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EUDES

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lui dans les aftaircs d’ordre temporel, et voix consultative seulement dans les autres questions.

Du vivant du P. Eudes, la congrégation de Jésus et Marie fut appelée à fonder et à diriger six séminaires dont nous avons donné les noms un peu plus haut. Ces établissements étaient tous des grands séminaires. Le Bienheureux ne songea jamais à en fonder d’autres. Toutefois, outre les ordinands, il admettait dans ses séminaires les prêtres nouvellement pourvus d’un bénéfice qui venaient s’initier à la pratique du ministère sacerdotal, ceux qui y venaient faire les. exercices de la retraite, et même les étudiants qui suivaient les cours de théologie. .près la mort du P. Eudes, ses enfants furent préposés à la direction des séminaires d’Avranches (1C93), Dol (1701), Sentis (1704), Valognes (1724), Domfront (1727), Blois et Séez (1744). Ils dirigèrent également à Rouen, à Rennes et dans quelques autres villes des « séminaires de pauvres clercs » , qu’on appela parfois du nom de « petits séminaires » , et qui étaient destinés à former des prêtres pour les paroisses de la campagne. Les aspirants au sacerdoce y étaient admis de bonne heure et y recevaient successivement leur instruction littéraire et leur formation ecclésiastique. Par où l’on voit que, malgré l’identité des noms, ces établissements différaient assez notablement de nos petits séminaires actuels.

La congrégation de Jésus et Marie, qui s'était toujours montrée fort opposée au jansénisme, fit bonne figure pendant la Révolution. Trois de ses membres, Hébert, Potier et Lefranc, périrent à Paris dans les massacres de septembre 1792. Leur cause de béatification a été introduite en cour de Rome, en même temps que celle des autres victimes de Septembre. Peu de temps avant sa mort, M. Hébert, qui était devenu confesseur de Louis XVI, avait fait faire à l’infortuné monarque le vœu de consacrer solennellement son royaume au Cœur de Jésus, s’il échappait à ses ennemis.

Détruite par la tourmente ré^olutionnairc, Ll congrégation ne se reconstitua qu’en 1826, et ce n’est guère que dans la seconde moitié du xixe siècle qu’elle a retrouvé sa prospérité. Venue trop tard pour reprendre la direction des séminaires qui lui avaient été confiés autrefois, elle s’est consacrée aux missions et à l'œuvre si importante de l’enseignement secondaire. La loi sur les associations a amené la ruine des établissements qu’elle possédait en France ; mais, outre les scolasticats qu’elle a ouverts en Belgique et en Espagne, elle dirige encore des séniinairc ; b à Carthagène, à Antioquia, à Pamplona, à Saint-Domingue dans l’Amérique du Sud ; ceux de Chilapa, de Jalapa et de Sallillo au Mexique ; et au Canada elle est chargée du vicariat apostolique du Golfe Saint-Laurent, du grand séminaire d’Halifax, des collèges de Church' Point et de Caraquet et de plusieurs autres établissements de moindre importance. En France même, où elle compte encore une bonne partie de ses membres, elle continue à prêcher des missions et à travailler à des œuvres diverses. Ajoutons qu’elle a toujours à Rome un certain nombre de ses sujets, suivant les cours du collège romain, afin d’y préparer leurs grades, et qu’ainsi elle se tient prête pour l’heure où les prélats, soit de France, soit de l'étranger, voudront réclamer ses services et lui confier la direction de leurs séminaires.

3° Confréries en l’honneur des Sacrés Cœurs. Société (lu Cœur de la Mère admirable. — De très bonne heure, le P. Eudes institua, dans les paroisses oii il prêchait des mission.s, des confréries en l’honneur soit du saint Cœur de Marie, soit des Sacrés Cœurs, ou, comme disait le Bienheureux, du Sacré Cœur de Jésus et de Marie. Ce sont les premières confréries

de ce genre qui aient été établies. Elles avaient pour fin d’honorer les Sacrés Cœurs, principalement par l’imitation de leurs vertus, et d’obtenir par leurs prières que Dieu donnât de saints prêtres à son Église. Le P. Eudes recommandait aux membres de ces confréries la récitation des prières qu’il avait composées en l’honneur des Sacrés Ca’urs et la célébration des deux fêtes du 8 février et du 20 octobre. En 1674, le Bienheureux reçut de Rome six bulles d’indulgences pour les confréries érigées ou à ériger en l’honneur des Sacrés Cœurs dans les séminaires qu’il avait fondés, et cette faveur le remplit de la plus grande joie. Plus tard, les religieuses de Nolrc^Dame de Charité obtinrent également des brefs d’indulgences pour les confréries analogues qu’elles firent ériger dans leurs chapelles. La plupart de ces associations tombèrent à la Révolution par la fermeture des églises qui leur servaient de siège. L’une d’elles, pourtant, a subsisté jusqu'à nos jours ; c’est celle du monastère de NotreDame de Charité de Cæn, et en 1842, elle s’est vue enrichie d’indulgences extraordinaires par Grégoire XVI. Les fils et filles du pieux instituteur continuent à y enrôler un grand nombre de fidèles dans le double but qu’il se proposait : faire honorer les Sacrés Ca-urs de Jésus et de Marie, et obtenir beaucoup de prières en faveur des vocations sacerdotales.

Les confréries instituées par le P. Eudes étaient ouvertes à tous les chrétiens. Parmi les fidèles qui en faisaient partie, le Bienheureux rencontra des âmes d'élite qui, pour des motifs divers, ne pouvaient entrer dans une communauté religieuse, mais qui cependant aspiraient à la perfection. Il les groupa dans une société nouvelle qu’il consacra au saint Cœur de.Marie, et qu’il appela la Société du Cœur de la Mère admirable. Par bien des côtés, cette pieuse association ressemble aux tiers-ordres, et par analogie on lui en a parfois donné le nom qui, d’ailleurs, ne lui convient pas rigoureusement parlant.

La Société du Cœur de la Mère admirable est accessible aux hommes, prêtres ou laies, aussi bien qu’aux femmes. Toutefois les hommes et les femmes font partie de deux groupements distincts dont chacun doit avoir son organisation et ses réunions spéciales, bien que le règlement qui leur est proposé soit exactement le même.

Pour y être admis, il faut être résolu à garder le célibat et à mener une vie exemplaire. Le postulat dure un an, après quoi, si les suffrages des membres de la Société leur sont favorables, les aspirants sont admis à se consacrer à la sainte Vierge, et dans la suite, ils renouvellent chaque année leur consécration, et cela autant que possible le jour de la fête du saint Cœur de Marie, qui est la fête patronale de la Société.

Les membres de cette pieuse agrégation doivent porter des vêtements simples et de couleur sombre, s’appliquer à l’oraison, entendre la messe et communier aussi souvent que possible, vivre dans le recueillement et s’imposer matin et soir une heure de silence, pendant laquelle ils ne parlent que par nécessité ou par motif de charité. Ils doivent de plus s’adonner aux œuvres de miséricorde tant spirituelles que temporelles, compatibles avec leur situation, par exemple, enseigner le catéchisme, instruire les ignorants, visiter les malades, réconcilier les ennemis, etc., et prier beaucoup eux aussi pour attirer la grâce sur les pasteurs des âmes et obtenir du ciel de nombreuses et saintes vocations sacerdotales. Leurvie, on le voit, se rapproche de la vie religieuse, et c’est pour cela qu’en Bretagne on a appelé les pieuses filles qui en font partie les Religieuses de la maison.

Quand la Société est canouiqucment érigée dans un diocèse, elle dépend bien entendu de l’ordinaire, et