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EPICLESE EUCHARISTIQUE


lui comme synonyme d’image. En tout cas, le premier document qui nous signale cette idée iconomaque de l’eucharistie, seule véritable image du Christ, est l’opo ; ou définition formulée par le conciliabule iconoclaste d’IIiéria en 753, quatre ans avant la mort de saint Jean Damascène, arrivée en 749. Voir, au sujet de cette date, un article du P. Vailhé. dans les Échos d’Orient, 1906, t. ix, p. 28-30.

De cette définition iconomaque on fit, au IP concile de Nicée (787), une longue réfutation, qui fut lue à la vi" session de la manière suivante. Grégoire, évêque de Néocésarée, lisait quelques lignes del’opoi ;  : le diacre Jean, bientôt remplacé par le diacre Èpiphane, réfutait aussitôt le passage. Les deux docu ments réimis ne tiennent pas moins de 160 pages dans Mansi, t. xiii, col. 205-364. Quel est l’auteur de la réfutation ? On l’ignore. Certains mettent en avant le nom de saint Taraise, patriarche de Constantinople. D’autres, avec Allatius, y voient l’œuvre d’une commission conciliaire.

"Voici tout d’abord un passage de l’opo ; du conciliabule de 753, relatif à l’eucharistie : « Que ceux-là se réjouissent et tressaillent de joie qui fout avec une âme très pure la vraie image de Jésus-Clirisl, qui la désirent, qui la vénèrent et qui l’offrent pour le salut de leur âme et de leur corps, cette image que Jésus-Christ, notre Souverain Pontife et Dieu, donna lui-même en figure et en souvenir à ses disciples au temps de sa passion salutaire… Il est évident que [l’eiicharislie] est l’image non trompeuse de l’incarnation de Jésus-Christ, notre créateur et notre Dieu, qu’il nous a lui-même recommandée de sa propre bouche. » Mansi, Concil., t. xiii, col. 261.

Le diacre Épiphane répond : « Nul des apôtres ou des plus illustres Pères qui ont été les trompettes du Saint-Esprit n’a appelé du nom d’image du corps de Jésus-Christ ce sacrifice non sanglant qui s’opèr^^ en mémoire de la passion de Jésus-Christ, notre Dieu… En effet, le Seigneur ne dit pas à ses disciples : Prenez, mange/ l’image de mon corps… Il est bien vrai que quelques Pères ont cru pouvoir nommer le pain et le vin antitypes, avant l’accomplissement de la consécration. De ce nombre a été saint Eustathe… comme aussi le grand Basile… Celui-ci, ainsi que le savent tons ceux qui célèbrent le saint sacrifice, parle ainsi dans la prière de la divine oblation : O Dieu, après vous avoir offert les antitypes du corps et du sang de votre Christ, nous vous prions et nous vous conjurons. Et ce qui suit fait bien voir encore plus clairement que la pensée de ce Père est qu’ils sont appelés antitypes aveml la consécration ; mais qu’après la consécration ils sont appelés, ils sont et ils sont crus proprement corps et sang. » Ibid., col. 264.

Ce qui suit, dans la messe de saint Basile, le membre de phrase contenant la mention de l’antitype, c’est l’épiclèse. Par conséquent, d’après l’auteur ou les auteurs de la réfutation, c’est au moment même de l’épiclèse que s’accomplit la transsubstantiation ; après les paroles de l’institution, le changement du pain et du vin au corps et au sang du Christ n’a pas encore eu lieu. « Inutile de dire, remarque le P. Jugie, art. cit., que cette longue réfutation ne constitue pas une définition de foi, pas plus que les autres pièces si nombreuses lues au même concile, excepté évidemment l’opoç ou définition unanimement acclamée à la vii « et à la viii « session et qui ne renferme aucune allusion au mot antitype. On sait, d’ailleurs, que tout ce qui se fit au VII « concile ne fut point agréé à Rome, comme, par exemple, la canonisation du concile in Trullo et les 22 canons disciplinaires portés par le concile de Nicée lui-même. Hefele, Hist.

des conciles, édit. Leclercq, t. iii, p. 775 sq. Il n’y a de vraiment dogmatitjue que 1’fjpoç. Il ne faudrait donc pas que les orthodoxes viennent nous accuser d’aller contre le Vil » concile œcuménique, parce que nous n’admettons pas la doctrine exprimée dans le passage de la réfutation que nous avons cité et qui, il faut en convenir, est nettement favorable à leur opinion sur la forme de l’eucharistie. Cela ne saurait surprendre, quand on songe que tous les membres du concile, excepté les deux légats du pape, étaient des Grecs. L’influence de saint Jean Damascène était déjà prépondérante. On dut accepter d’autant plus facilement son interprétation du mot antitype, qu’elle permettait de répondre à peu de frais à une objection, qu’on eût pu résoudre d’une manière plus conforme à la vérité, puisque, quoi qu’en dise la réfutation, beaucoup de ces trompettes du Saint-Esprit qui sont les saints Pères ont appelé l’eucharistie image, antitype du corps du Seigneur, même après la consécration. » Échos d’Orient, t. ix, p. 197-198.

Les polémistes iconophiles postérieurs au VII « concile parlent tous comme le diacre Épiphane, expliquent comme lui le mot antitype de la messe de saint Basile et témoignent par là qu’ils croient, eux aussi, à la consécration par l’épiclèse. Saint Nicéphore surtout est particulièrement explicite. Il emprunte les expressions de saint Jean Damascène et déclare que la transformation eucharistique du pain et du vin s’accomplit d’une manière surnaturelle, grâce à l’épiclèse prononcée par le prêtre et à la descente du Saint-Esprit : « car, ajoute-t-il de son propre fonds, c’est là ce que demande le prêtre. » Antir. rhet. adv. Const. Copron., P. G., t. c, col. 336. Vient ensuite l’interprétation damascénienne du mot antitype. Cf. Antirrhct. contra Eus., c. xlv, dans Pitra, Spicilegium Solesmense, t. i, p. 440.

Saint Théodore Studite († 826) ne veut pas davantage entendre parler d’image du corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie, et il réfute de la même manière l’objection iconolaste. P. G., t. xcix, col. 340. Même tactique dans les auteurs suivants : Pierre le Sicilien († 870), P. G., t. av, col. 1349 ; Thcophylacte (xie siècle), /n Matth., xxvi, 26 ; In Marc., XIV, 23 ; In Joa., vi, 48-52 ; In I Cor., xiv, 16, P. G., t. cxxiii, col. 444, 449, 1308 ; t. cxxiv, col. 741 ; Samonas de Gaza († 1056), Dial. cum Achmed Sarrac, P. G., t. cxx, col. 824, 825, 828 ; Euthyme Zigabénos (xii » siècle), Panopl. dogm., tit. xxv, P. G., t. cxxx, col. 1269, 1273 ; et chez bien d’autres écrivains encore. » Tous sont unanimes à rejeter le mot antitype et à enseigner plus ou moins explicitement la consécration par l’épiclèse. Nicolas Cabasilas n’aura rien à inventer pour combattre la doctrine latine. Ses prédécesseurs lui fourniront des arguments tout prêts, et en particulier celui de l’antitype. » M. Jugie, toc. cit.

2’Maintien de la tradition concernant l’epicacité consécratoire des paroles de l’institution. — 1. C/icr plusieurs écrivains grecs de l’époque byzantine. — L’argumentation commune des auteurs iconophiles que nous venons d’énumérer, va directement à affirmer contre le symbolisme des iconoclastes le réalisme eucharistique. La question de la forme de l’eucharistie ne se pose pas elle-même à ces esprits. Ils prennent seulement comme une arme facile l’explication damascénienne de l’antitype, sans songer à se demander si elle est dûment forgée du pur métal de la tradition. Le besoin de la polémique porte leur réflexion sur l’affirmation de la présence réelle, nullement sur la détermination du moment précis où s’opère la consécration. Aussi bien, les deux Églises d’Orient et d’Occident ne soupçonnent même pas encore qu’elles sont en désaccord mutuel sur ce der-