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FISHER


la raison de ce retard. Certains indices lui avaient fait croire que le réformateur et ses partisans paraissaient disposés à revenir à de meilleurs sentiments. Il avait voulu leur épargner l’aigreur de cette polémique. Mais voyant qu’il s'était trompé, il se décida à pulilier son ouvrage. En douze chapitres, il réfutait les innovations du réformateur dans la doctrine des sacrements, en insistant spécialement sur l’eucharistie et la messe, l’ordre et le mariage.

Cette polémique à laquelle il voulait échapper ne l'épargna pas. Il avait à peine achevé VAsserlionis luiherane confutalio que l'évêque de Londres, Tunstall, attirait son attention sur un libelle dont l’oljjet principal était de prouver que l’apôtre Pierre n’avait jamais été à Rome. Il était publié sous le nom de Ulrichus Velenus Minhoniensis. Fisher ne paraît pas connaître autrement l’auteur — sic enim sese nominabal, dit-il dans sa préface. Ses historiens, anciens ou modernes, ne sont pas plus avancés que lui. En tout cas, la thèse du pamphlet renversait de fond en comble la partie la plus importante de la Confiilatio qui établissait la primauté de saint Pierre et de ses successeurs sur le siège de Rome. L'évêque de Rochester reprit donc la plume, et, sous le titre de : Convidsio calumniarum Ulrichi Veleni, Minhoniensis, quitus Petrum nunquam Romæ fuisse cavillatur, il reproduisit les assertions de son adversaire, suivies chacune de sa réfutation en règle. L’ouvrage parut en 1525, à Paris, chez Conrad Resch. Fisher faisait appel à l’iiistoire pour prouver, contre Velenus, la réalité du séjour du prince des apôtres à Rome et de son épiscopat dans cette ville.

Le point particulier des innovations luthériennes que l'évêque de Rochester, dès la première heure, s'était attaché à réfuter, était la doctrine du réformateur sur les sacrements. Celui-ci, poursuivant logiquement son développement, publiait en 1523 son traité De abroganda missa priva/a, dans lequel il niait le caractère de sacrifice de l’eucharistie, et demandait en conséquence l’abolition de la messe. Fisher, qui avait déjà touché ce sujet dans son ouvrage Asserlionuni régis Anglise de/ensio, y revint plus en détail dans un nouveau traité publié sous le titre : Sacri sacerdolii defensio contra Lullierum, qui parut en 1525, à Anvers. Il montrait, dès l’Ancien Testament, le caractère de sacrifice attaché à la mort du Messie, puis dans le Nouveau, ce caractère affirmé explicitement par le Sauveur lui-même. Sa démonstration a passé dans tous nos traités de théologie modernes. Fisher ne se contentait pas du reste d'écrire. La même année, il recevait la visite de Jean Eck, auquel il confiait une lettre à l’adresse du duc de Bavière Albert. Il exhortait ce prince à combattre les hérétiques par les armes et lui démontrait la perversité des nouvelles doctrines, que prouvaient trop évidemment les excès de la guerre des Paysans.

Deux ans après, Fisher publiait un nouvel ouvrage sur le point qui lui tenait tant à cœur. Il était dirigé cette fois contre le théologien réformé Œcolampade, qui avait soutenu que le seul elïet de l’eucharistie était de nous unir au Christ par la foi. C’est à réfuter cette erreur que Fisher consacrait ce traité De veritate corporis et sanguinis Chrisii in eucharisiia. L’ouvrage parut en février 1527, à Cologne. Il était dédié à Richard, évêque de Winton, en qui Fisher se plaisait à reconnaître son plus grand bienfaiteur. Il résumait ainsi lui-même tout le plan de l’ouvrage : « Je ne nie point que nous ne soyons unis au corps mystique du Christ par la foi seule. Mais, par la manducation du corps et du sang du Christ, nous sommes incorporés à lui beaucoup plus profondément et solidement que par la foi seule. C’est ce que nous démontrons abondamment non seulement par les affirmations d’Irénée,

de Chrysostome, de Jean Damascène, de Cyrille, d’Hilaire et des autres anciens théologiens, mais encore par les témoignages les plus clairs des Écritures » (Préface). Au jugement de son historien Bridgett, cet ouvrage, le plus long de Fisher, est aussi son plus important.

Jusque-là le rôle de défenseur de la foi assumé par Fisher ne lui avait rapporté d’autres inconvénients que les outrages du réformateur et de ses disciples. L’affirmation courageuse de cette foi allait réclamer de lui un autre témoignage. Depuis 1527, Henri VIII tendait de plus en plus au schisme. Ces tendances prennent corps, dès 1529, dans le projet de réforme de l'Église d’Angleterre présenté à la Chambre des Communes. Fisher s’opposa vivement à ce projet qui contenait en germe toutes les réformes postérieures. Mais surtout il fut, dans l’affaire du divorce du roi et de Catherine d’Aragon, l’infatigable champion de la validité du mariage. Il était le confesseur de la reine, et jusqu’au bout, il resta son conseiller. Non content de l’aider de ses avis, il résuma, dans un mémoire, les raisons qui s’opposaient à l’annulation de ce mariage. Ce mémoire parut à Salamanque, en 1530, sous le titre : De causa matrimonii Anglise régis liber. Dans un avertissement, l’imprimeur, Michel de Eguia, annonce au lecteur que le manuscrit de cette défense lui a été remis par l’archevêque de Tolède, à qui Fisher lui-même l’avait adressé.

Devant l’entêtement de Henri VIII, Fisher ne pouvait éviter la disgrâce. Elle fut complète. A la fin de l’année 1533, il était convoqué devant le parlement pour se justifier des charges qui pesaient contre lui. Le 28 janvier 1534, il écrivait à Thomas Cromwen, le tout-puissant ministre, et invoquait son triste état de santé pour ne point comparaître. Cromwell refusa tout délai. Le 25 mars, Fisher était condamné de prise de corps et confiscation de biens et, en plus, à la prison perpétuelle. En raison de son état de santé, sa peine fut commuée en une amende de trois cents livres. Henri croyait par là avoir réduit sa résistance. Il comptait sans le courage du vaillant vieillard. Invité, le 13 avril, à prêter le serment à l’acte de succession qui consacrait le divorce, Fisher refusa, comme son ami sir Thomas More. Tous deux furent immédiatement emprisonnés à la Tour de Londres. Il profita de cette retraite pour adresser à sa sœur Elisabeth une exhortation chrétienne à la résignation. Elle fut publiée seulement en 1577, à Londres, sous le titre : A godly irealise declaring the beneflts, fruits and comodities of prayer. A spiritual consolation to hys syster Elizabelh.

La haine du roi ne s’arrêta pas là. Il voulait consommer le schisme. Fisher, accusé de haute trahison, fut déclaré déchu de son siège de Rochester. Thomas Cromwell lui-même et quelques conseillers du roi vinrent exiger de lui dans sa prison qu’il reconnût Henri VIII comme le chef suprême de l'Église d’Angleterre. Il refusa. De là nouvelle accusation de haute trahison. Sur ces entrefaites, le pape Paul III, qui était dans l’ignorance complète de ces événements, créa Fisher cardinal au titre de Saint-Vital. Cet acte mit le roi en fureur. Il y répondit en donnant l’ordre de continuer le procès, qui, après d'émouvantes péripéties, se termina par la condamnation à mort et l’exécution du cardinal le 22 juin 1535. Le pape répondit à cette cruauté en déclarant Henri déchu de la royauté. Un décret de la S. C. des Rites du 9 décembre 1886 reconnut à Fisher le titre de vénérable.

Après sa mort parurent, sous son nom : 1° Opusculum de fiducia et misericordia De/, Cologne, 1556 ; 2° Psalmi seu precationes, Lyon, 1572 ; 3° John Fisher, His sermon upon Ihis sentence of the Prophte