Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/525

Cette page n’a pas encore été corrigée
2349
2350
FILLASTRE


de second collège composé de délégués des nations eu uombre égal ou inférieur à celui des cardinaux, et dans lequel, ainsi que dans le sacre-collège, le futur élu devrait réunir les deux tiers au moins des suffrages. Cette combinaison fut présentée par Fillastre au roi des Romains qui ne l’approuva point. Mais toutes les nations lui firent un accueil très chaleureux. Le succès diplomatique des deux prélats français irrita Sigismond qui, par des manœuvres louches, essaya en vain d’entraver le projet des cardinaux. Après de multiples incidents, on discuta enfin en octobre les détails du mode d'élection ; les Allemands imaginèrent un système fondé sur l'égalité de la représentation de chaque nation dans le corps électoral. Ainsi il y avait quinze cardinaux italiens qui sulliraient à représenter la nation italienne ; aux sept cardinaux français on adjoindrait huit membres de la nation française, à l’unique cardinal espagnol quatorze de ses compatriotes ; enfin, on choisirait quinze membres de la nation anglaise et quinze membres de la nation allemande, pour achever de constituer un collège de soixante-quinze électeurs qui désignerait le futur pape à la majorité des deux tiers. Mais le cardinal Fillastre s’y opposa énergiquement, d’abord parce que cette combinaison excluait le collège des cardinaux comme corps. Or c’est lui qui, de droit, doit élire le pape. En second lieu, il objecta qu’un pape pourrait de la sorte être élu sans avoir obtenu la voix d’un seul membre du sacré-collège. Fillastre interposa ensuite son autorité pour calmer certaines disputes, rogans qiiod nnlhis inoh’sle fcrrel alleriiis vcrba.

Enfin, la nation française reprit le projet des cardinaux en l’amendant et en le complétant île la façon suivante : chaque nation adjoindrait au sacré-collège six délégués ; l'élu devrait réunir les deux tiers des suffrages, non seulement parmi les cardinaux, mais dans chacun de ces cinq groupes. Cette motion reçut bientôt l’adhésion universelle. Le 30 octobre, le cardinal de Saint-Marc lut les décrets sur le mode d'élection, puis il proposa que tous les électeurs prêtassent serment. Il demanda en même temps qu’on fît des prières et des processions pendant toute la durée du conclave pour obtenir un bon pasteur à la sainte Église.

Enfin, le 8 novembre 1417, à quatre heures du soir, les cinquante-trois électeurs entrèrent en conclave dans l’immense Maison des Marchands qui existe encore aujourd’hui. Le mercredi 10, on procéda au vote : Diversi divcrsimode vola sua einiltebanl. Aliqiii allegubant causas, alii non. Alic/ui nominaveninl plurcs, aliqui unum soliini. Et qui plures, diversas formas hubucrunt, dit le journal de Fillaslre. Le cardinal romain Othon Colonna se trouva porté dans chacun des' six grouijes composant le corps électoral et, dans deu.x des nations, il obtenait déjà la majorité des deux tiers. Peu à peu, il rallia les voix de quatre ou cinq cardinaux, puis conquit l’unanimité dans les deux nations allemande et espagnole. Le cardinal de Saint-.Marc et le cardinal l’icrre de F’oix s’entretenaient ensemble et n’avaient point encore fait accession. En voyant cette quasi-unanimité, Fillastre se leva et dit : Ad consummacionem hujus operis et unionis Ecclesiæ, acccdimus nos duo ad doniinurn caidinalem de Colum])na. Le cardinal de Foix parla de même et aussitôt Othon Colonna fut proclamé. On chanta le Te Denni, et le nouveau pape prit le nom de.Martin V en l’honneur du saint du jour. Bientôt après, notre cardinal tut encore chargé de lire les décrets promulgués par le pontife. Guillaume Fillastre dit en finissant son journal : Laudelnr et be.nedicetur Altissinuis, qui dédit Inve in pace fieri et Ecdesiam sub uno capite constitai.

On le voit, dans toutes ces solennelles circonstances, le cardinal de Saint-Marc fut avec le cardinal de Cambrai le chef du groupe français, et plus d’une t’ois tous

deux donnèrent aux événements une impulsion décisive. Ils jouèrent fréquemment le rôle de modérateurs, et souvent aussi leur influence victorieuse fit avorter les combinaisons politiques de Sigismond. Ils s’efforcèrent de sauvegarder l’honneur du sacrécollège et la liberté du concile ; ils abrégèrent la durée de l’assemblée et firent enfin triompher un expédient extra-légal sans doute, mais qui conciliait les intérêts les plus divers en même temps qu’il préparait et assurait l’autorité du futur pape sur l'Église universelle.

Martin V fut reconnaissant à Guillaume des services éminents qu’il avait rendus ; il le pourvut en 1422 de l'évêché de Saint-Pons. Nous le voyons en même temps prieur de Saint-Ayoub et légat du pape à la cour de Paris. Mais son séjour en France ne fut pas de longue durée. Quand il revint à f^ome, il fut nommé archiprêtre de Saint-. lean de Latran, et se fit bâtir un splendide palais, où il mourut le G novembre 1428. 11 fut enseveli dans l'église de Saint-Chrysogone, titre cardinalice de son ami d’Ailly.

Hauréau a mal parlé de la moralité du cardinal de Saint-Marc ; ses accusations ne reposent sur aucune preuve et, ni dans les œuvres de Fillastre, ni dans les écrits de ses contemporains, nous n’avons trouvé de document qui puisse donner quelque vraisemblance à ces calomnieuses assertions. Les armes de Guillaume étaient de gueules à une rencontre de cerf d’ar, avec une bordure engrélée de même, les yeux de sable. La tête de cerf indique le doyen de Reims ; la devise qui l’accompagne parfois porte ce simple mot : « liement » , c’est-à-dire gaiement. C’est peut-être ce qui a donné lieu aux affirmations sans base dont Hauréau s’est fait l'écho trop complaisant.

II. Œuvres. — Le cardinal est plus connu par le rôle qu’il joua dans la politique ecclésiastique et par l’influence qu’il exerça au sein des conciles que par ses œuvres tliéologiques ou canoniques. Comme orateur, il paraît avoir été un des plus français de tous ceux qui ont parlé dans ce synode de 1406, le seul que l’on ait étutlié jusqu’ici au point de vue de l'éloquence et de la langue. Comme écrivain, ses œuvres sont dispersées un peu partout, soit dans la poussière des bibliothèques de riianuscrits, soit dans les recueils de pièces peu connues.

Ses thèses d'étudiant reposent à la bibliothèque de Reims, n. 768, fol. 234, 249 sq., à côté d’un certain nombre de livres donnés par lui à la bibliothèque du chapitre. Bciucoup ont été copiés à Constance pendant le concile. Ses discours du synode parisien de 1406 ont été publiés d’une manière imparfaite par Bourgeois du Chastenet, mais les manuscrits se trouvent à la Bibliothèque nationale, n. 23428, 17220, 17221 et 7141. Deux de ses mémoires latins, distribués au concile de Constance, ont été imprimés dans "Von der LIardt ; un troisième a été publié récemment par Keppler.

Son œuvre la plus importante au point de vue théologique et historique est celle qui est restée jusqu’ici presque complètement inconnue. C’est le journal que le cardinal de Saint-Marc a tenu pendant le concile de 'Constance et que HeinrichFinke, le savant professeur de Fi-ibourg, a retrouvé dans la bibliothèque du "Vatican, 41.73 et 41.75, ms. du xvfe siècle.

Par une série d’inductions ingénieuses, l’historien a démontré que l’auteur de ce journal est un témoin oculaire et qu’il met surtout en relief le rôle de Fillastre au sein du concile. Les lacunes que l’on remarque correspondent au temps pendant lequel le cardinal était malade ; de plus, l'écrivain a été ensuite légat en France. Tout concorde ilonc à démontrer que l’auteur n’est autre que l’illaslre lui-même. Finke a fait connaître des fragments importants de cet ouvrage à Noël Valois, et nous en avons largement profité dans