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FIN DERNIÈRE


sences physiques et morales, de Dieu boulé intinic et fin dernière nécessaire de toute tendance créée ? Il y a là peut-être plusieurs questions de mots. En distinguant avec soin la question de la route à suivre et la ciuestion de la raison obligatoire de suivre telle route, c’est-à-dire du terme nécessaire de cette route, il semble qu’on pourrait donner cette solution, qui met chaque chose à sa place : l’essence divine, ce qu’on appelle abstraitement la nature des choses, est la source dernière de toutes les essences physiques et morales ; l’intelligence divine précise formellement ces essences, les essences morales, dans te qui est le premier clément de la loi éternelle, ordinalio ralionis ; la volonté divine réalise ces essences, suivant leur nature, en les créant ou en les imposant par une promulgation décisive, promulgala. Mais dans ces essences morales, venues de l'être fondamentalement, de l’intelligence exemplairement, de la volonté créatrice et législatrice de Dieu formellement, se trouve toujours pour l’homme ce rapport fondamental à Dieu bien infini, fin dernière de tout, cie toute action libre de l’homme ; en sorte que dans cet agir libre ou moral, l’homme essentiellement et précisément, de par la nature des choses, réalisée en obligation absolue seulement par la volonté divine, n’est qu’un être fait pour connaître, aimer, ainsi posséder et glorifier Dieu dans le service d’ici-bas et dans la vie éternelle finalement. Voir Billot, loc. cil. ; M. -S. Gillet, Les jugements de valeur et la conceplion Ihéologiquc de la morale, dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques, juillet 1912, p. 433-465 ; S. Tliomas, Cont. gentes, l. III, c. cxv.

d. Toute cette question est enfin diversement traitée, suivant qu’elle est posée à un point de vue analytique ou à un point de vue synthétique. Analytiquement, plusieurs essaient de remonter et de l’obligation et de la moralité, prises comme faits d’expérience, à Dieu, fin dernière postulée par cette expérience. Voir L. Ollé-Laprune, Le prix de la vie, 12<^ édit., Paris, 1904, c. x-xvi, p. 103-205 ; A.-D. Sertillanges, Les sources de la croyance en Dieu, Paris, 1908, c. vii, p. 239-293 ;

A. Farges, L’idée de Dieu, 4'^ édit., Paris, 1900, p. 216221, etc. ; cf. Dieu, t. iv, col. 917-918, où l’on cite parmi les tliéologiens Hontheim et Schifiîni ; y ajouter

B. Boedder, Theologiu natuialis, 3°^ édit., Fribourgen-Brisgau, 1911 ; R. Garrigou-Lagrange, art. Dieu, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1910, t. I, col. 1061-1063. Mais la difilculté est ici précisément dans la question préalable d'établir les faits invoqués : moralité, obligation, en voie purement analytique, c’est-à-dire sans supposer aucunement Dieu. Les prendre connne opinion reçue, c’est transformer cet argument en argument ad honiinem, plutôt dangereux s’il n’a pas de valeur absolue. Voir Ami du clergé, 1905, p. 249-252. Pour beaucoup, en effet, et c’est notre avis, la voie analytique indiquée est impossible : pas de fait moral, d’obligation vraie sans Dieu présupposé. Voir Billot, De Deo uno et trino, thes. iv, n. 0 ; Ami du clergé, 1904, p. 598 sq. ; J. Halleux, A propos d’un livre sur l’existence de Dieu, dans la Revue néo-scolastique, 1907, p. 28-36 ; X. Balthasar, Le problème de Dieu d’après la philosophie nouvelle, ibid., 1908, p. 96-99. Essayer de ramener ces arguments à la métaphysique finahste de la puissance ordonnée à l’acte, voir Garrigou-Lagrange, loc. cit., nous semble insuffisant pour passer de l’ordre physique à l’ordre de l’obligation morale ; c’est de plus une pétition de principe : la liberté est-elle une puissance faite pour le devoir et telle fin dernière, c’est la question. Enfin ramener le tout à la métaphysique de la contingence et de l’imparfait causé par le parfait est légitime ; mais il ne s’agit plus alors d’obligation morale comme telle, car celle-ci n’a pas encore été démontrée ; il s’agit simplement d'êlre humain ayant telles impressions

accusant en lui de l’imperfection. Évidemment toutes ces discussions prennent une allure spéciale lorsque les faits en question sont intégrés dans un système ou même dans une méthode d’immanence. Voir Immanence.

e. Le point de vue synthétique semble donc le seul légitime dans cette question. C’est celui de la théologie morale fondamentale. Que ce traité. De fine ultimo, soit fondamental pour toute la morale, tous l’accordent. Cependant la plupart des théologiens morahstes supposent ce fondement établi ailleurs en éthique naturelle ou en théologie dogmatique dans les traités De Deo élevante. De novissimis, etc. Voir Konings, jErtnys, d’Annibale, Bucceroni, Marc, Génicot, Haine, Gury, Bonal, Lehmlvuhl. Avec le VI<= congrès de l’Alliance des grands séminaires, Paris, 1911, rapport sur la théologie morale par M. Parpaillon, Compte rendu, p. 135-137, et vœux du congrès, p. 152, nous croyons cette méthode imparfaite. L'éthique traite, en effet, de la fin dernière à un point de vue purement philosophique et la théologie dogmatique la considère en soi, alors qu’il s’agit de l'étudier théologiquement dans ses rapports avec l’action morale des hommes. On ferait donc mieux, semble-t-il, de suivre ici saint Thomas, Sum. theoL, P IP, q. i-v, avec ses anciens commentateurs Cajetan, Billuart, etc. ; Bouquillon, Theologia morulis fundamentalis, 2<= édit., Bruges, 1890, p. 141-165 ; Ad. Tanquerey, Synopsis theologia' moralis, 3e édit., Paris, 1908, t. ii ; J. Didiot, Cours de théologie. Morale surnaturelle fondamentale, Paris, 1896, c. I, p. 23-89 ; E. Janvier, Exposition de la morale catholique, Paris, 1903, t. i, V^ et ii" conférences.

b) Intention ou amour de la fin dernière absolue. — La première obligation fondamentale, source et essence de toutes les autres, pour la créature intellectuelle, est d’aller à Dieu, sa fin dernière, pour le connaître, l’aimer, le posséder, le glorifier, suivant le degré déterminé par lui-même, c’est-à-dire suivant les capacités d’agir mises par lui dans cette créature. Aller à Dieu, c’est déjà l’aimer ; on va à lui pour l’aimer éternellement ; on peut aimer de diverses manières ; connnent faut-il aimer la fin dernière ?

a. Nous pouvons aimer Dieu notre fin dernière comme notre bien à nous, comme un bien en soi aimable, enfin comme le bien en soi aimable et aimable par-dessus tout, par-dessus nous-mêmes. Voir ChaniTÉ, t. II. col. '2217-2225 ; Espérance, col. 620-626. Supposant légitime l’amour d’espérance, voir plus loin, est-il suffisant pour remplir l’obligation de tendre à notre fin dernière ?

Il est d’abord insuffisant pour l’ordre absolu et complet. Dieu est, en effet, aimable en lui-même pour lui-même et plus que tout au monde. L’ordre ne sera donc parfait, absolu, dans l’ordre de nos amours comme dans l’ordre ontologique, que lorsque Dieu sera à la première place, qui est sa place. Y a-t-il donc obligation d’aimer notre fin dernière de cet amour désintéressé qui est la cliarité parfaite ? Et ne suffit-il pas de la poursuivre par amour pour nous-mêmes ? Dans l'état de terme où tout sera parfait, définitivement ordonné, cela ne suffira pas. Mais dans i'état de voie, de vie terrestre, qu’en est-il ?

Il faut envisager deux hypothèses : nij^jothèse de Dieu créant lui-même dans l'âme l’ordre parfait, définitivement nécessaire pour être établi dans la fin dernière, et l’hypothèse de la créature devant réaliser ce même ordre par elle-même, ex opère operantis. Dans la première hypothèse, l’ordre ne sera réalisé que habilu ou dans des dispositions habituelles, non pas actu, ou dans l’action libre elle-même. Mais ceci ne semble possible que dans un état surnaturel où l’ordre parfait consiste essentiellement dans des habitas de grâce et de vertus mfuses, Dieu pouvant alors