 4, 372.

Sénèque dit aussi : Virga murmur omne compescitur ; et ne fortuita quidem verberibus excepta sunt : tussis, sternutamenium, singultus ; magno malo ulla voce inlerpellatum silentium luitur. Epist., xlvii. Code justinien, VII, vi, 3 : Si quis servum suum ægritudine periclitantem a sua domo publice egerit, neque ipse eum procurans, neque alii eum commendans, cum erat ei libera facultas…

Dans une notable partie de l’Italie, les esclaves travaillent enchaînés : vincti, compediti, alligati, ferratile genus. A partir de la conquête de l’Italie, pour la culture des terres, puis pour les industries, on enferme la nuit, parfois nuit et jour, les esclaves dans les ergastules, prisons souvent souterraines. Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, art. Ergastule. Ces ergastules étaient parfois remplis de voyageurs arrétés et détournés : Rapti per agros viatores sine discrimine, liberi servique ergastulis possessorum supprimebantur, Suétone, D. Octavius Augustus, 32, ou bien on recrutait leur population par de véritables guet-apens. Socrate, H. E., l. v, c. xviii, P. G., t. lxvii, col. 611. Les esclaves que l’on vendait étaient exposés sur la catasta. Outre les divers supplices que les esclaves pouvaient encourir, on marquait au fer chaud les fugitifs. On a trouvé, à Brindisi, au cou d’un squelette un collier de chien avec l’inscription : Fugi, tene me. A Chieti, on a recueilli des compedes aux chevilles d’un squelette.

Les dangers moraux de l’esclavage n’étaient pas moins grands. Code théodosien, XV, viii, 2 : Lenones patres et dominos qui suis filiis vel ancillis peccandi necessitatem imponunt. Ibid., ix, 24 : Parentum sæpe custodiæ nutricum fabulis et pravis suasionibus deluduntur. Plaute, Pseudolus, i, v. 30 :

…Meus hie est quidem servos Pseudolus ;
Hic mihi conrumpit filium, scelerum caput.

Tertullien rapporte une histoire terrible arrivée Fusciano prefecto urbis : Cum infantes vestros alienæ misericordiæ exponitis, aut in adoptionem melioribus parentibus, obliviscimini, quanta materia incesti subministratur, quanta occasio casibus aperitur. etc. Adv. nationes, l. I, c. xvi, P. L. t. i, col. 581-582.

Les idées.

Le mépris de l’antiquité pour l’esclave est exprimé par le nom même qu’elle lui donne : « Il n’est pas douteux que le grec ἀνδράποδον (esclave) n’ait été formé par opposition à τετράποδον, » dit le traducteur de Marquardt, La vie privée, t. i, p. 195, note. Homère avait formule catégoriquement la raison de ce mépris, Odys., xvii, 322-323 :

ἥμισυ γάρ τ’ἀρετῆς ἀποαίνυται εὐρύοπα Zεὺς
ἀνέρος, εὖτ’ἄν μιν κατὰ δούλιον ἦμαρ ἕλῃσιν.

Dans le De legibus de Platon, Athénée, après avoir rappelé plusieurs défections en masse d’esclaves, conclut qu’il faut éviter de réunir trop d’esclaves d’une même nation ; et aussi qu’il les faut bien former. Par égard pour eux ? Pas uniquement, et beaucoup plus dans son propre intérêt : τρέφειν δ’αὐτοὺς ὀρθῶς, μὴ μόνον ἐκείνων ἕνεκα, πλέον δὲ αὐτῶν προτιμῶντας. De legibus, vi, édit. Didot, p. 363.

La pensée d’Aristote, malgré ses hésitations, est nettement esclavagiste : « Celui qui, par une loi de