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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)

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par son neveu, Messine, 1707, s’appelant comme lui Nicolas Gennaro, dans un opuscule où Platon et Maignan protestaient contre l’interprétation que Saguens donnait de leur pensée. Déjà, en 1700, Saguens avait publié, sous le voile de l’anonymat, un plaidoyer chaleureux en faveur du système de Maignan en même temps qu’une attaque en règle des accidents absolus : Accidenlia profligala, species instaiiraiæ, sive de speciebus panis ac vint post consecraiionem eucharisticam dumiaxal manenlibus Opiis philosophico-theologicum. Milan, 1700. Les Mémoires de Trévoux, septembre 1702, p. 51, donnent une analyse substantielle des vues de Saguens : « L’auteur, disent-ils, p. 56, a supprimé son nom et déguisé le nom de la ville et de l’imprimeur. La bienséance et l’honnêteté ne nous permettent pas de développer ce petit mystère. » Aujourd’hui, le petit mystère est « développé » depuis longtemps. On trouvera naturel que les écrivains et théologien.s de l’ordre des minimes employassent leur zèle et leur talent à défendre un système né chez eux. Ils défendaient ainsi la mémoire d’un de leurs penseurs et savants les plus ingénieux. En 1687, Jacques Salier avait publié son Hisloria scolasiica de speciebus eucharisticis. Emmanuel Naxera, un minime espagnol, donna en 1720, à Toulouse, son Maignanus redivivus, sive de vera quidditale accidenlium manenlium in eucharistia juxla novo-anliquam Maignani doclrinam.

L’effort des théologiens, entraînés dans le courant cartésien, alors si impétueux, allait toujours à repenser le dogme eucharistique à l’aide des conceptions physiques nouvelles, à le concilier, tout [en gardant les formules qui, depuis des siècles, l’exprimaient, avec l’atomisme cartésien ou, comme disaient dédaigneusement ses adversaires, avec le democritisme renouvelé. En somme, derrière cette querelle des espèces eucharistiques, qui pourra paraître d’un intérêt assez mince, deux grandes conceptions du monde, deux systèmes ennemis, l’hylémorphisme et l’atomisme mécaniciste, se combattaient. C’était la vieUle querelle de la qualité et de la quantité, qui se disputaient ici fhonneur d’expliquer rationnellement l’expérience sensible eucharistique et se prétendaient mutuellement incapables d’y réussir. C’est l’époque des Atomi redivivæ, Maignanus redivivus, Aristoieles redivivus, de Barbarinus de Angelis, in -fol., Catane, 1741, des dissertations « physico-théologiques » . Les deux systèmes avaient leurs partisans dans l’ordre même des minimes. Naxera et Saguens, atomistes convaincus, combattirent leur collègue François Palanco, qui publia, à Madrid, en 1744, son Dialogus physico-lheologicus contra philosophie novalores sive Ihomista contra atomistas. On pense bien qu’on s’accablait mutuellement des censures les plus graves. Après les ardeurs de la lutte, on confessait ingénument ce manque de modération : Fateor, disait Gennaro, me nimis zelo sanee doclrinse exardescentem in Jerendis censuris limina caiiti Iheologi transgressum fuisse. Saguens, Systema eucharisticum, præf. L’autorité intervenait parfois et réprimait les excès. La Phitosophia Maignani scolastica de Saguens fut mise à l’index par décret du 7 juin 1707. En 1675 déjà, un ouvrage du Lucquois André Pissini, moine olivétain, longue diatribe contre le péripatétisme, avait connu la même disgrâce., Le titre avait des allures de défi : Naturalium doctrina qua funditus cvcrsis matcriei primae jormœque substantialis et accidentalis, cunclisque ferme seciuriorum sententiis, cujuslibel aucloritate posthabita, rationibus firmis inopinata subslituuntur aut penitiis obsoleta revocantur, Augsbourg, 1675. Le 2 décembre 1676, Pissini fut invité à rétracter ses erreurs devant le Saint-Office. Il publia lui-même cette rétractation, à Rome, l’année suivante : Ritrattazione del P. Andréa Pissini Otivetano, netlaCongrega zione del S. Officio, tenuto net convento di S. Maria sopra Minerva, li 2 décembre 1676, Rome, 1677. Cette rétractation a été rééditée à Naples en 1735, par le théatin Gaétan Marie Pezzo, dans une dissertation où il entreprend de prouver contre les cartésiens que « les espèces eucharistiques sont des accidents physiques, dans l’École, des accidents absolus. » Mémoires de Trévoux, octobre 1739, p. 2258. Pissini disait, entre autres choses, dans sa rétractation : « Dans un mien examen j’ai dit que, lorsqu’on ne voit, ni ne touche l’eucharistie, alors sont présents seulement le corps et le sang du Christ, et non point la chose appelée sacrement, parce qu’il n’existe point alors ces apparences et ces ébranlements des sens qui naissent, lorsqu’on voit ou touche l’eucharistie ; je me corrige et me rétracte et confesse que toujours, dans l’eucharistie, qu’elle soit vue ou non, touchée ou non, comme dans la custode ou ailleurs, il y a toujours, actuellement, le sacrement et le corps du Christ… » Cité par F. Jos. Ant. Ferrari de Modoetia, Philos, peripaletica, dist. IV, q. I, Venise, 17.^^4, t. ii. p. 170. Comme on le voit, Pissini n’avait pas évité les paradoxes que nous signalions plus haut. Pour lui, les espèces sacramentelles étaient pareilles aux images des songes ; Dieu, comme auteur de la nature, déterminait dans nos organes sensibles ces illusions trompeuses ; il avait le droit de nous tromper, op. cit., p. 170, à cause de sa souveraineté sur nous. C’est ainsi que les théologiens cartésiens faisaient mille efforts pour sauver leur foi, sans abandonner leurs principes. Quelques-uns, tel Naxera, renoncèrent spontanément à leur cartésianisme. Après avoir brillamment défendu durant vingt ans la thèse de Maignan, il finit par se rétracter en 1737. Cette rétractation, rédigée en espagnol, fut publiée la même année, par Jean Vasquez cle Cortis, médecin de Séville. En Italie, les accidents réels furent vigoureusement défendus par le frère mineur Jos. Ant. Ferrari, op. cit., contre les attaques de son ingénieux collègue, le P. Fortuné de Brescia. Dissertalio phijsico-theologica de qualitatibus corporum sensibilibus, Brescia, 1740 ; Philosophia sensuum mccanica, Brescia, 1751, t. i, n. 605. L’argumentation de ce dernier nous a paru plus adroite que solide. C’est ainsi que, comme Saguens, il est bien près de voir dans les Pères des atomistes, parce qu’ils sont platoniciens ; les scolastiques ont emprunté non à Aristote, mais à ses interprètes arabes, la doctrine des accidents absolus ; Wyclif n’aurait pas nié les accidents absolus ; les Pères du concile de Trente, par le mot species, auraient uniquement désigné la sensibilité du pain, etc. ; il emprunte également à Tournely la thèse que seuls le corps et le sang du Christ et les impressions sensorielles constituent le signe sensible ou le sacramentum. Comme l’auteur de la Dissertalio physico-theologica avait mis en doute l’orthodoxie du bénédictin Ulric Weiss, professeur de philosophie au monastère d’Irsingum, dans la Souabe impériale, auteur d’un De emendalione intellectus humant, celui-ci répondit par une Episiola apologetica, Augsbourg, 1750, adressée au cardinal Quirino, évêque bénédictin de Brescia. Ziegelbauer, Hist. rei litt. ord. S. Benedicti, t. ii, p. 290. A cette apologie. Fortuné de Brescia répondit par ses Animadversiones criticae in epistolam apologeticam R. P. Udl. Weiss, bencd. Ursinensis, contra P Fortunati a Brixia calumnias, Brescia, 1751. Parmi les défenseurs des accidents réels, signalons encore le dominicain Billuart, De mente Ecclesise catholicse circa accidenlia eucharistica, Liège, 1715, le carme Emmanuel Ignace Coulinlio qui publia, en 1751, son Systema quaquavcrsum aristotelicum cseleris præjerendum de formis nvdcrialibus, tam substantialibus, juxla qaam accidentalibiis Baconii expositioncm, cum appendice de accidentibus eucharislicis, iit Barbarini de Angelis, dont VAri-