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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS ;


prononcée par le concile ; on leur demandait de déclarer que les quarante-cinq articles de Wyclif et les trente de Jean Huss non suni catholici, sed quidam ex lis sunt notarié hasrc’ici, quidam erronei, alii temerarii et seditiosi, alii piarum aurium offensivi. Magnum bullarium romanum, Luxembourg, 1727, t. i, p. 292.

On comprendra aisément que les théologiens présents au concile ne s'étaient point bornés à une censure collective des propositions de Wyclif. Von der Hardt a publié deux écrits qui sont leur œuvre, l’un assez sommaire, l’autre plus difïus où chaque proposition est soigneusement examinée et notée d’une note particulière. L’auteur ou les auteurs de la Brevis censura, Von der Hardt, Concil. constant., t. iii, p. 171, faisaient suivre la négation des accidents eucharistiques du jugement suivant : Hoc est falsum e' erroneum et sapiens hæresim universaliler intellectam. Argumentant contre la contradictoire : Accidenlia panis manent in subjecio in sacramento altaris, il montre, reprenant le raisonnement exclusif, familier aux théologiens, que ce sujet ne peut être ni le corps du Christ, ni le pain, ni tous deux, ni l’air ambiant et conclut par les mots : Patet etiam hæresis Hlius conclusionis ; quia qui aliter sentit de sacramentis Ecclesiæ quam romana Ecclesia hsereticus est. Pour prouver le sentiment de l'Église romaine en la matière, il citait les décrétales de Grégoire IX, Cum Marlhæ, et Ad abolendam. Décrétales de Grégoire IX, 1. V, tit. vii, c. ix. La Condemnatio diffusa, qui révèle à la lecture un génie sûr, solide et très pondéré, arrivait : une conclusion plus sévère : Illi primi très arliculi de quadraginta quinque sunt hseretici. Loc. cit., p. 219. Et cela est indubitable pour le premier et le troisième qui sont respectivement la négation de la transsubstantiation et de la présence réelle. Mais le second : Accidentia panis non manent sine subjecio in sacramento altaris, mérite t-il la même note ? Le censeur n’hésite pas. Il écrit : Secundus articulus est directe contra transsubstantiationem prsediclam. Dans sa pensée, la thèse catholique sur les accidents eucharistiques est la conséquence inévitaljle du dogme défini par le IV'^ concile de Latran. Cette définition présupposée, il raisonne comme il suit : Si non manef (panis) et tamen ibi remaneal iota species, per se sensibilis ipsius panis (le décret : Firmiter employait pareillement les mots : sub spcciebus panis et vint), quæ non potest esse in aliquoalio subjecio, quam in pane : sequitur quod lalis species panis stelit ibi sine subjecio. Loc. cil., p. 216. Il n’est pas probable que la plus briôve même de ces deux censures ait été lue avec les quarante-cinq ai-ticles, lors de la VIII «  séance générale du concile de Constance ; cela eût allongé outre mesure la lecture du décret de condamnation, Von der Hardt, Concil. constant., t. iva, p. 1.53 ; mais il nous paraît impossible de soutenir, comme l’ont fait les théologiens cartésiens, que ce 2^ article n’ait pas été condamné pour son contenu spécial et qu’il l’ait été seulement parce que, dans la pensée de son auteur, il impliquait la négation de la transsubstantiation. C’est là une interprétation qui ne tient pas devant les faits. Les propositions ont été examinées à part ; toutes et chacune ont été condamnées à Constance ; quelle que soit la note spéciale méritée par chacune d’elles — question sur laquelle les théologiens émettront sans doute, comme ceux du concile même, des avis divergents — chacune est condamnée dans son propre énoncé. A ceux qui nous disent que rien ne s’oppose à ce qu’un concile condamne plusieurs fois une même hérésie, cjuand la manière de l'énoncer diflére, nous répondons avec un théologien distingué : Hoc quidem conceditur si sermo sil de ca diversilateproposilionis quæ consistai in adjunclione novi error.is, priorem errorem confirmunlis, non vero si sermo sil de ea diversitate propositionis, quce nihil prorsus ad rem

pertineat. L. de San, S. J., Inslit. metaph. spec. Cosmologia, Louvain, 1881, t. i, p. 270, note. On ne peut que souscrire à l’avis émis par Eck, dans la célèbre dispute de Leipzig contre Lutlier : Sancli Patres… ex omnibus nationibus principalibus ad hoc deputali, arliculos illos discusscrunt et sacrosancta synodus eos damnavit, reprobavil, … ideoque a quolibet bono christiano pro condemncdis et reprobatis habendi sanl, et s’adressant directement à Luther, il ajoutait : Ncc imponal mihi reverendus Pater, quod vlim de illis arliculis judicare, qui lam judicati suni. D. Martin Luther, Werke, Weimar, 1884, t. II, p. 295. Luther se trompait également quand il voulait obliger Eck à qualifier en particulier chaque proposition, avant de la condamner, ce que le concile lui-même s'était abstenu de faire. Ibid., p. 288. L'Église a évidemment le droit de condamner en bloc un groupe de propositions en les rangeant sous un ensemble de censures, sans indiquer à quelle espèce appartient chaque erreur en particulier. Il est sûr alors que chaque proposition condamnée mérite au moins l’une des censures exprimées, fût-ce la plus bénigne. On ne peut donc soutenir avec Marc-Antoine de Donn’nis que les articles de Constance n’aient pas été condamnés légitimement, sous le prétexte qu’on ne trouve pas trace d’un examen spécial pour chacun d’eux : Respondeo… damnatos non esse légitime, quia eorum singulorum examen non apparel, sed in con/uso simul cum multis aliis sunt in sententia… sub censura notait. De republ. cljrisliana, Londres, 1627, t. i, 1. I, c. XII. Cet examen détaillé avait été fait par les théologiens du concile. Celui-ci, du reste, n’innovait rien. En 1317, Jean XXII avait condamné in globo les erreurs des fraticelles. Denzinger-Bannwart, £nc/i(>(rfion, n. 490. En 1347, l’université de Paris se servit de la même tonne pour condamner les erreurs de Jean de Mericour : Horum autem arliculorum, aliqui reputantur erronei, aliqui suspecti acmale sonantes in fide. Duplessis, Collectio judiciorum, t. i, p. 345. C’est ainsi aussi que la faculté de théologie de Prague avait déclaré les articles de Wyclif eu « hérétiques, ou « erronés » , ou « scandaleux » . Ibid., t. ii, p. 29, 55.

Concluons donc que la 2 proposition de Wyclif a été tlûment condamnée à Constance et qu’elle l’a été comme proposition distincte de celle qui niait la transsubstantiation. Tous les actes conciliaires in maieria fidei, élaborés à Constance, ont été confirmés parla bulle de Martin V : 7/î emineniis. Schelstræte, Tract, de sensu et aucl. conc. constant., Rome, 1686, diss. II, c. III, p. 130. La condamnation a été préparée par les théologiens des quatre nations présentes au concile, approuvée par leurs députés et par les cardinaux. Quelques théologiens postérieurs, il est vrai, perdant de vue le fait historique que les quarante-cinq articles de Wyclif ont été condamnés à Constance sub disjunclione variarum nolarum, ont voulu, du seul fait de la condamnation, déduire par un procédé dialectique le degré de certitude doctrinale de la contradictoire. Les théo ogiens cartésiens ont accusé leurs adversaires de soutenir que l’existence des accidents absolus avait été définie à Constance. P. Fortunatus a Brixia, Philos, sensuum meclianica, Brescia, 1751, t. i, p. 222-223 ; F. Jos. Ant. Ferrari, Philos, peripatetica, Venise, 1754, t. ii, p. 149 sq. Ce procédé devait les exposer à dépasser ou à ne pas atteindre la pensée du concile. Un fait est certain : la 2^ proposition de Wyclif est erronée ; personne ne pourrait l’enseigner ou la défendre ; il est certain qu’elle est hérétique dans la mesure où elle impliquerait la négation de la transsubstantiation. Il est certain aussi qu’elle mérite une censure, comme énoncé indépendant concernant directement les accidents eucharistiques. Nous espérons que cette étude, où nous nous sommes placé surtout au point de vue de l'évolution historique de la doctrine