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ENDURCISSEMENT


vcuglement. Cequcravcuslenent produit dansriTitclligence et le jugement, l’ciulurcissenient l’opère dans la volonté et ses tendances. De même que la lumière divine excite dans la volonté une certaine disposition à suivre les inspirations d’en haut, à obéir à Dieu, de même la cécité spirituelle produit l’endurcissement, l’obstination dans le mal, pousse la volonté à résister aux avertissements salutaires, aux appels de la grâce <livine. Ainsi l’endurcissement consiste dans un attachement ferme et obstiné au mal, sous une certaine apparence de jjicn ; d’où il suit cjue la volonté du pécheur ne jieut être ébranlée, ni par les avertissements venus de l’extérieur, ni les inspirations intérieures, ni par les menaces, ni par les promesses. Il reste dur comme la pierre et impénétrable jusqu’à ce que la divine miséricorde brise par ime grâce spéciale, extraordinaire, sa volonté rebelle. Cf. S. Tiiomas, Siim. Iheol., II-> II » ’, q. lxxix, a. 3. « Mallieur à vous, <iit Isaïe, IV, 20, 21, qui appelez le mal bien et le bien, mal ; qui donnez les ténèbres pour la lumière, et la kunière pour les ténèbres ; qui donnez l’amer pour le doux et le doux pour l’amer. Malheur à vous qui êtes sages à vos yeux et prudents vis-à-vis de vous-mêmes. »

Les causes de l’endurcissement sont multiples et appartiennent à différents ordres. La cause positive interne n’est autre que l’homme lui-même à qui est justement imputable ce triste état. Par ses péchés répétés, nuiltipliés, amoncelés, il contracte des habitudes mauvaises dans l’intelligence et la volonté ; ce sont ces dispositions vicieuses qui obscurcissent l’intelligence des vérités de la foi et endurcissent le Cd’ur. La lecture fréquente des mauvais journaux et revues, les conversations contre la foi remplissent l’esprit de préjugés et d’erreur, l’ambition, la luxure, la cupidité, la recherche avide des richesses abaissent la volonté vers les biens de la terre et la rendent incapable, sans une grâce spéciale, de secouer le joug néfaste des passions et de s’élever vers Dieu. La cause positive externe est le démon agissant par de mauvaises suggestions et instigations. Non seulement le démon lente par lui-même, mais encore il se sert des circonstances et des choses extérieures. Les liaisons criminelles, les fréquentations dangereuses, les théâtres licencieux, les livres pornographiques, etc., sont autant de moyens dont se sert le tentateur pour affermir ses victimes dans le péché, les endurcir dans le mal. Knfln, la cause externe permissive et néyiilive de l’endurcissement, c’est Dieu ; comme nous l’expliquerons plus bas. Dieu n’est pas l’auteur, la cause l)ositive de l’endurcissement, mais il permet, il n’empêche pas celui-ci, par cela même qu’il refuse au pécheur une grâce plus abondante, une grâce spéciale. Dieu, ne l’oublions pas, est le maître absolu dans la distribution des grâces. Lorsque le secours divin est plus faible et la volonté de l’Iiomme moins disposée à correspondre à l’appel d’en haut, il résulte une grande dilliculté de suivre le mouvement de la grâce, et c’est précisément dans cette grande dilliculté que consiste l’endurcissement. Toutefois, cette difficullé ne provient pas d’une nécessité, mais elle prend sa source <lans la libre volonté de l’homme. D’une part, en effet, c’est librement fpi’il s’est jeté par son péché dans cette misérable situation morale, d’autre part, il dépend de son libre arbitre de remplacer les habitudes vicieuses par des habitudes contraires.

Tout péclieur n’est pas nécessairer)ient in pécheur endurci, celui ci persiste plus longtemps dans le péché et avec une résistance plus grande à son relèvement. C’est l’avis unanime des théologiens que le pécheur ordinaire, d’une manière générale, reçoit des grâces plus fré<|ucntes et plus puissantes que le pécheur endurci. Suivant le cours ordinaire de la providence, i’endurcissement comporte la soustraction de nom breuses grâces, qui sont accordées aux justes ou aux pécheurs ordinaires. C’est ce que le prophète Isaïe faisait remarquer lorsque, sous la figure d’une vigne, il reprochait l’ingratitude, l’endurcissement du peuple juif. « Et maintenant, je vous montrerai ce que je ferai, moi, à ma vigne. J’enlèverai sa haie, et elle sera au pillage, je détruirai sa muraille et elle sera foulée aux pieds., Ie la rendrai déserte ; elle ne sera jias sarclée, et elle ne sera pas labourée ; les ronces et les épines s’élèveront et je commanderai aux nuées de ne pas répandre sur elle la pluie. » Is., v, 5 sq. Cf. S. Thomas, In exposit. in Is., c. v ; S. Jean Chrysostome, In Is., V, 5, P. G., t. Lvi, col. 60.

Les secours divins refusés aux pécheurs endurci » , ne sont pas seulement les grâces efficnees. Sous le nom de pécheurs endurcis, les Pères de l’Église et les théologiens désignent une catégorie particulière de pécheurs. Or, il est certain que les péclieurs ordinaires et les justes, au moment où ils tombent dans le péché, n’avaient jKis la grâce efficace pour résister, .ussi, afin deconserver la distinction classique entre les pécheurs endurcis et ceux qui ne le sont pas, doit-on admettre que les premiers, non seulement n’ont pas la grâce efiicace, mais encore sont privés de certains secours spéciaux, tels que grâce immédiatement suffisante, protection particulière de Dieu, éloigncment des tentations, etc. Voilà pourquoi saint Thomas, Cont. gentes, 1. III, c. clxii, après avoir établi par de nombreuses et solides raisons que Dieu ne saurait être l’auteur du péché, explique certains textes de la sainte Écriture qui sembleraient atlirmer le contraire. « Ces textes, dit-il, doivent être entendus de telle sorte que Dieu ne donne pas à certaines personnes pour éviter le péclié le secours qu’il accorde à d’autres. Ce secours ne comporte pas seulement la grâce actuelle, mais encore nue protection extérieure qui écarte les tentations et brise l’effort des passions mauvaises. "

II. CoNTi’.ovEnsE. — (lalvin et les calvinistes soutenaient ((ue Dieu, par un décret positif, pré(lestine certaines âmes à la danniation éternelle et par conséquent leur refuse toute grâce. Voir t. ii. col. 1 lOG-l 112. Cette doctrine est liérétique. Voir PnÉDEsTiNAïioN.

Que tous les pécheurs ordinaires reçoivent des grâces, avec lesquelles ils |iuissent se convertir, c’est l’opinion commune des théologiens, l’erronc admet que c’est une doctrine eatltotiquc.

Quant aux |iécheurs endurcis, il est hors de doute que plusieurs d’entre eux reçoivent non seulement des grâces sudisantes, mais encore des grâces edicaces. C’est, en elVet, un fait hislorique que certains pécheurs endurcis se sont réellement et sincèrement convertis, saint Paul, saint.ugustin et d’autres.

Si l’on considère l’ensemble des pécheurs endurcis, il est certain ((u’ils ne sont pas privés des grâces de conversion, à cause de l’énormité ou de la nniltiludc de leurs péchés. On sait, en effet, par le traité De pœnitentia qu’il n’existe sur cette terre ni péché ni multitude de péchés irrémissible.

Du moins, Dieu peut-il refuser à certains pécheurs endurcis toute i/râce de conversion à cause des personnes, en punition de certains péchés ? Quehjucs théologiens thomistes ont soutenu cette opinion, aujourd’hui abandonnée (Hannez, Ledesma. (lodoy, Gonet, etc.).

Dans cpielles limites Dieu donne t il aux pécheurs endurcis la grâce sullisanle pour se rouvert ir ? Sans doute, Dieu peut enlever au péclieur la vie, ou l’usage (le la raison. Dans ce cas, il ne saurait être questifui de grâces suffisantes. Voilà pourquoi n(uis nous oecuj )ons seulement du pécheir enchirci rivant v[ ionissmil de l’usaf/e de lu raison ; et nous afiirnions que la grâce sufllsante jiour se convertir ne lui fait pas défaut. Il est vrai qu’il n’a pas toujours a s.i disposition la grâce