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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


l’enseignement de la théologie en Espagne et qui eut pour disciples des hommes tels que Melchior Caao et Dominique de Soto, reste fidèle sur ce point à la doctrine de saint Thomas. Summa sacram. Ecdesix, Salamanque, 1567 ; De eiicli., n. 72. Pour Soto, cette doctrine est de foi. Pour lui, la thèse opposée a été expressément condamnée comme hérétique à Constance. In IV Senl.. 1. IV, dist. X, q. ii, Douai, 1613, p. 250, 251. Il écrit : Præsentem conclus ionem, qiiippe cum catholica sit, nrfaria esset hærcsis negare, p. 250. Le cardinal Tolet, son disciple, le suit ici fidèlement : Adverle, écrit-il, primam conclusionem esse de fide. Habetur determinata in concilia constantiensi, sess. VI 11^, ubi definitur accidenlia manere in sacramento sine subjecto. In Sum. S. Thomæ, Paris, Rome, 1870, t. IV, p. 238, 193.

Pour les Salmanticenses, pour Sylvius et Gonet, l’existence, dans le sacrement, des accidents sans soutien substantiel et dernier, est un point de foi. Hsec conclusio est de fide, dit le cours de théologie de Salamanque. De euch., tr. XXIII, disp. VIII, dub. I, Venise, t. xi. Sylvius, comme Soto et Tolet, connaît la définition de Constance ; il sait que toutes les propositions ne furent pas condamnées comme hérétiques : Quamvis enim omnes illi arliculi non condemnenliir ut hærelici, videri lamen poiest, quod isle sic damnetur, lum quia répugnât Patribus et concilio florentino et Iridenlino asserentibus sola accidenlia panis et vini remanerc, tum quia non potest eis subjectum aliquod assignari, absque nom et exlraordinario miraculo, cujus nec ex forma consecralionis, nec aliunde fundamentum habetur. Comm. in III'^ part. Sum. theol, 6e édit., Anvers, 1695, p. 328. Gonet dit plus carrément : Conclusio tsl certa de fide et defînita in concilio constantiensi, sess. VIII » , contra Joannem Huss qui hoc dogma fidei negabal. Clypeus theol. thomisticæ, 1^ édit., Anvers, t. v, tr. IV, De sacr. euch., disp. VI.

L'école thomiste n’est pas seule à parler ainsi. Le scotiste Jean Poncius se montre parfaitement au courant de la théologie antérieure au xv° siècle, quand il écrit : Doctores et scriptores toi annis anle hœc ultima tempora ccnsuerunt esse de fide quod accidenlia illa sensibilia panis et vini maneanl sine subjecto in eucharislia. Lui-même se range de leur avis : Manere posl consecrat ionem spccies panis et vini est de fide definilum in decreto Eugenii concil. later., c. Firmiter, constant., sess. VHP, Irid., sess. XIIP. Theol. cursus inleger ad mentem Scoli, Lyon, 1671, disp. XLIV, q. IX, concl. 1. Mastrius de Meldula estime qu’il est de foi définie que tous les accidents réellement distincts de la substance du pain et du viii, qu’ils soient sensibles en eux-mêmes, ou seulement par leurs effets, demeurent sans sujet substantiel au sacrement. Cette opinion le rapproche de Vasquez. Il hésite seulement sur le point de savoir si les qualités occultes, qui ne se trahissent pas par des effets sensibles, sont touchées par les mêmes définitions conciliaires. Disp. theol., In IV Sent., Venise, 1731, disp. III » , q. xv. Le cardinal Jacques Davy du Perron, dans son Traité de l’eucharistie divisé en trois livres, Paris. 1622, venge à plusieurs reprises la thèse catholique des railleiies du calviniste Duplessis-Mornay, p. 943 sq. et passim. Outre Suarez et Vasquez, presque tous les théologiens notables de la Compagnie de Jésus adhèrent à la thèse traditionnelle. Il n’y a divergence entre eux que sur la nature des accidents qui demeurent au sacrement, en raison des définitions conciliaires. Cerlum de fide est, dit Lugo, manere aliqua accidenlia, et il cite le décret Firmiter du concile de Latran, les conciles de Florence et de Constance ; Cerlum item est manere sine subjecto, et il cite à l’appui de cette assertion la condamnation prononcée à Constance contre la proposition 2° de

Wyclif. D’après Lugo, il est de foi que tous les accidents réels, perceptibles aux sens, demeurent ; c’est là un minimum exigé par les décisions doctrinales alléguées. De sacr. euch., Lyon, 1644, disp.X, sect. i, p. 363. Son collègue d’Ingolstadt, Adam Tanner, défend identiquement la même position. Theol. scolaslica, disp. V, q. VI, dub. I, Ingolstadt, 1627, t. vi. Gilles de Coninck, comme son compatriote Becanus, est d’avis que, entendue des accidents réels et du sujet substantiel et ultime, la thèse communément défendue est de foi. Ses autorités sont le concile de Constance et la session XIII" de celui de Trente. De sacramentis ac censuris, q. lxxvii, a. 1. Lessius et Silvestre Mauro n’assignent pas de note théologique à la thèse commune, tout en y adhérant pleinement. Lessius, De perfectionibus divinis, 1. XII, c. xvi, édit. Plantin, 1626. Chez le dernier, la polémique avec l’atomisme cartésien est déjà pleinement engagée. Opus theol. in 1res lomos distributum, Rome, 1687, 1. XII, q. cxlvii. On voit que Poncius ne fait que traduire une situation de fait, lorsqu’il caractérise la théorie des espèces sacramentelles, purement subjectives ou « intentionnelles » comme directement opposée au sentiment commun : Temeraria, contra lorrenlem Iheologorum et communem sensum christianorum eliam hsereticorunj. Loc. cil. Ce torrent est autre chose ici qu’une hyperbole familière aux professeurs de théologie. Il est aisé, désormais, de prévoir l’accueil qui sera fait aux innovations cartésiennes.

Les systèmes eucharistiques cartésiens.

Descartes s’est déclaré touchant l’eucharistie en plusieurs

endroits de ses ouvrages : une première fois dans les Réponses aux quatrièmes objections. Avant de donner au public ses Méditations, le philosophe en avait envoyé une copie manuscrite à son ami le P. Mersenne. Le célèbre minime avait mission de consulter sur l’ouvrage du maître les philosophes et les théologiens de son entourage. Interrogés, ceux de Sorbonne se récusèrent en masse ; seul un jeune docteur, âgé alors de vingt-huit ans, Antoine Arnauld, consentit à communiquer à Mersenne quelques « remarques » destinées à l’auteur ; ce sont les « Quatrièmes objections » . On les trouve imprimées, avec les réponses de Descartes, à la suite des « Méditations » elles-mêmes. Meditationes de prima philosophia, Amsterdam, 1658, p. 259 sq. Nous n’exposerons pas ici la réponse donnée par Descartes aux objections qu’Arnauld lui présageait comme devant venir infailliblement du côté des théologiens : De lis quse Iheologos morari possunl, et dont les plus graves concernaient l’eucharistie. Nous renvoyons une fois pour toutes, en cette question, à l’article substantiel, consacré à Descartes par Mgr ChoUet, art. Descartes, t. iii, col. 555 sq. En somme, la réponse de Descartes reposait sur une conception entièrement atomistique de la nature du corps ; elle devait fatalement conduire à la théorie des espèces intentionnelles. D’après cette conception, l’effet de la transsubstantiation est de poser le corps et le sang de Jésus-Christ sous les dimensions sensibles qui appartiennent naturellement au pain et au vin ; ce corps et ce sang affectent donc nos sens absolument comme le feraient ces substances, si elles demeuraient au sacrement. Les « espèces » du pain, par exemple, dont parle le concile de Trente, ne sont autre chose que la surface sensible du pain, sorte de moyen terme entre le pain lui-même et l’air ambiant : El nemo est, écrit Descartes, qui pulel hic per speciem aliud intelligi quam prsecise id quod requiritur ad sensus afficiendos. Meditationes, Amsterdam, 1658, p. 162. Deux lettres de Descartes, inconnues jusqu’ici, découvertes par M. Paul Lemaire dans la bibliothèque de Chartres et éditées par lui dans sa thèse si intéressante sur le « cartésianisme chez les