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FILS DE DIEU


lui-même, pour y faire contempler la sagesse qu’il possède, qu’il engendre éternellement, sans faire voir nettement qu’elle constitue dès lors une seconde personne avec lui qui l’engendre. Des personnifications de la parole divine préparent de futures identifications. En effet, Jésus apparaît, Fils éternel. Sagesse et Verbe de Dieu ; il était réellement cela, car il l’a manifesté, avec la réserve que pouvaient porter les hommes, mais avec certitude ; ses « historiens » nous l’attestent, et la foi de ses disciples, de tous les c fidèles » de la nouvelle religion où Jésus est mis à la place de Jahvé, à côté du Père, en est un garant infaillible. Les apôtres durent rencontrer alors les courants déviés du judaïsme mêlé d’hellénisme ; les eaux semblèrent à quelques-uns aptes à se mélanger, mais le coup d’oeil infaillible des maîtres ne put être trompé et la foi au Fils de Dieu Verbe éternel resta une première fois pure de toute erreur humaine.

II. DÉVELOPPEMENT DE LA DOCTRINE RÉVÉLÉE EN DOGME DÉFINI PENDANT L'ÉPOQUE PATRISTIQUE.

Nous avons étudié la révélation du Fils de Dieu, progressive jusqu'à être indubitable, claire et distincte. A cette révélation correspond dès lors la foi que nous avons déjà constatée de fait dans la primitive Église. Cette foi portait sur un des points fondamentaux de la religion vécue par cette Église et elle énonçait la distinction réelle en Dieu du Père et de Jésus Seigneur, Fils de Dieu, Verbe divin. Dieu, et donc la divinité au sens strict de celui-ci, car, nous l’avons noté déjà plusieurs fois, l'Église était strictement et rigidement monothéiste. Consubstantialité ou unité de nature et distinction réelle de deux. Père et Fils : voilà la foi explicite, fondamentale de l'Église primitive.

On voit ce qu’il faut penser des « romans » , par exemple, du pseudo-Dupin, Le dogme de la Trinité dans les trois premiers siècles, Paris, 1907, ou de A. Réville, Histoire du dogme de la divinité de Jésus-Clu-ist, 2e édit., Paris, 1904, faisant naître la théorie de la divinité de Jésus dans le monde païen, qui abondait en dieux, fils de dieux et divinisations, qui connaissait en particulier un logos-dieu, bien que dieu inférieur (celui de Philon), capable d'être rapproché du Christ idéalisé paulinien, du Christ fortuitement associé au Père et à l’Esprit dans la liturgie baptismale, etc. Et cette construction, intitulée « histoire « , sous forme moins brutale, il est vrai, avec plus ou moins de nuance et d'érudition aussi, est la thèse de toute la critique rationaliste. En face d’elle nous allons continuer notre travail d’impartiale objectivité, poursuivant l'étude du Fils de Dieu chez les Pères de l'Église.

I. PACIFIQUE rossESSiox DE i.A foi. — l" Lss Pères apostoliques. — La foi de l'Église primitive fut transmise sans solution de continuité et sans transformation ; quand on connaît le tempérament « traditionaliste » de cet âge, la chose est très probable a priori ; elle est prouvée par les textes. En effet, quelques témoignages écrits, parvenus jusqu'à nous, consignent, au gré des circonstances, les croyances de cette première génération qui connut les apôtres ou leurs disciples immédiats. Quoique de nature partielle et fragmentaire, ils n’en sont pas moins pour nous significatifs.

1. Jésus continue d’abord à être très fréquemment appelé Seigneur, KOpio :  ; et ce terme, dont nous connaissons la valeur, confirmée par des textes nouveaux, est appliqué indifféremment à lui ou bien au Père, comme au même Jahvé des textes anciens parfois rappelés. Citons Didaché, vi, 2 ; viii, 2 ; ix, 5 ; x, .'5 ; xi, 2, 4, 8 ; XV, 4 ; xvi, 7, 8 ; Épîtrc de saint Barnabe, iv, 12, 13 ; v, 1-5 ; vi, 3-4, 12-19 ; vii, 2 ; xii, 10, 11 ; xiv, 4, 5 ; XVI, 8 ; S. Clément de Rome, I Cor., xii, 7 ; xiii, 1 ; XVI, 2, 7 ; XX, 11 ; xxi, 6 ; xxiv, 1 ; xxxii, 2, etc. ;

Homélie dite II Cor., ix, 5, etc. ; S. Ignace, Ad Eph., VII, 2 ; X, 3 ; Ad Magn., vii, 1 ; xiii, l ; Ad Phil., i, 1 ;

IV, 1, etc. ; Ad Pohjc., i, 1 ; v, 2, etc. ; S. Poljcarpe, Ad Phil., i, 1, 2 ; ii, 1, 3, etc.

Et puis, sans nous attarder à d’autres titres, on proclame directement, explicitement, la divinité de Jésus, en lui donnant le nom même de Dieu, non pas avec une valeur diminuée, mais certainement avec le plein sens du mot, sans l’ombre d’aucune restriction explicite ou implicite, par identification avec le Jahvé de l’Ancien Testament, par affirmation absolue, avec les attributs de la nature proprement divine, etc. Didaché, x, 6 ; Épître de Barnabe, xii, 6 ; / Cor., ii, 1, d’après Lightfoot et Harnack, » viatique, paroles, souffrances de Dieu » (du Christ, Hemmer) ; S. Ignace plus de 1.5 fois : Jésus-Christ est Dieu, Ad Smyrn., i, 1 ; x, 1 ; Ad Trait., vii, 1 ; Dieu fait chair, Ad Eph., vii, 2 ; notre Dieu, ibid., suscription ; xviii, 2 ; Ad Rom., suscription ; iii, 3 ; Ad Polijc., viii, 3 ; son sang est sang de Dieu, Ad Eph., i, 1 ; sa passion, celle de « mon Dieu » , Ad Rom., VI, 3 ; « Dieu manifesté sous forme humaine, » Ad Eph., xix, 3 ; l'Éternel, l’Invisible, l’Impassible (devenu) pour nous visible, passible. Ad Polyc., III, 2 : c’est Dieu fait homme (et non pas l’homme fait Dieu, comme l’ont cru Harnack et E. Bruston, Ignace d’Anlioche, ses épîlres, sa vie, sa théologie, Paris, 1897) ; cf. Ad Magn., i, l ; « il est sorti du Père Un, est toujours resté un avec Lui et est retourné à Lui, » ibid., vii, 2 ; voilà la foi d’Ignace, l'évêque d’Antioche, l’homme de la tradition et de l'Église, l’adversaire impitoyable de la nouvelle science (gnose) héréticiue, l’homme apostolique. Voir encore la II Cor., I, 1, « nous devons considérer Jésus-Christ comme notre Dieu ; » xiii, 4 ; iii, 5-iv, 5 ; ix, 3-11. — JésusDieu est créateur : V Épître de Barnabe, v, 5-10, en parle ainsi : « Le Seigneur a enduré de souffrir pour nos âmes, quoiqu’il fût le Seigneur de l’univers, à qui Dieu a dit dès la constitution du monde : Faisons l’homme à notre image et ressemblance ; » « le soleil est l’ouvrage de ses mains ; » cf. vi, 12, même exégèse de Gen., i, 26 ; vii, 2 ; saint Ignace, Ad Eph.,

XV, 1, appelle le Maître évangélique « celui qui a dit et tout a été fait » et c’est lui qui s’est ressuscité. Arf Smyrn., II, 1. Jésus est l’inspirateur des prophètes, Épître de Barnabe, , 6 ; il a parlé par eux, // Cor., iii, 5 ; l’auteur de toute notre vie surnaturelle, la seconde création, qui est essentiellement la vie de Jésus-Christ en nous, Épître de Barnabe, vi, 14-15 ; et très souvent dans saint Clément, I Cor., xxxii, 4 ; liv, 3 ; lxiv ; lxv, 2, etc., et dans saint Ignace, Ad iip/î., i, 1 ; viii, 2 ; xii. 2 ; XX, 2, etc. — On adore Jésus comme le Fils de Dieu, alors qu’on vénère seulement les martyrs, Marlyrium Polyc., XVII, 2, 3, et on lui adresse de fréquentes doxologies, Didaché, ix, 4 ; x, 6 ; Martyr. Polyc., xxi, xxii ; cf. XIV, 3 ; Clément ne respire que foi, louange, amour à Jésus son Dieu. / Cor., xx, 11, 12 ; l, 7 ; cf. lviii, 2 ; Lxi, 3 ; lxiv, lxv.

2. La personnalité divine distincle de ce Jésus-Dieu est manifestée par les formules trinitaires : Didaché, VII, 1-3 ; I Cor., xlvi, 6 ; lviii, 2 (formule trinitaire de serment remplaçant l’antique vivil Deus) ; S. Ignace, Ad Eph., IX, 1 ; Ad Magn., xiii, 1-2 ;.Martyr. Polyc., XIV, 1-3 ; cf. XXII, 1-3, et par le nom de Fils, 6 Yiô ;, de Fils de Dieu, qui est de plus en plus son nom propre ; or il s’agit évidemment de Fils unique bien-aimé, monogène, etc., et tout suggère une filiation naturelle, de la nature même du Père : Didaché, vii, 1-3 ; cf.

XVI, 4 ; Épître de Barnabe, iii, 6 ; iv, 3, 8 (r, ~ ; a~r, <j.i-/riç) ;

V, 9-11 ; VI, 12 (6 liô ;) ; VII, 2, 9 ; xii, 8, 9, 10 ; xv, 5 ; I Cor., xxxvi, 4 ; S. Ignace, Ad Magn., viii, 2 ; XIII, 1 ; Ad Eph., iv, 2 ; xx, 2 ; Ad Rom., suscr. ; Ad Trait., suscr. ; S. Polycarpe, Ad Phil., xix, 2 : Martyr. Polycarpi, xiv, l ; xvii, 3 ; xx, 2 (aovoyevovç)- H