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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


bénédiclins » , Dom Robert Desgabels, son sijsième, son influence et son école, d’après plusieurs manuscrits et des documents rares ou inédits, Paris, 1902, p. 100-102, reproduisent, avec de légères nuances et les restrictions prudentes habituelles à Descartes en matière de théologie, la substance de cette première réponse donnée à Arnauld. Cette réponse. Descartes l’avait d’abord soumise au jugement de Mersenne, après avoir lu les conciles touchant la matière de l’eucharistie. Descartes, Œuvres, édit. Cousin, t. viii, p. 504. Le minime supprima toute la pnrtie positive de la réponse proposée par Descaries, et ne laissa subsister que la partie évasive qui s'étend jusqu’aux mots : sed cum forte primi theologi…, dans l'édition latine des Méditations de 1658. Quand Elzevier offrit à l’auteur de publier en Hollande une édition des Méditations, celui-ci consulta à nouveau Mersenne sur le point de savoir s’il jugeait opportun de faire ajouter à cette édition la fin de la réponse à Arnauld, supprimée dans la l"^"-' édition parisienne. Op. cit., t. VIII, p. 542. Mersenne répondit à Descartes en lui signalant la proposition de Wyclif, condamnée à Constance, mais le philosophe jugea que cette condamnation ne le touchait pas. Op. cit., t. viii, p. 612. La solution des objections faites par Arnauld fut donc publiée intégralement dans l'édition des Méditations qui parut à Amsterdam en 1642. Le dernier alinéa des Réponses de Descaries aux objections de M. Arnauld contenait des assertions fort désobligeantes à l’endroit des théologiens péripatéticiens ; « j’ose espérer, concluait l’auteur, que le temps viendra auquel cette opinion qui admet des accidents réels sera rejetée par les théologiens comme peu sûre en la foi, répugnante à la raison et du tout incompréhensible, et que la mienne sera reçue en sa place comme certaine et indubitable. » Nous savons par une lettre d’Arnauld à Descartes, datée du mois de juin 1648, que le jeune docteur de Sorbonne dont l’auteur des Méditations déclarait « estimer plus le jugement que celui de la moitié des anciens, » Descartes, Œuvres, édit. Cousin, t. viii, p. 509, fut satisfait, sur un point au moins, par la réponse imprimée dans l'édition des Méditations de 1642. C’est aussi ce que Mersenne mandait à Gisbert Voet, professeur de théologie à l’université d’Utrecht, le plus acharné des détracteurs de la philosophie nouvelle en Hollande. Op. cit., t. ix, p. 84. Arnauld concédait à Descartes que la distinction des accidents d’avec la substance n'était pas indispensable à une explication rationnelle de l’eucharistie : « Vous avez très bien montré, lui écrivait-il le 15 juillet 1648, comment l’indistinction des accidents d’aveo la substance peut s’accorder avec le même mystère, » op. cit., t. x, p. 143, mais, en même temps, il pressait vivement son correspondant de lui fournir quelque moyen de concilier sa thèse de l'étendue essentielle au corps avec « la foi catholique qui nous oblige de croire que le corps de Jésus-Christ est présent au saint sacrement de l’autel, sans extension locale… » Ibid. Descartes déclara vouloir s’en tenir, touchant le problème proposé par Arnauld, à la sage réserve du concile de Trente, disant que « le corps de Jésus-Christ est en l’eucharistie… d’une façon d’exister qu'à peine pouvons-nous exprimer par des paroles ; » il ajoutait : « Je craindrais d'être accusé de témérité, si j’osais déterminer quelque chose làdessus et j’aimerais mieux en dire mes conjectures de vive voix que par écrit. » Ibid., p. 149. En vain, Arnauld, dans une nouvelle lettre du 25 juillet 1648, écrivit-il à Descartes : « Vous m’obligerez beaucoup de me communiquer quelque chose touchant la façon dont Jésus-Clirist est en l’eucharistie ; » la réponse de Descartes, tout en répétant la thèse de l'étendue essentielle, est absolument muette sur le chapitre

qui intéressait si vivement le théologien. Ibid., p. 157 sq.

Cependant, le moment était proche où, prié plus instamment de concilier positivement sa croyance à l’eucharistie et sa philosophie de la matière. Descartes allait faire plus que dire de vive voix « ses conjectures » sur ce problème ; ce qu’il n’avait pas fait pour Arnauld, le philosophe allait le faire pour le P. Denis Mestant, jeune professeur de philosophie au collège de la Flèche, qui avait su mériter son amitié, par une critique à la fois bienveillante et détaillée de ses « Essais de philosophie » . Descartes, Œuvres, édit. Cousin, t. vil, p. 383. Dans une réponse très encourageante que Descartes lui envoie le 24 janvier 1638, vantant les avantages de sa méthode pour la défense des vérités de la foi, il affirmait à Mestant : « Particulièrement, la transsubstantiation, que les calvinistes reprennent comme impossible à expliquer par la philosophie ordinaire, est très facile par la mienne. » Le professeur de la Flèche voulut sans doute en savoir davantage. Op. cit., t. IX, p. 172, 193. Il était, du reste, trop enthousiaste de la philosophie nouvelle pour se contenter de la fin de non-recevoir naïve que Descartes opposait à ses nouvelles demandes d’explications : « Pour l’extension de Jésus-Christ en ce saint sacrement, je ne l’ai point expliquée parce que je n’y ai pas été obligé… et même que le concile de Trente a dit qu’il y est ea exislendi ratione quam verbis exprimere vix possumus ; lesquels mots j’ai insérés à dessein à la fin de ma réponse aux quatrièmes objections, pour m’cxempter de l’expliquer. » Op. cit., t. ix, p. 172. Descartes, d’ailleurs, prenait soin de stimuler la curiosité de Mestant, en lui soutenant qu'à des hommes un peu plus rompus à sa façon de philosopher « on pourrait faire entendre un moyen d’expliquer ce mystère qui fermerait la bouche aux ennemis de notre religion et auquel ils ne pourraient contredire. » Ibid., p. 173. Ainsi, ses illusions et la foi tenace des systématiques aux ressources de leur système allaient engager le philosophe dans une voie dont il avait longtemps reconnu la témérité. Ce dut être au courant de l’année 1644 qu’il envoya à son jeune disciple de la Flèche les deux lettres célèbres, connues, dans l’histoire du cartésianisme, sous le nom de Lettres au P. Mestand. On trouvera un résumé des explications par lesquelles elles prétendaient réaliser la synthèse de la physique cartésienne et du dogme de la transsubstantiation à l’art. Descartes, t. iv, col. 556. Disons brièvement ici que cette deuxième explication de Descartes, en tant qu’elle se distingue de celle fournie à Arnauld que, dans sa pensée, elle était sans doute destinée à compléter, n’est qu’une pure équivoque sur le mot « corps » de Jésus-Christ. Descartes appelle ainsi toute matière unie à l'âme de Jésus-Christ comme à son principe informant. Dès lors, par une simple analogie établie entre le plusincompréhensibledeschangements, celui où rien ne demeure du terme à partir duquel il s’opère et le phénomène de la nutrition qui renouvelle peu à peu le corijs de l’animal, tout en lui laissant son identité organique et vivante. Descartes arrivait facilement à formuler une théorie rationnelle, trop rationnelle, hélas ! du changement eucharistique.il pouvait dire dans un sens bien différent de celui qu’il avait en vue : « Or, cette transsubstantiation se fait sans miracle. » Le philosophe eut-il conscience de ce que son explication avait de risqué et, tranchons le mot, d’inconciliable avec l’orthodoxie ? Il expriuu » , en tout cas, le désir qu’elle demeurât confidentielle : « Je me hasarderai, mandait-il à Mestant, de vous dire en confidence, etc. : » il exigeait même le bénéfice de l’anonymat en cas de publicité inopportune : « Si vous la communiquez à d’autres, ce sera sans m’en attribuer l’invention et même vous ne la communiquerez à