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ERREUR DOCTRINALE


répondent parfaitement aux idées divines, encore qu’ils ne répondent point aux idées d’une cliose parfaite, mais seulement aux idées d’une chose imparfaite, dont l’anomalie résulte de l’obstacle même qui intervient par le fait des causes secondes. Cf. Willenis, Instittitioncs philosophicæ. Trêves, 1900, p. 445. Mais que dire du mal moral ou du péché ? Voir ce mot. Il ne semble pas cjue l’intelligence divine puisse en être l’exemplaire auquel il soit rapporté. Nous répondrons qu’il faut distinguer deux choses dans le péché : ce qui, en lui-même, est être et réalité, c’est-à-dire l’acte physique, et le défaut lui-même ; or, le péché, en tant qu’il est une réalité, doit être dit conforme aux idées divines, et rentre ainsi dans la vérité ontologique ; au contraire, en tant qu’il est formellement un défaut, il n’est pas même un être, puisque le défaut est la privation de l’être ; or, s’il n’est pas un être, il n’est pas étonnant qu’il ne possède point la projjriété de l’être cjui est la vérité ; que si le péché est envisagé, dans sa totalité, en tant qu’acte humain pris avec son défaut, nous accordons cjue la vérité ne lui appartient pas, et c’est pour cela que dans la sainte Écriture, Ps. IV, 3, le péché est appelé un " mensonge », tandis que faire la vérité est la même chose que bien agir. En outre, au péché s’applique l’observation que nous avons déjà faite, à savoir, qu’il est connu actuellement par l’intelligence divine, et qu’à ce titre il peut être dit « vrai » .

Si maintenant nous examinons les clioscs par rapport à l’intelligence créée, nous nous plaçons ou bien au point de vue de l’intelligence spéculative, ou bien au point de vue de l’intelligence pratique. Si nous envisageons les choses au point de vue de l’intelligence spéculative, toutes doivent être dites vraies par elles-mêmes, per se, car toute chose possédc, en elle-même, une réalité, qui fait qu’elle peut être connue et mise ainsi en harmonie avec l’intelligence créée ; en outre, si l’intelligence créée leur est appliquée d’une manière régulière, les choses peuvent y provoquer la connaissance d’elles-mêmes. Cependant, accidentellement, per accidens, les choses peuvent être dites fausses, en tant qu’elles peuvent être l’occasion d’une erreur pour resprit, soit à cause d’une similitude (c’est ainsi que l’étain peut se confondre avec l’argent, et être appelé un « faux argent’), soit à cause de la tromperie des hommes (fausse monnaie), soit dénominativement (attributive, ex falsilale logica : faux dieux, fausse religion). Par rapport à l’intelligence pratique, les choses peuvent être dites ontologicfuement fausses, si elles ne sont pas conformes à la règle morale d’après laquelle elles devaient être faites. Cependant il est évident que les choses sont dites fausses par rapport à notre intelligence, non pour la réalité propre qu’elles possèdent, mais plutôt pour ce qu’elles ne sont pas, et pour la réalitéqu’elles devraient posséder ou qu’elles paraissent avoir ; c’est ainsi que l’étain peut être dit un faux argent, sans être pour cela un faux étain. En outre, la fausseté n’est pas inhérente aux choses comme un élément positif, mais elle est plutôt la négation ou la jirivation d’une perfection, c’est-à-dire un simple être de raison, ens rationis. Cf. Willems. op. cit., p. 4)0.

-Mais revenons à l’erreur lo(/if/ue, qui est en somme l’erreur proprement dite, et poussons plus avant.son analyse, en étudiant d’abord quel en est le sujet.

Sujet de l’erreur.

Étant donné que la vérité

et l’erreur sont contraires, et quc les contraires visent toujours le même sujet, il s’ensuit quc nous devons rechercher le sujet de l’erreur dans le sujet même de la vérité, c’est-à-dire, avant tout, dans l’intelligencc. Tel est le principe général établi parsaint Thomas, , Sum. theol., l", q. XVII, a. 1 : Cunweruin et faisum opponantur, opposita autem sunt circa idem, neccssc est ut ibi prius

quæratur /alsitas, ubi primo vcritas im>enitur, hoc est in intellectu. En effet, la vérité ne peut se concevoir cjue par rapport à l’intelligence, de même que la bonté ne peut exister que par rapport à la volonté. Il découle de là cjue le sujet propre et direct, pioprium ci per se, de la vérité, et conséquemment de l’erreur, n’est pas autre que l’intelligence. Le sujet premier de la vérité sera donc l’intelligence divine, dont les idées exemplaires sont le modèle parfait d’après lequel toutes choses existent. Mais, dans ce sujet premier, nous ne saurions rencontrer l’erreur, puiscfue celle-ci ne peut procéder du fait des causes secondes qui viennent déranger le plan de l’intelligence divine. Cf. S. Thomas, loc. cit. Quant au sujet secondaire de la vérité, accessible celui-ci à l’erreur, il faut le trouver dans l’intelligence humaine, qui, connaissant dans les choses les idées exemplaires de l’intelligence divine, cherche à s’y conformer, et, parfois, se met en opposition avec elles. En outre, d’une manière analogue, analogica ratione, les choses elles-mêmes, qui sont ainsi connues par rintelligence, peuvent être dites sujet de la vérité, et aussi de l’erreur, en tant qu’elles constituent l’objet matériel de nos connaissances ; mais, comme le fait observer saint Thomas, loc. cit., ce n’est toujours que par rapport à l’intelligence que les choses peuvent être dites vraies ou fausses, en sorte que, si aucune intelligence n’existait, aucune vérité, ni aucune erreur, ne serait possible. Ainsi donc, la vérité subjective, et l’erreur également, se trouve dans l’intelligence, comme dans sa cause principale, et dans les actes de l’intelligence, comme dans sa cause instrumentale. Or, ces actes de l’intelligence sont rfu nombre de deux, à savoir :  ! > l’idée ou la représentation ; 2° le jugement, car, en somme, le raisonnement et le syllogisme rentrent dans le jugement. Nous allons donc nous demander si ces deux actes de l’intelligence peuvent constituer le sujet de l’erreur. L’erreur logique consiste, nous l’avons dit, dans le désaccord de l’intelligence avec son objet. Or, ce désaccord peut être négatif, si la connaissance de l’intelligence n’embrasse pas tout son objet, ou positif, si la connaissance attribue à son objet une chose qui ne lui convient pas..Mais il va sans dire que nous ne voulons point parler ici de l’erreur négative, qui se rencontre, en effet, dans toute connaissance humaine ; et c’est seulement de l’erreur positive qu’il peut être question. A son tour, l’erreur positive est parfaite ou imparfaite : la première attribue à l’objet matériel ce qui ne lui appartient pas ; d’où il suit que la connaissance est alors subjectivement et objectivement erronée ; la seconde n’attribue rien à l’objet matériel ni ne nie rien de lui ; et, dans ce cas, la connaissance est seulement erronée subjectivement, n’étant que l’effet ou la cause matérielle d’un faux jugement.

Tout d’abord, la vérité logique, et conséquemment aussi l’erreur, ne peut exister parfaitement que dans le jugement. En effet, l’intelligence atteint proprement et parfaitement la vérité, lorsque non seulement elle est conforme avec son objet, mais encore lorsqu’elle connaît que son conceiit est en harmonie avec la chose qu’il représente. Or, rintelligence ne peut réaliser ce but qu’autant qu’elle aflirme le rapjwrt d’identité de la chose avec sa représentation elle-même. Mais l’acte par lequel une idée est ainsi rai)portée à son objet est précisément un jugement. Il n’y a donc à proprement parler de vérité ou d’erreur que dans le jugement. L’idée, prise en elle-même, ne peut ainsi être ni vraie ni fausse : elle ne devient vraie ou fausse que lorsque l’intelligence la rapporte à un objet avec lequel elle s’accorde ou ne s’accorde pas, c’est-à dire, rn somme, lorsque l’esprit forme un jugement.

Cependant la vérité logique se trouve dans la simple idée, de quelque manière, c’est-à-dire d’une