Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/219

Cette page n’a pas encore été corrigée
413
414
ERIGENE


logie foiulamentalc, qui a été présentée en traitant de la raison et de la foi.

1. La nulurc qui crée et qui n’est pas créée, ou Dieu.

— a) La connaissance de Dieu. — Il y a deux « très sublimes » parties de la théologie, nommées l’une xïTajpatixr, , l’autre àuoaan/.r, , par l’Aréopagite ; la première affirme, la seconde nie, 1. I, c. xiv, col. 461. La théologie négative, « s’apercevant que Dieu est au delà de ce monde, qu’il en est in uniment distant, le maintient dans ces régions supérieures. C’est là sa fonction. Elle empêche que l’esprit fini ne le fasse descendre de ces hauteurs, en croyant le comprendre trop aisément ; elle s’oppose à ce que l’infini perde son rang suprême, ce qui arriverait si, en voulant le désigner, le définir, on l’enfermait dans une détermination ; elle nie donc qu’il puisse être déterminé ; elle nie qu’il soit, c’est-à-dire qu’il soit accessible à l’intelligence et exprimable par la parole. La théologie affirmative s’occupe surtout de Dieu en tant qu’il est cause : la cause s’exprime dans ce qu’elle produit, et c’est parce qu’elle étudie les eiïets que cette théologie peut affi.’mcr quelque chose sur l’Être éternel ; elle s’occupe du Dieu qui est une cause infinie, tandis que la théologie négative s’occupe du Dieu qui est l’infinie substance. Or, comme elle traite, non pas de la substance, dont le propre est d’être caché, mais de la cause dont la nature est de se révéler au dehors, c’est pour cela que ce Dieu caché, invisible, incompréhensible, lui sourit sous un tout autre aspect ; et, si la première efirayait notre pensée en reculant son Dieu sur des hauteurs insondables, celle-ci la rassure, en déclarant que ce Dieu inaccessible cherche à être cherché, qu’il aime à être trouvé, qu’il vient lui-même au-devant de ceux qui le poursuivent. » Saint-René Taillandier, Scot Érigène, p. 97-98. Cf. De diuisionc naturæ, 1. I, c. xiv ; 1. II, c. xxx, col. 459461, 599-600. Celle-ci emploie les tenues consacrés par l’Écriture, elle alimente la vie des ignorants, elle fournit des armes contre les ennemis de la foi catholique, elle fournit une matière à louer et à bénir Dieu. Celle-là s’oppose à ce que les simples pensent indignement au sujet de la divinité et prennent dans un sens propre et littéral tout ce que l’Écriture dit de Dieu, 1. I, c. xiii, lxvii, lxxiii ; 1. II, c. xxxv, col. 456, 511, 518, 614. Et, en dépit des apparences, ces deux théologies ne se contredisent pas ; en disant « Dieu est vérité » ou « Dieu est sagesse » , la seconde n’entend pas que la substance divine est proprement vérité ou sagesse, mais bien qu’elle peut être ajjpelée sagesse ou vérité iiar l’aiiplication métaphorique au créateur d’un nom qui convient à la créature ; en (lisant « Dieu n’est pas vérité » ou « Dieu n’est pas sagesse » , la preniiérc affirme que la nature divine, incompréhensible et ineffable, n’est pas, à proprement parler, vérité ou sagesse, quoiqu’elle puisse métaphoriquement être appelée de la sorte, 1. I, c. xiv, col. 461. — b) La nature de Dieu. — Interrogeons d’abord la théologie négative. Aucune parole ne peut désigner l’essence divine. Les mots « bonté » , « vérité » , « sagesse’, etc., etc., ne sont que des métaphores transportées de la créature au créateur ; à chacun d’eux, à chacune des idées qu’ils représentent, on peut oi)poser un terme, une idée contraires, par exemple, au bien s’oppose le mal, au vrai le faux, etc. Or, il n’existe rien qui puisse être en antagonisme avec Dieu. Ne disons pas ((u’il est bon, vrai, sage ; mais disons qu’il est plus quc bon, plus que vrai, plus que sage ; ne disons pas même proprement qu’il est Dieu, soit que Œo ; vienne de’)ioç, û>, je vols, soit qu’il dérive de bioy, je cours ; mais disons qu’il est C ;  : sfOsoî.plus que voyant, jjIus que courant. Ne disons pas qu’il est l’Être essentiel, mais qu’il est plus qu’essentiel. Ou plutôt disons qu’il n’est aucune des choses qui sont, mais plus que les choses qui sont,

sans prétendre à définir d’aucune façon ce quelque chose de plus, 1. I, c. xiv, col. 459-462. De même, les dix catégories d’Aristote ne conviennent point à Dieu, si ce n’est métaphoriquement, 1. I, c. xiv-Lxxviii, col. 462-524. Dieu est ineffable. Il est incompréhensible. Si, dans le troisième stade de la connaissance, l’intelligence, aidée de la grâce, atteint Dieu d’une façon immédiate et le contemple, n’imaginons pas qu’elle contemple l’essence divine en elle-même ; elle ne voit pas Dieu en lui-même, car nulle créature ne peut Je voir ainsi, pas même les justes dans le ciel et les anges ; mais elle le voit, comme les anges et les élus, dans des théophanies produites par Dieu en nous, qui peuvent être appelées Dieu, non cnim essentia divina Dcus solwmnodo dicitur, scd cliam modus ille, quo se quodam modo intellcctuali et rulionali creaturæ, prout est capacitas uniuscufusque, ostendit, Dcus sœpe a sacra Scriptura vocilatur, qui modus a Grœcis theophania, hoc est Dci apparilio solet appcllari, et qui sont proportionnées à la sainteté des âmes et au don de la grâce, 1. I, c. vii-viii, col. 446-448. La suprême démarche de l’intelligence, de ce mouvement de l’âme purifiée par l’action, illuminée par la science, achevée par la théologie, est de comjirendre que Dieu inconnu dépasse tout ce qui existe, et tout ce qu’on peut dire et concevoir, et tout ce qu’on ne peut dire ni concevoir, et qu’il faut nier de lui tout ce qui est et tout ce qui n’est pas, et que tout ce qu’on dit de lui ne se dit que par métapliores, 1. II, c. xxiii, col. 574. « On ne peut définir Dieu qu’en niant ce qu’il n’est pas, et, plus on nie ainsi, plus on affirme. Dieu n’est donc rien, c’est-à-dire rien de ce qui est pour nous, rien de déterminé ; et cette négation est l’affirmation la plus haute, toute détermination étant une négation véritable. Dieu n’est rien, et ce n’est pas là seulement une forme de notre pensée, c’est ainsi que Dieu se connaît lui-même, en sachant qu’il n’est rien, et que ce rien est supérieur à tout. » Saint-René Taillandier, Scot Êrigenc, p. 105-106. Cf. De dirisione naturiF, 1. II, c. xxviii-xxx, col. 586-599, surtout 587, 589, 597598, 599. On comprend que le maître qui développe cette doctrine éprouve le besoin de rassurer son disciple : ne turbere, scd magis bono (uiimo csto, 1. II, c. XXVIII, col. 587, et se hâte de passer de cette théologie négative à la théologie affirmative que le disciple attend avec ardeur : nunc vero de affirmativa qiiid explices ardens e.rpccto, 1. II, c. xxx, col. 599. La théologie affirmative empêche que l’idée de Dieu soit tellement éloignée de l’honime que toute communication entre Dieu et l’homme soit interromiiue. Elle prend les termes employés par l’Écriture, et, alors que la théologie négative les avait niés de Dieu, elle les affirme : Dieu est donc vrai, bon, sage, éternel, etc., ce qui n’implique pas que Dieu est réellement cela, mais que toutes choses, ayant leur cause en Dieu, |)cuvent être dites de Dieu, o/ ; i/)((j qiiu’suntde ea (l’essence {i’u-v) priedic(U, et idco ci/Jirmatii’a dicitur, non ut confirmel aliquid esse corum quie sunt, scd onujia, qu : v ab ca sunt, de ea possc privdicari suadcat, ralionabililcr cnim per causatimt causale potest significari, I. I, c. xiii, C(d. 458. Cf. c. Lxvi, col. 510 : Non autem irrationabititer, ut sœpe diximus, omnia, quæ a summn usquc dcorsum sunt, de ce dici possunt quadam similitudinc, (Uit dissimililudinc, cuit contrarict(dc, aut oppositione, quoniam ab ipso omnia sunt quic de co privdicari possunt, et c. lxxviii, col. 524 ; 1. II, c. xxx, col. 599. L’Écriture et la création, en ce sens, révèlent Dieu, et, dans la création, surtout l’Ame de l’homme, « pii est limage de Dieu et porle rcmpreinle de la Trinité divine. — c) La Trinité. — A lire certains jiassages de .Jean Scot, parmi ses déveloi>pements sur la ressemblance entre la Trinité et l’âme, 1. I, c. xxiii-xxix, col. 566-599, on croirait, par moments, qu’il tombe