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FILS DE DIEU


de ramener la croyance du même Fils de Dieu à la conception qu’elles pouvaient comprendre, parce que leur orgueil ne voulait pas se captiver sous la foi ; mais l'Église a gardé le dépôt de la révélation et nous croyons « au Fils monogène de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non fait, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait. »

II. NATURE nu FILS DE iiiEU.

Nos études historiques ont été en partie incomplètes ; car laissant à l’art. Verbe des explications ultérieures, nous n’avons pas traité à fond tout ce côté de la question du Fils de Dieu. Et pourtant c’est une des bases de sa théologie.

Le Verbe.

Nous supposons donc établi que le

Fils de Dieu : 1. dans un sens propre et strict, doit être appelé Verbe, Logos, et non pas seulement dans un sens plus ou moins métaphorique ; sans tomber dans l’excès opposé du synode de Pistoie poUr qui la seconde personne devait s’appeler proprement Verbe et non pas Fils, Enchiridion, n. 1597 ; '2. que « Verbe » signifie, non pas parole extérieure (Logos proféré), car il ne peut y avoir en Dieu de parole extérieure que dans un sens métaphorique (il n’est pas possible de concevoir une procession[d ! yi/ic ad extra ; hors de Dieu, il n’y a que des créatures), mais parole intérieure ou pensée exprimée, d’après la notion vulgaire ou philosophique, commune et traditionnelle, au moins dans toute l'Église latine depuis Tertullien ; 3. que le Fils de Dieu est proprement et précisément en Dieu comme un Verbe, comme la Pensée exprimée et procédant du Père, ralione (non producliva sed cxigiliva) operari intclkcliialis divini, et non pas ralione naturie dioinee ut sic ; 4. qu’il est Fils et Fils unique (le Saint-Esprit n’est pas Fils, ni engendré) précisément parce qu’il est ainsi Verbe exprimé, eo est Filius qiio Verbum et eo Vcrbiim quo Filius, S. Augustin, De Trinitate, 1. VII, c. ii, P. L., t. XLii, col. 936 ; en d’autres termes, que la véritable génération qu’il faut admettre en Dieu ad inIra, puisqu’il y a en lui un vrai Fils et un vrai Père, est une génération formellement intellectuelle ou que la conception et expression d’un Verbe divin est une génération et l’est de sa nature, à la différence de la procession du Saint-Esprit qui, de sa nature (procession ralione operari voluntarii), n’est pas une génération.

Ces propositions s’imposent ; la théologie. Dans quel degré? on l’expliquera et démontrera aux art. Verbe et Processions. On peut consulter Suarez, De Trinitate, 1. I, c. v, vi, qui alTirme c. v, n. 4, producliones (mieu.x processiones) divinas non esse immédiate per essentiam ut ab intelleclu et voluntate distinctam secundum rationem, sed esse per actus intelleclus et voluntatis. Assertio est in theologia certa et opinio Durandi (lequel disait que les processions divines sont per naturam formellement. In IV Sent., 1. I, dist. VI, q. II ; dist. X, q. ii) Icmeraria et errori proxima ; la base traditionnelle qui manque en partie chez Suarez est plus élargie chez Petau, De Trinitate, 1. VI, c. i-iii ; 1. VII, c. XIV, qui est résumé par Franzelin, De Deo uno et trino, th. xxvi. Ces trois théologiens n’ont pas l’habitude d’exagérer les notes théologiques ; ils s’accordent pourtant, comme tous les théologiens depuis saint Thomas, excepté Durand, toc. cit., à donner cette doctrine comme certaine déduite légitimement de l'Écriture (le Verbe, la Sagesse, etc.). VoirScheeben, La dogmatique, t. ii, n. 935 sq., p. 681 sq. ; Ch. Pesch, De Deo uno et trino, n. 518 sq. ; A. Tanquerey, De Deo trino, n. l'25, etc., et spécialement Ch. Pesch, Theotogische Zeitjragen, IP" série : deux conceptions différentes de la théologie trinitaire, § 4, et Ed. Hugon, Le mystère de la sainte Trinité, Paris, 1912, c. La théologie latine et ta théologie grecque des processions di vines, voir Revue thomiste, août 1912, p. 474-498. Il faut concéder, en effet, que cette explication théologique s’est développée à peu près exclusivement dans l'Église latine. Mais ce n’est pas une difliculté pour qui sait ce qu’est le développement dogmatique et l’erreur fondamentale du P. de Régnon, à travers toutes ses Études de théologie positive, dirigées surtout à opposer la conception grecque à la conception latine (voir spécialement, t. iii, p. 394-419), est précisément de supposer que toute théologie, non commune aux grecs et aux latins, est une théologie qui ne s’impose pas. Jusqu'à la fin du ive siècle, d’ailleurs, l'Église eut à maintenir le dogme, surtout en Orient ; et elle le fit en s’attachant naturellement et autant que possible littéralement aux textes de la révélation ; or celle-ci décrit, sinon toujours, du moins ordinairement, les personnes divines plus par rapport à nous qu’en soi, c’est-à-dire plus par les appropriations que par les propriétés. Lorsqu’au ve siècle vint le moment de faire la théologie du dogme, l’Orient fut occupé à autre chose, puis peu à peu s’endormit. Le développement théologique du dogme trinitaire ne pouvait donc plus se produire qu’en Occident ; le premier maître en fut saint Augustin ; or cette théologie qui sort des entrailles mêmes du dogme, universellement admise et développée, sauf quelques fluctuations dans la transitoire école mystique de Richard de SaintVictor, Alexandre de Halès, saint Bonaventure, ne peut plus être considérée comme une voie libre, entre beaucoup d’autres libres aussi. Le Fils de Dieu est donc Verbe, Pensée exprimée, et pour cela même engendré, et Fils.

Le Fils.

1. Nous avons noté, tout le long de

l’histoire de ce dogme de la filiation divine et chez saint Augustin lui-même, des aveux d’impuissance à comprendre pourquoi la procession de la seconde personne est une génération et non pas celle de la troisième personne. Saint Anselme ne le concevait pas encore bien, ni non plus Albert le Grand. Saint Thomas l’a expliqué. Sum. iheol., 1°, q. xxvii, a. 1, 2, 4 ; Cont. génies, 1. IV, c. x, xi. Voir les préambules philosophiques et les commentaires du cardinal Billot, op. cit. En Dieu, il y a des processions ou des origines ou des distincts dont l’un est a quo alius, et le second, çui ai » a//o ; c’est l’enseignement de la foi. Voir, par exemple, le symbole Quicumque. Mais il ne peut être question de processions ad extra ; hors de Dieu, il n’y a que des créatures, et le Fils est Dieu. Il s’agit donc de processions, d’origines ad intra. Deux choses peuvent procéder ad intra : l’opération et le terme de l’opération ; en Dieu, il n’y a pas de procession d’opération, l’action divine étant son Être même. Il ne peut donc y avoir en Dieu que des processions per modum terniini operalionis, c’est-à-dire des processions d’un parfait distinct venant d’un autre parfait distinct ralione operalionis. Ainsi le Fils n’est pas la pensée divine, si on entend par pensée l’opération de penser, la raison, l’intelligence en acte ; il ne l’est que par appropriation ; le Fils est la pensée divine, c’est-àdire le terme, l’objet pensé, Deus intelleclus, avec relation d’origine, d’expression, de pensée exprimée (le Verbe) par rapport au Père, Deus intelligens dicens Verbum. Ce terme, procédant ralione opercUionis, procède-t-il ralione producliva (comme beaucoup le conçoivent, Suarez, etc.) ou ralione exigiliva (comme il semble certain, cf. Billot, toc. cit.)'l Ce n’est pas le lieu de le discuter. En tout cas, nous voyons déjà qu’il faut concevoir, et pourquoi il faut le faire, le Fils comme le terme parfait, immanent à Dieu, de sa pensée vivante infinie, terme distinct (dans l’ordre relatif) et procédant réellement du Père, distinct comme Verbum diclum, c’est-à-dire « origine » du Père dicens Verbum.