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une phrase d’un clironiqueur anonyme du xie siècle, qui, parlant des évenemenls qui s’étaient produits depuis le commencement du rèf, ’nc de Robert juscju’à la mort de Philippe I’"', s’exprime ainsi : In didlcclica hi pole.nk’s cxlilenmt sophislæ : Joannes, r/ui eamdeni arlem so ; >lusiicu ! n vocalem cssc disseruil, Robcriiis Parisicnsis, Jioscelimis Compendicnsis, Arnulplius Laudiincnsis. Ni Joannis fuernnl sectatorcs. Quel fut ce Jean ? Du Boulay (Biilœtis), Historia iiniversitatis Parisicnsis, Paris, 1665, t. i, p. 443, soupçonna que ce fut le médecin du roi Henri 1°% Jean dit le Sourd, élève de Fulbert de Chartres. Cette opinion a trouvé des adhérents et, plus encore, des contradicteurs, qui ont identifié ce personnage avec Jean Scot Ériugène ; on ne s’est pas entendu davantage sur le sens des mois : eamdein arlem sophisticam vocalem esse disseruil. La discussion a été reprise récemment. A. Clerval, Les écoles de Chartres cm moyen âge du v= cm xvie siècle, Chartres, 1895, p. 121-124, a pris position pour Jean le Sourd, tandis que le P. Mandonnet, Jecm Scot Érigène et Jean le Sourd, dans la Revue thomiste, Paris, 1897, t. V, p. 383-394, a défendu la cause de Jean Scot. Le procès ne paraît pas tranché d’une façon définitive. Cf. Llebcrweg-Helnze, Grundriss dcr Geschichle der Philosophie dcr palristischen und scholastischen Zeit, 9<= édit., Berlin, 1905, p. 168-169, 181. La troisième question est celle-ci : jusqu’à quelle date Jean est-il resté à l’école du palais ? Sur ce point, et sur la fin de la vie de Jean Scot, les renseignements sûrs font défaut. Ses poésies nous permettent de suivre sa trace jusqu’au temps de la mort de Charles le Chauve (877), peut-être jusqu’en 882. Lereste nous est inconnu. Où l’histoire se tait, la légende prend la parole. Guillaume de Malmesbury, selon son habitude, en a ramassé et fondu ensemble vaille que vaille les récits cpars et incohérents. Gesta rcgum anglorum, . II, §cxxii ; De gestis ponlificum cmglorum, 1. V ; Epistola ad Petrum monachum de vita etscriplis Joannis Scoti, P. L., t. CLxxix, col. 1084-1085, 1652-1653, 1668, 1771 ; t. cxxii, col. 91-92 ; cf. p. xxiv. Jean Scot aurait été appelé de la France en Angleterre par le roi Alfred Je Grand ; il aurait enseigné au monastère de Malmesbury (le monastère de Guillaume) et aurait été tué par ses élèves à coups de styles ; sur son tombeau laissé sans honneurs aurait brillé une lumière merveilleuse, i et il faudrait l’estimer martyr, comme le porte son épitaphe, en quatre vers (il y est nommé scmctus sophista Joannes), dont Guillaume donne le texte. La légende passa de Guillaume de Malmesbury dans une foule d’écrivains et même dans des martyrologes ; elle se lit, à la date du 10 novembre, dans le supplément de Molanus au martyrologe d’LIsuard, publié à Anvers, en 1583 (et non, comme on l’a dit, dans l’édition du martyrologe romain publiée, à Anvers, en 1586). Cf. encore A. du Saussay, Marlijrologium gallicanum, Paris, 1636, p. 1225, et, parmi les écrivains récents, P. Vulliaud, dans Entretiens idcalisles, 25 mars 1910, p. 130. Si vraiment l’épitaphe transcrite par Guillaume de Malmesbury est aussi ancienne qu’il le prétend, il y a des chances pour qu’elle ait fourni le point de départ de la légende ; les cas sont fréquents de légendes hagiographiques dues à l’épigraphie. Cf. H.Delehaye, Les légendes hagiographiques, Bruxelles, 1905, p. 94-97. Dans le Joharuies sophista de l’inscription tombale on aura vu le célèbre Jean Scot Ériugène ; pour en venir là — et l’explication qui suit est encore valable si, loin d’avoir été causée par l’inscription, la légende lui est antérieure — on l’aura confondu avec le Jean, moine et prêtre, que le roi Alfred fit venir de France et qu’il préposa à l’abbaye d’Ethelinge (Athelney), où les moines l’assassinèrent, et on aura transformé cet assassinat en une mort due aux poinçons à écrire de ses élèves, usant ainsi d’un thème classique en

hagiographie, cf. H. Delehaye, op. cit., p. 117-118 ; cette mort, à son tour, aura passé pour un martyre, comme dans des légendes de saints des premiers siècles ; enfin on aura fixé sa fête au 10 novembre, jour anniversaire du martyre d’un Jean Scot, évêque en I* ; sclavonie. Cf. Adam de Brème, Gesta pontificum Ilammaburgensis ecclesiie, c. x.xxi.x, ci.xvii, ccvi, P. L., t. cxLvi, col. 574, 595-596, 018 ; P. Piolin, Supplément au.x. Vies des Saints et spécialement au.v Petits Bolliuidisles, Paris, s. d., t. iii, p. 422. Voir, sur cette légende qui mériterait une étude approf()iulie, quelques indications dans Mabillon, Acta sunctorum ordinis sancti Bencdicti, Paris, 1680, t. vi, p. 506-513 ; [Paris], dans Perpétuité de la foi de l’Église catholique sur l’eucharistie, édit. Migne, Paris, 1841, t. i, col. 11391150 ; X. Alexandre, Historia ccclesiastica, édit. Mansi, Venise, 1778, t. vi, p. 427-428.

II. Œuvres. — 1° Traductions et commentaires. — A la demande de Charles le Chauve, meo Carolo, disait-il, P. L., t. cxxii, col. 1029, Ériugène traduisit les quatre ouvrages et les dix lettres du pseudo-Denys l’Aréopagite, qu’il regardait, avec ses contemporains, comme le disciple de saint Paul et l’apôtre de Paris, col. 1032. Le codex qu’il traduisit, et auquel il renvoyait les critiques pointilleux qui discuteraient son œuvre, était sans doute l’exemplaire ofiert, en 827, à Louis le Débonnaire par une ambassade de l’empereur de Constantinople, Michel le Bègue. Cf. H. Omont, JManuscrit des œuvres de saint Denys l’Aréopagite envoyé de Constantinople à Louis le Débonnaire enS 27, dans la Revue des études grecques, Paris, 1904, t. XVII, p. 230-236. Ensuite, pour répondre aux désirs du même Charles le Chauve, il traduisit les Ambigua de saint Maxime le Confesseur, c’est-à-dire l’explication des passages difficiles de saint Grégoire de Nazianze, d’autant plus qu’elle jetait souvent de la lumière sur l’Aréopagite. Ayant bien vu que l’obscurité était l’écueil à redouter dans la lecture de Denys, cf. col. 1032, il entreprit un commentaire, Expositioncs, de ces écrits, qui malheureusement nous est parvenu incomplet. Les E.vpositiones in Mysticam theologiam, P. L., t. cxxii, col. 267-284, sont données à tort comme l’œuvre de Jean Scot. Cf. S. M. Deutsch, Realencykiopddie, t. xviii, p. 87, d’après l’ouvrage (russe) d’A. Brilliantoff, L’influence de la théologie orientale sur l’occidentale dans les œuvres de Jean Scot Érigène, Saint-Pétersbourg, 1898, p. 34 sq. En outre (voir la bibliographie) ont été publiés partiellement des commentaires de Scot Ériugène sur Martianus Capella, d’après un manuscrit de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Récemment un Américain, E. Kennard Rand, a édité avec beaucoup de soin des gloses du même Scot sur les Opuscula sacra de Boèce ; à vrai dire, les manuscrits ne désignent pas Scot comme l’auteur de ce commentaire, mais la critique interne autorise à les lui attribuer. Finalement, nous possédons des fragments d’un commentaire sur saint Jean et une homélie sur le prologue de cet Évangile.

2° Autres œuvres. — Nous avons d’Ériugène des œuvres plus personnelles que les traductions ou les commentaires. D’abord le De precdestinatione, qu’il écrivit à la demande d’Hincmar de Reims. Son ouvrage capital est le Ilsplojircwî i.zpi’711.’ji, idest de divisionc ncUuree libri quinque, important moins encore par son étendue que par la richesse du développement systématique de ses doctrines. On peut y rattacher, en supposant qu’il soit authentique, un court fragment du Liber de cgrcssu et regressu animæ ad Deum. Il écrivit un certain nombre de brefs poèmes, pièces d’occasion, la plupart adressées à Charles le Chauve : il semble qu’Ériugène « ait, chaque année, aux principales fêtes de l’Église, notamment à Pâques, offert