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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


y aurait consécration, car l’intention suflirait pour qu’on pût regarder ces paroles comme dites ex persona Christi. Siim. theoL, III » , q. lxxviii, a. 1, ad 4°"’.

Il faut rapprocher de l’hypothèse de Le Quien et de Combefis l’opinion émise par certains liturgistes modernes, par exemple, Hoppe, op. cit., p. 310 sq. ; dom Cabrol, art. Amen du Dict. d’archéol. cluél. et de lit., t. i, col. 1558 ; le P. Thurston, dans la Revue du clergé français, 1908, t. i.iv, p. 530, qui croient à l’unité de la prière sacrificielle et pensent que la consécration dépend de toute l’action.

Rien n’empêche, semble-t-il, un catholique d’accepter cette cinquième hypothèse qui, plus que celle de saint Thomas, tient compte des rites et prières liturgiques, mais à condition de sauvegarder le principe de l’instantanéité de la transsubstantiation et la notion de forme sacramentelle, c’est-à-dire de considérer comme le moment précis du mystère celui où sont prononcées les paroles du Sauveur. Ce principe et cette notion sont nettement mis en relief par l’opinion de saint Thomas, mais ils peuvent aussi fort bien subsister avec l’autre opinion. L’une et l’autre s’accordent sur le point essentiel, qui est de reconnaître dans les paroles de l’institution l’unique forme de la consécration eucharistique. « Les paroles de l’institution, écrit très justement Mgr Batiffol, sont pour nous, théologiens, la forme qui consacre : elles sont nécessaires et elles suffisent pour opérer la conversion : donc en bonne logique l’épiclèsc n’ajoute rien à leur vertu, et elle ne saurait achever ce qui est déjà parfait. A plus forte raison ne peut-on pas dire que la qualité de forme s’étend à autre chose que la forme même, c’est à savoir à toute la prière eucharistique du canon. On ne dira pas davantage que le moment de la consécration se règle sur l’intention du prêtre, parce que la forme opère par elle-même en tant qu’elle est complète, et l’intention du prêtre ne s’exerce que sur la volonté de prononcer la forme, d’accord avec l’Église. » Batiffol, Nouvelles éludes documentaires sur la sainte eucharistie, dans la Revue du clergé français, 1908, t. LV, p. 524-525. Cette doctrine ressort avec évidence de l’enseignement de saint Thomas d’Aquin, dont il ne sera pas inutile de rappeler le passage suivant, qui servira de résumé : Ilœc conversio (eucharistica ) est instantanea : primo quidem, quia substemtia corporis Christi, ad quam terminatur ista conversio, non suscipit magis neque minus ; secundo, quia in hac conversione non est aliquod subjectum qnod successive prœparetur ; tertio, quia agitur Dei virtute infinita (eujus est subito opcrari, avait dit un peu plus haut le saint docteur)… £/ ideo dicendum est quod hœc conversio, sicut diclum est, perftcitur per verba Christi quæ a sacerdote projeruniur, ita quod nllimum instans proledionis verborum est prinuim instans in qno est in sucramento corpus Christi ; in loto autem tempore preecedente est ibi substanlia panis, eujus temporis non est accipere (diquod instans proxime præcedens ultinmm, quia Irmpus non componitur ex instantibus conscquenler se habentibus… Et ideo est quidem dare primum instans in quo est corpus Christi ; non est autem dare ultimun} instans in quo sit susbtanlia panis, sed est dare uitimum lempus. Et idem est in mutationi bus naturulibus… Isla conversio, sicut diclum est, fit in ullimo instanli prolationis verborum ; tune enim completur verborum significatio, quæ est efpcax in sacramentorum jormis. Et ideo non scquitur quod ista conversio sit suecessiva. Sum. IheoL, Illa, q. lxxv, a. 7 ; cf. q. lxxviii, a. 2 ; In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. II, a. 3, ad G"™ : in ullimo prolationis instanti fit transsubskmliatio. Rien de plus logique que cette doctrine. Il est clair, en effet, que si les paroles de l’institution, d’après l’intention de l’Église, et aussi d’après l’intention même du Christ telle qu’elle res sort du récit des synoptiques et de saint Paul, sont la forme de l’eucharistie, on ne pourra pas dire que l’épiclèsc, ou toute autre partie du canon, joue également ce rôle.

Or, que telle ait toujours été l’intention de l’Église, l’étude de la tradition nous le montrera. Quant à l’intention du Christ, nous essayerons de la dégager, sinon avec une complète évidence, du moins avec une grande probabilité, des données évangéliques touchant les rites accomplis à la dernière cène. Mais, auparavant, il est nécessaire, maintenant que nous avons exposé les principales données théologiques sur la question, d’aborder directement le problème soulevé par les données liturgiques concernant l’cpiclèse et la consécration.

HT. Données liturgiques : le récit de l’institution ET l’épiclèse dans les diverses liturgies.

— On peut affirmer, d’une façon générale, que toutes les liturgies ont le récit de la cène et les paroles du Sauveur avant l’épiclèsc. En outre, malgré la difficulté des problèmes concernant les origines liturgiques et bien que la lumière soit encore loin d’être complète en ces matières fort complexes, nous pouvons, avec un groupe assez nombreux de liturgistes (Renaudot, Hoppe, Probst, Duchesne, Funk, Cagin, Cabrol, Rauschen, etc.) admettre l’existence de l’épiclèse, à la place que nous avons dite, dans toutes les liturgies anciennes d’Orient et d’Occident, au moins à partir de leur période de fixation — la première où nous puissions les constater — c’est-à-dire au ive siècle. Xe pouvant donner ici au développement de ces deux propositions toute l’étendue qu’elles comporteraient, nous nous bornerons à signaler les renseignements les plus utiles pour la solution du problême théologique.

Le progrès accompli par les études liturgiques permet de se rendre compte aujourd’hui que le canon occidental correspond exactement, pour la structure générale, à l’anaphore de la messe orientale. On retrouve des deux côtés les mêmes éléments : une préface ou prière d’actions de grâces (s’j/apiTTta) sur les oblations ; puis, le récit de la cène rattaché à cette préface, interrompue un instant seulement par le Sanetus, mais qui se poursuit en réalité jusqu’à la narration évangélique ; les derniers mots de ce récit, en rappelant l’ordre du Maitre de renouveler la cène en mémoire de lui, amènent la formule d’anamnèse (àvpi-’/rtirii, souvenir), énimiérant, en relation avec l’eucharistie, les mystères de la passion, de la mort, de la résurrection et de l’ascension du Sauveur, parfois aussi, la pensée du second avènement. C’est alors que vient Vépiclâse, quelquefois introduite par la mention explicite de la Pentecôte. Ajoutons, pour être complet, que l’anamnèse ou l’épiclèse, d’ailleurs souvent fondues l’une dans l’autre, expriment aussi ordinairement une offrande faite à Dieu du corps et du sang de Jésus-Clirist. Nous n’avons pas à nous arrêter sur chacun de ces éléments. Mais il était nécessaire de les rappeler pour bien déterminer le cadre où le récit de la cène et l’épiclèse ont leur place marquée à côté des autres pièces liturgiques.

1. LITURGIES ORiESiÀLES.

l" Univcisalilé du récit de la cène et de l’épiclèse. — Pour le récit de la cène, la preuve de l’universalité liturgique n’est pas à faire. Il y aura seulement quelques remarques à noter, qui viendront tout à l’heure avec d’autres observations. Quant à l’épiclèse, il suffit, pour constater sa présence dans toutes les liturgies orientales, de par courir les recueils de Renaudot, Daniel, Hammond, Brightman. Afin de simplifier cette démonstration, en ramenant le très grand nombre de liturgies orieni taies à quelques types fondamentaux, contentons-I nous de signaler le fait d’une épiclèse très explicite,