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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS ;


personne, si vous jugez qu’elle ne soit pas entièrement conforme à ce qui a été déterminé par l'Église. » F. Bouillier, Histoire de la philosophie cartésienne, 3 « édil., Paris, 1868, t. i, p. 456, note. Le P. Denis Mestant, qu'à la suite de Sommervogel, Biblioih. des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. ii, p. 1020, on continue : confondre avec son homonyme Pierre Mestan, beaucoup plus âgé que lui, fut, sur sa demande, envoyé à la mission de la Martinique en 1645. Dans sa deuxième lettre. Descartes lui fait de touchants adieux. Ils devaient être définitifs. Mestant ne revint jamais en France et mourut à la Martinique, vers 1678, vingt-huit ans environ après la mort de Descartes. Les lettres de Descartes à Mestant sont probablement du commencement de l’année 1646 ou de la fin de 1645. Voir Œuvres de Descartes, Paris, 1901, t. IV, p. 669. Elles eurent bientôt une dilïusion aussi large que discrète. Tandis que les originaux sont probablement perdus, les copies manuscrites en abondent, un peu partout. M. Paul Lemaire nous en signale, à Épinal, ms. n. 142, 143, à Chartres, ms. n. 366, à Paris, Bibl. nat., 13262. Le catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Troyes en mentionne une sous le n. 2336. Les éditeurs récents des Œuvres de Descaries, Paris, 1901, t. iv, p. 171, Ch. Adam et P. Tannery, signalent quatre autres copies : Bibliothèque Mazarine, 2001, Bibliothèque nationale, fonds français, 75356, p. 262, 17155, p. 303 ; nouvelles acquisitions, 111, ). 87. Baillet, le premier, imprima un extrait de la première lettre à Mestant, dans sa Vie de Descartes, Paris, 1691, t. ii, p. 519 sq. Les deux ne furent imprimées intégralement qu’en 1811, date à laquelle l’abbé Émery, supérieur de Saint-Sulpice, les donna au public, en les insérant dans ses Pensées de Descartes sur la religion et la morale, Paris, 1811, sous le titre de : Système de Descartes pour expliquer la transsubstantiation dans l’eucliaristie, exposé dans deux lettres au P. Mestand, jésuite, qui n’ont pas encore été imprimées, p. 243. Bouillier les réimprima dans son Histoire du cartésianisme, toc. cit. Une édition nouvelle d’après le ms. de Chartres, dont le texte a été revu par Clerselier sur les originaux, a été donnée dans les Œuvres de Descartes, Paris, 1901, t. iv, p. 162-170, 345-348. Malgré l’espèce d’incognito littéraire qu’elles gardèrent longtemps et où Clerselier, l'éditeur des lettres de Descartes, les avait laissées par retenue, " de peur que… cela ne choquast trop les esprits de ceux qui, n'étant pas encore accoutumez à ses raisonnements, pourroient trouver ces nouveautés suspectes et dangereuses » (lettre de Clerselier à Desgabets, du 6 janvier 1672) dans le ms. 142 de la bibliothèque d'Épinal, on en connut toujours l’existence et le contenu substantiel.

C’est ainsi que le dominicain Agnani, dans sa Philosophia neo-palea, Rome, 1734, critique la philosophie eucharistique de Descartes en signalant les lettres à Mestant : …peculiaris philosophandi modu.' ! circa idem sacramentum. quem exhibet Cartesius in sua epistola data ad P. Messandum (sic) jesuitam, nondum facta pubtici juris, p. 148. On lira dans l’ouvrage de M. Paul Lemaire, p. 102-104, par quelle voie les copies manuscrites des lettres à Mestant se multiplièrent et les controverses auxquelles elles donnèrent bientôt lieu, p. 105 sq. Le célèbre Edmond Pourchot, plus connu sous le nom latinisé de Purchotus, professeur de philosophie de l’université de Paris, qu’il dirigea comme recteur et dans laquelle il fera prévaloir la philosophie nouvelle, dut en posséder un exemplaire. En tout cas, il adopta la substance des explications cartésiennes sur l’eucharistie dans sa Physique. Instilutiones phitosophicæ ad faciliorem veterum et recentiorum phitosophorum intetlegentiam comparatæ, part. I, P/iys., sect. v, c. i, 4e édit., Lyon, 1733. C’est par Pourchot que Bossuet semble

avoir eu communication des lettres de Descartes. Lettres à M. Pastel, 1701, dans Œuvres complètes, Paris, 1827, t. LU, p. 128-129. L'évêque jugea aussitôt, avec une netteté d’intuition remarquable, que l’explication qu’elles contenaient était inconciliable avec le dogme : « Vous pouvez dans l’occasion, écrit-il à Pastel, docteur en Sorbonne, un ami de Pourchot, bien assurer notre ami, qui m’en parla, qu’elles ne passeront jamais et qu’elles se trouveront directement opposées à la doctrine catholique. » Loc. cit., p. 129. Ses sympathies bien connues pour la philosophie cartésienne lui firent ajouter ce bon conseil à la censure : « Si ses disciples (de Descartes) les imprimaient, ils seraient une occasion de donner atteinte à la réputation de leur maître et il y a charité à les en empêcher. » Ibid. Bossuet avait raison. L’explication contenue dans les lettres au P. Mestant était manifestement contraire à la tradition. A ce titre, elle devait être spécialement antipathique au génie du grand évêque ; aussi encourut-elle, à plusieurs reprises, sa réprobation expresse. Dans l'édition des œuvres de Witasse, Venise, 1738, t. IV, p. 400, à propos des diverses manières d’expliquer la transsubstantiation, on lit : Sexta (opinio) aliorum qui existimarunt transsubstantiationis effeetum esse sotummodo relationem panis ad Christum, qua fleret ut panis corpus Cliristi diceretur, lieet tota ejus substantia remaneret. Ita censuit olim Joannes Parisiensis. …Ad eum accesserunt œtate nostra cartesiani complures, præserlim vcro D. Cali, cujus sententia damnata est ab episcopo Bajocensi. Ce D. Cali est en réalité Pierre Cailly, ou Cally, professeur d'éloquence et de philosophie à l’université de Cæn. Voir t. ii, col. 1368-1369. Son Durand commente ou l’accord de la philosophie avec la théologie touchant la transsubstantiation, in-12, Cologne (Cæn), 1700, avait été censuré par l'évêque de Bayeux, François de Nesniond, le 30 mars 1701. Dans une lettre très intéressante de Witasse à Bossuet, en date du 6 avril de la même année, où le professeur de théologie proteste auprès de l'évêque de son éloignement pour la nouvelle doctrine, il montre fort bien que Cally, en adhérant aux explications données par Descartes à Mestant sur le miracle de la transsubstantiation, se trompait notablement en croyant suivre de la sorte les traces de Durand. Bossuet, Œuvres complètes, édit. Lâchât, t. xxx, p. 559. Pour Durand, en effet, seule la forme substantielle du pain était détruite par la transsubstantiation ; la matière et l’aggrégat des accidents sensibles demeuraient existants. In IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. m. Descartes, au contraire — c’est ainsi que Witasse résume fort bien la substance de l’explication fournie au P. Mestant — « prétendait que rien ne se détruisait dans le pain, ni matière, ni forme : mais que le pain, sans aucun changement physique, réel et effectif, de corps inanimé qu’il était auparavant, devenait le corps de Jésus-Christ par la consécration et par l’union qu’il plaisait alors à Dieu de mettre entre l'âme de Jésus-Christ et ce qui s’appelait pain auparavant. » Loc. cit. On comprend que Witasse ait cru opportun de montrer ses cahiers au délégué de l'évêque afin de le convaincre qu’ils ne contenaient pas une doctrine dont l’abbé Émery, si sympathique pourtant à Descartes, dira comme à regret « que, prise à la lettre, sans modifications et sans additions, elle ne s’accorde pas avec le dogme orthodoxe, » entendez : la décision du concile de Trente sur la transsubstantiation. Nous connaissons du reste, dans les détails, les reproches que l'évêque de Condom adressait à la doctrine des lettres à Mestant. On savait qu’il existait de lui un écrit intitulé : Examen d’une nouvelle explication du mystère de l’eucharistie ; un assez large extrait en avait été publié dans le t. xxxviii des Œuvres complètes d’Arnauld,