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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


le caractère liérctiquc. Elle fut condainnée une seconde fois en 1408, par la faculté de théologie de Prague, elle le fut une troisième fois en 1409, très solennellement par la nation de Bohême, à la date du 20 mai, dans une réunion tenue ad nigram rosam in Praga, comme nous l’apprend Jean Przibrani. Cochlée, Hist. hussil., p. 11. La réunion comptait 64 maîtres et docteurs, 150 bacheliers et près de 1 000 étudiants. Les quarante-cmq articles condamnés en 1403 y furent relus et reconnus à l’unanimité des voix comme hérétiques, erronés ou scandaleux. Défense était faite à tous les suppôts de la nation de Bohême de les enseigner ou de les défendre, soit en public, soit en privé, sous peine d’exclusion de la nation ; à tous ceux dont le grade était inférieur à celui de maître, il était interdit de lire les livres de Wyclif, spécialement le De eucharistia, le Dialogus et le Trialogus qui contenaient plus spécialement les propositions incriminées. Au témoignage de Przibrani, Huss était présent et donna son vote. Ainsi, partout les autorités constituées se prononçaient de plus en plus catégoriquement en faveur de la doctrine des accidenlia sine subiccto. Partout, les trois articles de Wychf concernant l’eucharistie furent condamnés par les facultés de théologie et les évêques ; ils allaient bientôt l'être par le pouvoir suprême de l'Église. C’est un fait de la plus haute importance, dont il faudra tenir grand compte, quand il s’agira d’apprécier le degré de certitude de la doctrine niée par Wyclif. Jean Przibram nous paraît saisir pleinement la valeur de ce fait, quand, après avoir cité les trois premières propositions de Wyclif, il écrit dans sa Professio fidei aniiquse, faisant allusion à l’interdiction de ces propositions par les maîtres de la nation de Bohême : Hoc idem fecil facilitas theologorum Pragensis. Hoc idem doclores in Tomana curia. Hoc idem doclorea in Anglia et in Francia. Propler quod securius est cum illis senticndum, præcipue in illis tribus piinctise ! cum sanctis doctoribus Ecclesise quam cum Johanne W y clef, omnes taies hæreticante et nefandissimos hæreticos impudenler appellante. Cité par d’Argentré CoHectio judic, part. 11, col. 27. Le 16 juin 1409, l’archevêque de Prague, Sbinko, dans un nouveau synode provincial tenu dans sa ville épiscopale, condamna au feu plusieurs traités théologiques et philosophiques de Wyclif : les ouvrages étaient nommés et dans la liste figurent le De eucharistia, le Trialogus et le Dialogus. D’Argentré, op. cit., p. 28. Il donnait comme raison de cette condamnation le caractère manifestement hérétique et erroné des propositions contenues dans ces ouvrages. Ceux qui refusaient de livrer leurs exemplaires, dans les six jours, étaient excommuniés. La privation de leurs bénéfices et d’autres pénalités étaient prononcées contre ceux qui admettraient ou répandraient les articles condamnés. L’archevêque obéissait ainsi à une bulle d Alexandre V, du 2 décembre 1409. Au témoignage d’yEueas Sylvius, p’us de deux cents exemplaires des ouvrages de Wyclif furent livrés aux flammes dans la cour du palais épiscopal, au cours du mois de juillet 1410, Balbinus, Epil. rer. bohem., 1. IV, c. vi, p. 420 ; Oxford leur avait infligé le même sort, le 25 juin de la même année. Wood, Hist. univ. Oxon., 1. I, an. 1410. Ces ouvrages continuaient à répandre les erreurs et les hérésies wyclifistes en Angleterre et en Bohême. Du reste, lollards d’Angleterre et hussites de Bohême entretenaient des rapports épistolaires, Reginald Lane Poole, Index Britanniæ scriptorum, Oxford, 1902, p. 275, et entouraient d’une estime commune le doctor evangelicus. En 1408, Thomas Arundel, archevêque de Cantorbéry, avait, dans un nouveau synode, tenu à Oxford, mais dont les décrets furent proclamés à Saint Paul de Londres, défendu la lecture de tout ouvrage non ap prouvé de Wyclif. Mansi, Concil., t. xxvi, col. 1037 s((. L’université d’Oxford, après avoir durant quelque temps dénié à l’archevêque son droit de visite, soucieuse de rétablir sa réputation d’orthodox.e, se décida à sévir contre la contagion lollarde. Douze délégués furent désignés pour procéder h un examen rigoureux de tous les ouvrages suspects d’hérésie. Wood, op. cit., t. I, p. 206 sq. ; Monum. Academ. Oxon., t. i, p. 268. L’un d’eux, John Lucke, tira des livres de Wyclif 26 propositions dignes de censures ; on trouvera parmi elles les trois articles concernant l’eucharistie. Duplessis d’Argentré, Collcc’io jiid., part. II, p. 34. Ces mesures de rigueur étaient nécessaires, l’hérésie sacramentaire se répandant de plus en plus parmi le peuple. L’année précédente, un simple artisan fut brûlé à Londres, pour avoir soutenu obst nément quod non est corpus Christi quod sacramentaliler tractatuT in Ecclesia, sed rcs quædam inanimala, pejor bufone uel aranea, quæ sunt animalia animata, Walsingham, Hist. anglic, A. D. 1410 ; il ne parlait pas autrement que Wyclif ; on peut vo^r dans Wa singham l’afïreux courage avec lequel il défendit jusqu’au bout son blasphème. Deux ans après, dans un nouveau synode tenu à Londres, pour instruire le procès de Jean Old Castel, sire de Cobham, wyclifiste fougueux, celui-ci s’obstinait pareillement à afFirmer le premier des quarante-cinq articles condamnés. Fasciculi zizaniorum, p. 444. Comme les évêques et les théologiens présents lui opposaient les déterminations de l'Église et l’autorité des saints docteurs, il répondit hardiment que de telles déterminations étaient en opposition avec l'Écriture sainte et qu’elles n’avaient paru dans l'Église que lorsque les richesses et les dotations eurent commencé de la corrompre. Malgré la douceur des juges ecclésiastiques, Old Castel dut finalement être livré au bras séculier. Mais, ayant reçu quarante jours de répit, il parvint à s'échapper de la "Tour de Londres ; repris quatre ans après, il fut tondamné à mort par le parlement pour rébellion ouverte contre le pouvoir royal. D’après Walsingham, il aurait, au milieu des flammes mêmes, exprhné l’espoir insensé de ressusciter le troisième jour après son supplice. Walsingham, Hist. anglicana, A. D. 1417. En Bohême, l’opposition du parti hussite prenait de plus en plus le caractère révolutionnaire. Huss avait attaqié ouvertement les indulgences accordées par le pape Jean XXIII à ceux qui aideraient à la croisade proclamée contre Ladislas de Naples. La chrétienté souffrait à la fois du schisme auquel le concile de Pise n’avait pu mettre fin et du wyclifisme qui ravageait l’Angleterre et la Bohême. Il était temps que le pouvoir suprême de l'Église intervînt pour remédier à tant de maux.

D’après Balbinus. Jean Gerson, cliancelier de l’uni versité de Paris, écrivit, l’année même du concile de Rome, une lettre énergique à Conrad, archevêque de Prague, pour lui rappeler son devoir à 1 égard des hérétiques. Balbinus, Epil. rerum. boliem., p. 423 ; de Bonnechose, Les réformateurs avant la Réforme, t. i p. 160 sq. Pendant que l’archevêque jetait l’interdit sur la ville de Prague, Jean XXIII, dans un concile tenu à Rome au commencement de l’année 1413, avait condamné en bloc tous les ouvrages de Wyclif. Il était défendu de les citer et de nommer leur auteur, autrement que pour le réfuter. Mansi, Concil., t. xxvii, col. 505-506. Ordre était donné aux ordinaires de tout lieu de la clirétienté de recliercher lesdits ouvrages et de les brûler publiquement. Ceux qui voudraient défendre la mémoire de Wyciif étaient cités à comparaître en cour de Rome ne idem Joannes, comme disait le décret, licet ab Inimanis ereptus, 'jie heeresi condemnetur. Cette menace, le concile de Constance allait bientôt l’exécuter. Le 8 décembre de l’année 1413,