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FILS DE DIEU


plus fréquent dans la révélation. Voir son étude sciipturaire sur ce titre, III, vi-xii. Cependant il parle très souvent aussi du Yerhe, évidemment pour l’identifier avec le Fils de Dieu (et avec Jésus-Clirist), et cela contre les distinctions gnostiques : II, ii (le Verbe par lequel Dieu a tout créé. Gen., i, 1 ; Joa., i, 1, 3) ; XIX, 9 (le monogène, c’est le Verbe de Dieu) ; xxv, 3 ; XXVIII, 5, 6, où est esquissée une théorie psychologique du Logos : « Dieu est tout entier esprit (mens, voOç) et tout entier logos ; tout ce qu’il pense, il le parle ; tout ce qu’il parle, il le pense. Sa pensée, c’est son Logos et son Logos, c’est son esprit et l’esprit, qui contient tout, c’est le Père. » Qui veut donc distinguer une émission hors de cet esprit (ad extra à la façon gnostique, comme si aliiid quiddam sit Deiis, aliud autem principalis mens exislens, met en Dieu une composition réelle) ; III, xvi-xix, longs paragraphes démontrant et répétant que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, le Verbe éternel, le monogène. Dieu, Seigneur incarné, etc. ; IV, XX, 1-4, 7-11, etc.

d) Le Verbe est engendré de Dieu le Père et éternellement engendré : c’est ici surtout que l'évêque de Lyon voudrait ramener la théologie à la saine doctrine ; le Verbe est éternel, II, xxv, 3 ; III, xviii, 1 ; XIX, 2 ; IV, XX, 1, 3, etc. ; il est engendré, engendré comme Verbe éternel, et par une génération incompréhensible pour nous : l'évêque de Lyon, en face de la témérité sans frein de la gnose, en affirmant le fait, insiste sur son incompréhensibilité et la modestie qu’elle nous impose, par exemple, II, xxv, 3 ; xxviii, 2-6 ; III, XIX, 2, etc. ; l’avant-dernier passage cité nous dit : Quomodo ergo Filais prolalus a Paire est ?… prolalioncm islam sive generalionem, sive nnncupalionem sive adapertioncm aul quolibet qiiis nomine vocaverit generalionem ejus inenarrabilem existenlem nemo novit : non Valenlinus, non Marcion… ; nisi solus qui generavil Pater et qui nalus est Filius. Ceux qui veulent raconter l’inénarrable sont donc des insensés. Et par conséquent (ceci semble bien dirigé contre les apologistes), c’est n’entendre ni les choses divines ni les choses humaines que d’assimiler la génération du Verbe éternel à l'émission de notre parole (le Aôyoç Trpo-ffjptxoi ; de Théophile), quasi ipsi obstelricaverint. Ailleurs, II, xiii, 8, saint Irénée déclare nettement que cette théorie du Verfri pro/a/(y/ nie l'éternité du Verbe et n’est que de l’anthropomorphisme.

e) Avec ces principes, saint Irénée devait évidemment avoir une plus claire idée de la eonsubstanlialité divine qui, confusément d’ailleurs, fait partie de la substance de la foi (le monothéisme). Le seil Dieu, le vrai Dieu, le seul qui est Dieu, c’est bien toujours le Père, saint Irénée le répète sans cesse, II, i-ii ; III, vi-xii ; xxv, finale ; IV, i-v ; V, xviii, 2 ; mais d’abord c’est pour combattre les gnostiques qui distinguaient le Père (principe premier) et le Dieu démiurge ; et puis c’est dans ce sens traditionnel que Dieu (on ne considère pas encore la nature en dehors des personnes), le Dieu (ô (-)zoç) par soi, absolument, sans relation de dépendance originelle, c’est le Père. De plus, cela n’empêche pas d’affirmer la vraie divinité du Fils, soit directement, voir plus haut, soit par les attributs divins. Irénée identifie clairement ici le Verbe avec la nature intelligente du Père, II, xxviii, 5, etc., non évidemment pour affirmer leur unité, mais bien leur consubstantialité ; il identifie aussi l’agir créateur et révélateur du Père et du Fils, II, xxviii, 2 (Dieu auteur des Écritures parce que dites par son Verbe et son Esprit) ; xxx, 9 (Dieu a tout fait par soi, c’est-à-dire par son Verbe) ; IV, præf. ; xx, 1 ; V, vi, 1 ; appelant de même le Fils et l’Esprit les mains créatrices du Père. Bien plus, ce docteur entrevoit manifestement, au delà des personnes divines, la nature commune, lorsqu’il répète que le Père est dans le Fils et le Fils

dans le Père, III, vi, 2 ; IV, vi, 6 ; cpie le Père immense devient mesuré dans le Fils, car le Fils est la mesure du Père, puisqu’il le contient, IV, iv, 2 : que le Père a tout en commun avec le Fils, in omnibus comunicans Filio, II, xxviii, 8. On voit par là ce qu’il faut penser d’autres expressions qu’on dit subordinaliennes. Harnark, op. cit., t. i, p. 539-540. Dans la dernière citation, par exemple, il s’agit du fameux texte, Marc, xiii, 32 : Nemo scit neque Filius : or, saint Irénée l’entend, dit-on, du Fils en tant que Fils, du Fils qui aussi a dit : Patermajor me est. N’est-ce pas de l’arianisme ? Mais lisons le contexte : Si quis exquirat causam propter quam, ;.v omnibus Pater /ommuxicans Filio, solus scire horam… manifestatus est ; neque aptabilem… nec sine periculo alteram qiiani hanc inventai in prsesenti… ut discamus per ipsum, super omnia esse Patrem : etenim, Pater, ait, major me est. N’est-ce pas la nature conçue, certainement, quoiqiie imparfaitement, identique et la distinction vue seulement dans les origines, laquelle donne au Père la dignité ou supériorité relative de principe ? On devra, ce nous semble, entendre dans le même sens les théories, de nouveau traditionnelles, du Verbe médiateur de création (la main du Père) et de révélation. Sur ce dernier point, nous retrouvons la théorie du Père invisible, manifesté par le Fils, II, xxx, 9 ; III, vi, 1 ; surtout IV, vi-vii ; xx, 4-7 ; mais nous sommes assurément loin de la théorie des apologistes qui est expressément rejetée, IV, vi, 2 (invisibilité du Fils comme du Père) ; xx, 5-6, 11 : I non quemadmodum quidam (Justin) dicunt, invisibili Paire omnium exislente, alteram esse eum qui a proplietis videretur, qui in tolum quid sit prophetia nesciunt ; s’agit donc plutôt du fait que Dieu n’est pas connu (dans sa vie intime de Père ou de Fils également), s’il ne se révèle pas lui-même (beaux développements sur ce sujet) ; il se révèle par la création, par des apparitions symboliques, par des révélations prophétiques, surtout par Jésus-Christ ; or, en tout cela, le Père est Dieu qui envoie pour être révélé ; le Fils est celui qui vient et est envoyé, le médiateur par qui le Père crée, parle, etc., vi, 3-Q ; manifestabatur Deus : per omnia enim hœc Deus Pater oslenditur, Spiritu quidem opérante, Filio vero minislrante, xx, 6. S’agit-il d’une vraie médiation ministérielle subordinatienne ici et ailleurs lorsqu’il s’agit de souveraineté reçue du Père, III, VI, 1 ; xvi, 6, 7 ; V, xviii, 3 ; d’obéissance au Père, comme Fils, IV, vi, 7 ; vii, 4 ; III, 'xvi, 7, etc.? Sous l’imperfection des formules traditionnelles qui ont un fondement orthodoxe, surtout lorsqu’il s’agit principalement du fait du Fils incarné, point de vue dominant de saint Irénée, il faut retenir la pensée fondamentalement consubstantialiste, souvent indiquée dans les contextes mêmes de ces formules, par exemple, agnitio Palris est Filii manifestatio, vi, 3 ; invisibile Filii, sa nature divine, Pater (dans la même nature divine) visibile autem Palris Filius (par création, révélation, etc., comme le contexte l’explique, 6).

Saint Irénée ne tua pas, mais blessa à mort le gnosticisme ; il ramena la spéculation théologique dans la bonne voie pour la méthode, les principes, l’esprit ; enfin, il attira un peu plus l’attention sur l’unité de nature transmise du Père au Fils par une génération éternelle ineffable.

J. Tixeiont, op. cit., p. 252-254 ; A.Dufourcq, Saint Irénée, Paris, 1904 (collection Les sam(.s) ; 1905 (collection La pensée chrétienne) ; J. Kunze, Die Gotlestehre des Ireneeus, Leipzig, 1891 ; J. Schwane. op. cit., p. 125-136 ; Freppel, Saint Irénée, Paris, 1861, p. 451-458.

2° La controverse modaliste et la tliéologie latine jusqu'à Nicce. — 1. Les aloges. — On ne sait au juste ce que furent ces dissidents, adversaires du montanisme et pour cela surtout, semble-t-il, rejetant les écrits de saint Jean ; contre qui parlèrent saint Irénée,