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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


puis le donna aux disciples en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps. » Il paraît bien difficile d’admettre la concomitance de tous ces actes, et bien que les auteurs sacres n’en aient pas marqué de façon rigoureusement précise l’ordre de succession, la consécution de la formule consécratoire par rapport à la bénédiction ou action de grâces semble indéniable.

Quant à la formule consécratoire elle-même, voir Eucharistie dans l’Écriture.

Voici comment, on pourrait résumer l’histoire de l’institution de l’eucharistie. Pendant le repas, probablement au début, Jésus avait annoncé sa passion et qu’il ne mangerait plus la Pâque jusqu’à son accomplissement dans le royaume de Dieu. Luc, xxii, 15, 16. Ce fut vraisemblablement en prenant une des coupes prescrites par le rituel juif, peut-être la première, qu’il réitéra cette annonce, et déclara qu’il ne boirait plus du produit de la vigne jusqu’à l’avènement du royaume de Dieu. Luc, xxii, 17-18 ; Matth., XXVI, 29 ; Marc, xiv, 25. Avant la fin du repas, sans que nous puissions savoir à quel moment précis, Jésus prit du pain, le bénit en rendant grâces, c’est-à-dire en louant Dieu, et le rompit ; puis il le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez. Voici mon corps pour vous, >- c’est-à-dire, comme l’a traduit saint Luc : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. » Et il ajouta : i. Faites ceci en mémoire de moi. » A la fin du repas, sans doute au moment de boire la coupe qui devait clore le festin, Jésus prit le calice et rendit grâces en louant Dieu ; puis, faisant allusion à l’ancienne alliance de Dieu avec Israël par l’intermédiaire de Moïse, alliance consacrée par le sang des victimes répandu sur le peuple, Exod., xxiv, 3-8 ; cf. Zach., IX, 11, et rappelant la nouvelle alliance prédite par les prophètes, Jer., xxxi, 31 sq. ; Ezech., XVI, 60 sq. ; Ose., ii, 20, il dit aux apôtres en leur présentant le calice : o Buvez-en tous, car voici le calice, la nouvelle alliance dans mon sang, » c’est-à-dire, selon l’expression des deux premiers synoptiques : Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour vous et pour un grand nombre en rémission des péchés. r> Enfin il ajouta : « Faites ceci, toutes les fois que vous boirez (de ce calice), en mémoire de moi. »

Les diverses opinions.

Il sera utile d’ajouter

un aperçu des diverses opinions émises au sujet de la manière dont Jésus-Ciu-ist a consacré au cénacle.

Saint Thomas, à propos de l’objection que, dans le récit évangéliquc, la bénédiction précède les paroles sacramentelles, signale les opinions connues de son temps. « Certains ont dit que le Christ, en vertu du pouvoi r d’excel lencc (c’est à-dire d’un pouvoir suréniincnt propre à Jésus-Christ, en vortu duquel il peut, par exemple, produire dans le rite sacramentel l’effet du sacrement, cf. S. Thomas, III q. i.xvi, a. 3), qu’il avait sur les sacrements, opéra ce sacrement sans aucune forme verbale, et qu’ensuite il prononça les paroles qui devaient être désormais pour les autres la forme de la consécration. C’est ce que semblent donner à entendre les lignes suivantes d’Innocent 111 († 1180) au 1. IV, De mysler. missæ, vi : « On peut " dire que le Seigneur consacra par sa vertu divine et « qu’il prononça ensuite la forme quc ses disciples devaient employer après lui pour la consécration, » D’autres ont dit que la bénédiction dont parle l’Évangile se fit par des paroles que nous ignorons… D’autres en fin, que cette bénédiction se fit par les mêmes paroles qu’aujourd’hui, mais que le Christ les prononça deux fois, d’abord secrètement pour consacrer, puis à haute voix pour instruire les apôtres. » Sum. throl., III « , q. i.xxviii, a. 1, ad 1°". Cf. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. ii, a. 1, q. v.adl’"".

Ajoutons-y l’opinion de saint Thomas lui-même qui, avec plusieurs Pères anciens, avec saint Bonaventure et un certain nombre d’autres auteurs, acceptant le sens ultérieur des mots e’ùXoYetv et £y-/ap[(7Teïv, a pensé que le Sauveur bénit ou rendit grâces en disant les paroles sacramentelles : Ceci est mon corps, ceci est mon sang.

Le passage cité d’Innocent III exprime une opinion reconnue par lui comme proljablc, plutôt que son opinion personnelle. Au chapitre indiqué de son ouvrage sur le sacrement de l’autel, composé, comme on sait, avant son élévation au souverain pontificat, il pose nettement la question : qiiando Christiis confecit et sub qua forma ? Or voici la première réponse qu’il y fait : Ciini ad prolalionem vcrborum istorum : Hoc est corpus rneum, hic est sanyuis meus, sacerdos conficiat, credibile judicatur quod et Christns eadem verba diccndo conjecil.De sacro altari^ niysterio, . IV, c. vi, P. L., t. ccxvii, col. 859. C’est seulement après cette l)remière affirmation qu’il énumèrc les autres opinions, en terminant par la plirase qu’on a lue plus haut. La formule initiale de cette phrase : Sane dici potest, indique bien sa pensée, qui est simplement de déclarer non improbable l’opinion qu’il a énoncée : sane dici potest quod Ctiristus virtute divina confecit et postea formam c.vpressit sub qua postcri benedicercnl. Ipse namque pcr se virtute propria benedixit, nos autem ex illa virtute quam indidit ver bis. Ce qui a, semblc-t-il, jeté quelque incoliérencc dans le jugement d’Innocent III sur cette question, c’est d’avoir compris, comme d’ailleurs saint Tliomas, saint Bonaventure et beaucoup d’autres, dans le sens de consécration, la bénédiction ou action de grâces préalable faite par Jésus sur le pain et le vin. Il déclare, en elTet, un peu plus loin en termes formels : Christus confecit quuni benedixit. Ibid., c.xvii, col. 868. Cf. Durand de Mendc, Rationale, IV, xli, 15 ; Le Brun, op. cit., t. v, p. 225.

Si la pensée d’Innocent III demeure un peu indécise, il n’en est pas de même de quelques autres écrivains ecclésiastiques qui se sont nettement exprimé’; sur ce point. Saint Ciaudence de Brescia (f vers 110) semble n’avoir attribué aux paroles : Ceci est mon corps, ceci est mon sang, dans la bouche du Sauveur, qu’une valeur purement déclarative : » Nous savons, écrit-il, que lorsqu’il présenta à ses disciples le pain et le vin consacrés, Jésus leur dit : Ceci est mon corps, ceci est mon sang. > Tract. ii, De ratione sacramentorum, P. L., t. xx, col. 859. On rencontrerait, sans doute, au cours d’une enquête met liodiquc et complète, d’autres textes patristiques analogues à celui là.

Parmi les auteurs du moyen âge, signalons Odon ou Eudes de Cambrai (fllL’i) et Etienne (l’.utuu († 1139). Le premier, tout en enseignant très clairement que la forme du sacrement consiste, pour nous, dans les paroles du Sauveur, Expositio in canonein niissx, P. L., t. ci.x, col. 1063, croit que celui ci a consacré par la bénédiction avant de prononcer la formule qui, sur nos autels, accomplit le mystère. Accepit pancm, dit-il : adime panem, nondum carnem… Benedixit, suum corpus fecil. Qui prius crot panis l>enedictione faclus est caro. Modo caro, jam non panis… Patel quod panis accepta bencdirtione est caro. Modo caro, jam non panis… Palet quod panis accepta benediclione factus sil corpus Christi. Non enim post bencdictionem dixissel : Hoc est corpus meum, nisi in benediclione ficret corpus suun. Ibid. Cf. Le Brun, op. cit., t. v, p. 230-231. D’après Etienne d’Autun, les paroles : Ceci est mon corps, ceci est nwn sanq, auraient (l’abord été dites à voix basse pour opérer la consécration, puis répétées à haute voix pour enseigner aux apôtres la formule dont ils devaient se servir. Ou bien encore, le Seigneur a consacré par la béné-