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FIN DEPxNIÈRE


]'objet essentiel de notre béatitude considérée en sa substance, il faut à nos diverses facultés inférieures ou exercices inférieurs de facultés tous les objets, tous les biens créés requis pour que toute potentialité soit en nous comblée, satisfaite, intégralement perfectionnée : biens du corps et biens de l'âme. Voir Béatitude, t. II, col. 511-512.

La prise de possession de tous ces biens se fait en conformité avec la nature de chaque faculté. Le souverain bien spécialement est directement saisi par l’intelligence et par la volonté aimante et jouissante. Quel est l’acte qui constitue formellement la perfection ultime, la béatitude de l’homme ? C’est la vision de Dieu ; car c’est par elle que Dieu est formellement possédé ; l’amour ne possède pas, mais abstrait de la possession ; la jouissance suppose la possession réalisée. Voir Béatitude, col. 514.

b. Tout cela peut être réalisé dans un ordre naturel ou dans un ordre surnaturel. Que serait la béatitude dans un ordre naturel ? Voir Appétit, t. i, col. 16971699.

En fait, notre fin dernière, notre perfection ultime est surnaturelle ; cette thèse fondamentale de plusieurs traités théologiques pourrait être démontrée ici. Elle le sera mieux à l’art. Grâce, puisque c’est la substance même de la grâce d'être l'élévation à un ordre de fin surnaturelle. La nature de cette fin surnaturelle enfin sera dans sa substance étudiée à l’art. Intuitive (Vision) ; dans son intégration secondaire, elle l’a été aux art. Ciel, Corps glorieux.

Tous les hommes sont, en droit, dans l’ordre intentionnel, d’après la volonté antécédente de Dieu, destinés à cette fin dernière surnaturelle. L’existence de cette volonté salviflque universelle, c’est-à-dire d’universel salut surnaturel, non seulement pour l’iiomme primitif, mais encore pour l’homme déchu et racheté, est une certitude théologique. Voir Prédestination, Réprobation.

Ordre d’exécution.

Pourquoi faut-il distinguer

en Dieu, pour certains êtres, une volonté conditionnelle antécédente et une volonté aljsolue conséquente, diverses l’une de l’autre ? Pourquoi, en fait, dans l’exécution du plan providentiel, certaines créatures n’atteignent-elles pas la fin dernière, relative du moins, à laquelle elles étaient destinées ? Uniquement parce que, mises dans un premier état de voie et d'épreuve pour leur liberté, librement elles n’ont pas voulu choisir, aimer Dieu, objet obligatoire de leur fin dernière relative et façon obligatoire d’aller à leur fin dernière absolue. Alors la volonté, qui les dirigeait comme créatures à cette fin dernière de perfection, de béatitude et de gloire de Dieu, ne peut plus que les ramener, comme pécheresses librement détournées de cette fin et d’une façon irrémédiable, à l’ordre du bien absolu par la justice.

La notion et la doctrine de l'état de voie est donc capitale pour bien se rendre compte de la manière dont on tend concrètement à la fin dernière. Voir Liberté, Mérite, Péché. Quant à l'état de terme qui est précisément la fixation dans la fin dernière relative librement choisie, et conséquemment la fixation dans une des diverses relations à la fin dernière absolue, il peut être considéré dans chaque individu, dans l’ensemble de l’humanité, dans le cosmos tout entier.

1. Eschatologie individuelle.

a) Constitution de

l'élut de terme. — a. La fixité définitive des créatures intellectuelles n’existe pas d’abord pour les hommes, ici-bas, voir Endurcissement, col. 16-24 ; mais la mort est le moment où elle se produit pour eux. Voir Mort, iMétempsycose. Pour les anges, cette fixité fut déterminée par leur premier acte libre. Voir Anges, t. i, col. 1235-1237. Formellement, pour toute créature, pour toute Jntelligence, l'état d’immutabilité

DICT. DE THÉOL. C4TH0L.

définitive est constitué par cette psychologie intuitive qui atteint tout concrètement et dès lors ne peut avoir comme summum bonum et premier principe de volition que le bien concret aimé comme fin dernière. La question est cependant controversée entre théologiens. Voir Enfer, col. 96-97 ; Liberté, Obstination.

b. Du côté de Dieu l'état de terme est déterminé par un jugement individuel portant sur l’histoire de l'état de voie. Voir Jugement particulier.

b) États concrets divers in termino. — a. L'état de terme est en soi absolument définitif et immuable et dans son ensemble il l’est toujours sans exception. Cependant, accidentellement, fini l'état de voie, il peut n’arriver à sa dernière constitution qu'à la suite de quelques transformations.

Un homme meurt dans l’amour de Dieu, donc en possession éternelle de sa fin dernière de perfection et de béatitude divine ; cependant il n’est pas totalement purifié ; il ira se purifier en purgatoire. Voir Purgatoire.

Un homme meurt dans l’amour de Dieu ; il arrive à être totalement purifié ; mais le ciel n’est pas encore ouvert, pour de très sages raisons. Dieu ne voulant réaliser la rédemption humaine que dans le cours du temps et n’admettant à la béatitude qu’après cette rédemption accomplie, ce juste reste en ce qu’on a appelé les limbes des justes de l’Ancien Testament. Voir Abraham (Sein d'), t. i, col. 111-115 ; Dam, t. iv, col. 21-22 ; Limbes.

b. L’n autre cas, accidentel encore, mais très spécial, est plus difiicile à exphquer. C’est le cas des enfants morts sans baptême. Comme tous les hommes, ils furent ordonnés à la fin dernière surnaturelle ; leur voie fut uniquement constituée par l'élévation et puis la chute d’Adam, leur premier père, leur chef naturel et surnaturel. Cette voie aboutit à la perte de la fin dernière surnaturelle, mais uniquement en tant que surnaturelle, car Dieu donne à tous la nature immédiatement et sans condition. D’autre part, rien n’a pu leur redonner leur fin surnaturelle, ni choix libre, ni sacrement, et rien n’a pu les détourner de Dieu comme fin naturelle. Quel sera leur état ? Matériellement, la fin naturelle ; formellement, la damnation surnaturelle. Voir t. II, col. 364-378 ; Limbes.

c. Enfin restent les deux états concrets normalement et essentiellement possibles de la fin dernière librement choisie : le ciel et l’enfer. En fait, Dieu les a voulus ou permis tous deux. Pour l’enfer, voir Dam, Enfer, Feu de l’enfer. Pour le ciel, voir Ciel, Corps glorieux, Intuitive (Vision), Résurrection.

2. Eschatologie collective.

Nous avons placé la résurrection dans l’eschatologie individuelle. Elle est, en effet, essentiellement constitutive de la béatitude ou perfection individuelle intégrale. Cependant la façon dont elle se fera, simultanée pour tous à la fin des temps, a permis à beaucoup de critiques et d’historiens d’en faire le premier élément de l’eschatologie collective.

En tout cas, outre la conclusion particulière donnée à chaque voie individuelle, il faut et il y aura une conclusion publique à l’histoire de l’humanité : ce sera le jugement général dont la doctrine est d’une importance pratique capitale pour l'Évangile. En ses différents éléments, ce sera avant tout la proclamation publique, par tous approuvée de gré ou de force, de l’unique fin dernière : Dieu à posséder et à aimer comme l’unique bien. Et cette vérité éclatera alors : à tous ceux qui aimeront Dieu, le bien de la perfection complète, de la béatitude dans l’ordre divin absolu ; à tous ceux qui n’aimeront pas Dieu, nul bien, nulle béatitude, le désordre complet et définitif, malgré les

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