Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/538

Cette page n’a pas encore été corrigée
2375
2370
FILS DE DIEU

)

b) La Chekina (n : ' ; *' = demeure). Voir spécialement Lebreton, op. cit., p. 148-151 ; T.. Blau, art. Shekinah, dans The Jewish encyclopedia ; Weber, op. cit., p. 185 190 ; E. Landau, Die dem Raiime ciilnommenen Synonyma fiir Goti in dcr ncii-Iiebraïsclien Litleralm, Zurich, 1888, p. 47-56 ; H. Hulsius, Disserlalio de Schechinah, dans B. Ugolino, Tliesaunis antiquilalum, t. xxiv. p. clxxi-ccvi. Weber, lac. cit., et àsasuiteHoltzmann, Z-e/irôuc/i der neutestamentliche Théologie, t. i, p. 57, avaient voulu voir une différence entre la ISIemra et la Chekina. La vérité, communément reconnue, est que la Chekina remplit dans le Talmud et le Midrasch absolument le même rôle que la Memra dans les targums ; on peut s’en convaincre par les textes suivants : Mekilta, sur Exod., xii, 41 ; xv, 2 : la Chekina accompagna les Israélites dans leurs diverses pérégrinations ; Exod., xiii, 19 : la Chekina ensevelit Moïse, xx, 24, etc. Les targums connaissaient déjà la Chekina, Onkelos, Exod., xxxiii, 14, 15, 20 : « Ma Chekina ira ; » « tu ne peux voir la face de ma Chekina… » ; bien plus, dans des phrases parallèles, le targum de Jérusaleni, Lev., xxvi, 12, identifie les deux termes ; de même, Num., x, 36 : « Reviens vers nous Memra de Jahvé et fais habiter parmi le peuple la splendeur de la Chekina. » Cf. A. Fr. Gfrôrer, Das Jahrhunderl des Heiles, Stuttgart, 1838, t. i, p. 301-320. On pourrait en conséquence admettre la remarque de Kohler, loc. cit., qui attribue chez les talmudistes l’abandon de la Memra, remplacée par la Chekina, à la controverse chrétienne : la Memra, au moins verbalement, était trop semblable au Logos divin.

c) Autres expressions. — Memra et Chekina ne sont d’ailleurs pas les seuls substituts divins trouvés par les rabbins. Ils disent encore, moins fréquemment, la Gloire, Onkelos, Gen., xxxv, 13 ; Exod., xxiv, 16, 17 ; xxiir, 18-22 ; Is., xl, 5 ; Ezech., iii, 23, etc. ; cf. Ginsburger, op. cit., p. 20 ; le Lieu, cf. Landau, op. cit., p. 30-45 ; le Ciel, cî. ibid., p. 14-30, et enfm dans le même auteur, p. 6-10, une liste de 57 expressions qui servirent à désigner Dieu, par exemple, la Voix, le Nom, cf. Is., lix, 19 ; Ps. ci, 16 ; Exod., XXIII, 21 ; la Face, cf. Exod., xxxiii, 14 ; Deut., iv, 37 ; Lam., XV, 16.

En résumé, tous ces termes ne sont que des circonlocutions pour désigner Dieu. On n’ose plus nommer Jahvé, qui est ineffablement transcendant ; on cherche des sj’nonymes laissant dans l’ombre du cas indirect Jahvé lui-même et son action divine ; « on prononce la parole (ou la Chekina, etc.), mais on pense Dieu. » Dalman, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, t. I, p. 188. Il n’y a donc pas du tout là d’hypostase distincte ni divine ni créée (intermédiaire) ; pas même d’attribut personnifié ; par conséquent, on ne peut voir là un pendant, un précédent des théories du Logos alexandrin (intermédiaire philosophique), ou a fortiori du Logos chrétien (hypostase divine distincte incarnée). Le vocabulaire est semblable, il faut cependant le remarquer, et il est suggestif à ce point de vue le rapprochement que fait Dalman, op. cit., p. 189, à propos de Joa., i, 14 : Le Logos (= Memra) s’est fait chair — et il a habité (Èaxr, v(0'7-v = chekinela) parmi nous — et nous avons vu sa gloire (= yeqara) : « les trois principaux substituts divins sont ainsi incarnés en Jésus ; d’ailleurs certainement avec une signification qui contredit leur sens original. »

3. Attributs divins personnifiés.

Déjà avant Philon, le judaïsme orthodoxe avait distingué en Dieu la miséricorde et la justice, la puissance de bienfaisance et celle de justice, Jahvé et Élohim. J. Lebreton, op. cit., p. 136, n. 3, cite Sifre, 71 a, sur Deut., iii, 24 : « quand Dieu est appelé Jahvé, il agit avec miséricorde ; quand il est appelé Élohim,

il agit avec justice. » Pesikta, 149 a, 164 a ; Berechith rabba, 12, 15 ; Mekilta, sur Exod., xiv, 19 ; xv, 2 ; targum du ps. lvi, 11. Cf. Dalman, Der Gottesname Adonaj, p. 59 ; Weber, op. cit., p. 154. La distinction fut même accentuée jusqu'à donner les deux sièges de Dan., vii, 9 sq., aux deux puissances citées, du moins après une fameuse discussion entre rabbi Aqiba et rabbi José le Galiléen ; le premier avait d’abord donné les deux mêmes sièges l’un à Dieu, l’autre à David (au Messie) ; mais cela était évidemment trop favorable aux Minim (hérétiques), c’est-à-dire aux chrétiens. Le Talmud a gardé encore le souvenir de quelques autres controverses sur cette distinction des deux puissances en Dieu, controverses évidemment influencées par la préoccupation chrétienne et résolues par des subtilités rabbiniques puériles, par exemple, sur Ps. XXII, 1 ; Amos, iv, 3 ; Exod., xxiv, 1, etc. ; mais les souvenirs sont brefs ; le silence était plus facile. Cf. Lagrange, op. cit., p. 224 228, 296-300 ; Herford, op. cit., p. 261 sq. ; M. Friedlander, Die religiôsen Bewegungen innerhalb des Judentums im Zeitalter Jesu, Berlin, 1905, p. 186 ; G. Hcennicke, Dcr Minaisnms, dans Das Judencliristenium in i und Il Jalirimnderlen, Berlin, 1908, p. 381-400.

Il n’est pas étonnant dès l(>rs que la sagesse divine ait perdu de plus en plus ce relief hypostatique que lui avaient donné les livres sapientiaux canoniques. Le judaïsme ne voit bientôt plus que la sagesse participée aux hommes dans la loi. Cf. Eccli., i, 5 ; Bai, IV, 1 ; par exemple, Testam. Levi, xiii, 2 (cf. J. Lebreton, op. cit., p 144, n. 3) ; Berechith rabba, sur Gen., i, 1, etc. ; autres textes dans F. Weber, op. cit., p. 197, 198. De l’ancienne doctrine de la sagesse divine on trouve pourtant des traces dans Hénoch, XLii : « La sagesse n’a pas trouvé de lieu où elle pût habiter, aussi sa demeure est dans les cieux. La sagesse est sortie pour habiter parmi les enfants des hommes, et elle n’a pas trouvé d’iiabitation ; la sagesse est revenue en son séjour et s’est fixée au milieu des anges… Et l’injustice alors s’est établie parmi les hommes ; » de même Hénoch slave, xxx, 8, interprète Gen., i, 26 : « Dieu dit : Faisons l’homme, » comme le feront beaucoup de Pères : « Dieu dit : J’ordonnai à ma sagesse de faire l’homme. » Cf. xxxiii, 4.

4. Le Messie.

Soit l’apocalyptique judaïque, soit le pharisaïsme rabbinique s’occupèrent beaucoup du Messie, mais pour décrire sa venue et ses fonctions plus que sa nature. Cf. Lebreton, op. cit., p. 151, 152 ; Lagrange, op. cit., p. 74-98, 132-135, 213-228, 296-300 ; 'fixeront, op. cit., p. 37-43 ; Lepin, op. cit., p. 37-54.

a) La nature du Messie, de plus en plus on l'éloigné de la divinité transcendante. On lui attribue, il est vrai, une certaine préexistence ou mieux une certaine existence céleste avant son apparition sur la terre ; cela sans doute d’après Mich., v, 2 ; Dan., vii, 13, - 14. Mais cette préexistence parfois ne semble qu’idéale ; par exemple, Targum de Michée, v, 2, qui, au lieu de « celui dont les origines sont, » met : « celui dont le nom a été prononcé dès l’origine… » Cf. Targum de Zachai’ie, iv, 7. Le plus souvent cependant il s’agit sans doute de préexistence réelle : Hénoch, xlviii, 3-6 ; XLVi, 1-2 ; XXXIX, 6 sq. ; xlv, 3 sq. ; lxii, 7, cf. L. Grj% Les Paraboles d’Hénoch et leur messianisme, Paris, 1911 ; IV Esdr., xii, 32 ; xiii, 24, 52 ; xiv, 9 ; cf. Joa., VII, 27 ; la traduction des Septante a même parfois accentué dans ce sens le messianisme de plusieurs psaumes. Voir plus haut, col. 2362, avec l’article cité du P. Lagrange. Mais ce qui diminue la valeur de ces textes, ce sont d’abord des craintes fondées d’interpolations chrétiennes, cf. Lagrange, op. cit., p. 93-94 ; et surtout c’est l’extension de cette théorie de la préexistence (préexistence idéale ou antérieure à