Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/520

Cette page n’a pas encore été corrigée
2339
2340
FILIOQUE


théologique, n’est-il pas. léinérairc, de la pari du vieux catliolicisme, de proposer comme simple opinion Uicologique ce que les Pères jugent une vérité de foi, tirée des sources de la révélation ? N’cst-il pas téméraire d’attendre jusqu’au xixe siècle pour proclanier que la tradition patristique gréco-latine est entachée d’erreur, parce qu’elle a déduit des textes inspirés la croyance à la procession du Saint-Esprit du Fils ? N’est-il pas étrange de constater que jusqu’à l’époque de Photius la tradition grecque a toujours été constante et identique dans l’afflrmation du Filioque ? Cette constance, cette identité de tradition ne prouve-t-ehe pas que le Filioquc est un dogme ? La thèse du vieux catholicisme supprime donc une des sources de la croyance dogmatique de l’Église, la tradition chrétienne. "Voir Franzelin, Examen dodiime Macarii, p. 279, 280.

5. La théorie des vieux catholiques aboutit au scepticisme théologique. Aux orthodoxes qui leur demandent si la formule ex Paire solo est vraie, les vieux catholiques répondent affirmativement ; la même réponse atlirmative, ils la donnent aux catholiques qui leur demandent si la formule ex Paire Filioquc est conforme à la vérité. Le vieux catholicisme admet donc comme également soutenables deux formules contradictoires, dont l’une exclut l’autre. Les vieux catholiques pourraient oljjecter qu’il ne s’agit pas ici de la vérité simultanée de deux formules contradictoires, mais d’un degré différent de proljabilité qui ne nous empêche pas de choisir entre elles, de préférer l’une à l’autre. Mais est-il permis de laisser planer le doute sur une formule que l’Église catholique vénère comme un dogme et que les Églises orthodoxes repoussent comme une hérésie ? Puisqu’il y a une contradiction absolue entre le dogme et l’hérésie, il semble nécessaire que le monde chrétien sache à quoi s’en tenir sur cette fameuse controverse ; qu’il soit assuré que sa croyance n’est pas entachée d’hérésie : qu’il ne soit pas exposé aux moqueries des intidéles qui pourraient lui reprocher d’accepter connue également vraies deux formules contradictoires.

La solution que les vieux catholiques donnent à la controverse du Filioqiie n’apaiserait donc jjas le conllit entre l’Orient et l’Occident. L’Église latine ne pourrait pas être convaincue que la formule ex Paire solo est orthodoxe, parce qu’elle a toujours exigé l’adhésion au Filioque comme à un dogme révélé. D’autre part, l’Église orientale ne saurait admettre que la formule latine Filioque ne soit pas hérétique, parce qu’elle l’a toujours condamnée comme un horrible blasphème. La théorie du vieux catholicisme ne rendrait donc pas la paix à la chrétienté. 6. La théorie vieille catholique se prête admirablement à l’équivoque et par conséquent ne contribuerait en rien à l’extinction du schisme. Il y a, en elTet, dans les Églises orthodoxes, quelques théologiens qui considèrent la suppression du Filioque du symbole comme un aveu implicite de la fausseté doctrinale de la formule latine. D’autres théologiens, en plus grand nombre, ne tarderaient pas à demander aux vieux catholiques de nouvelles concessions, c’est-à-dire l’abjuration explicite de la doctrine exprimée par le L’ilioque, car le Filioque resterait toujours pour l’Église orthodoxe une grande hérésie latine.

] ! n’y aurait donc que les rares amis des vieux catholiques, qui, en vue de faciliter l’union de ceux-ci avec les Églises orthodoxes, se montreraient disposés à tolérer le Filioque comme une simple opinion théologifiue. Il s’ensuit que la suppression du Filioque du symbole pousserait les vieux catholiques à la négation explicite de la procession du Saint-Esprit du I-’ils, ou même elle ne changerait en rien l’état du schisme qui existe entre l’Orient et l’Occiilent.

7. Enfin la théorie du vieux catholicisme manque de loyauté et de sincérité. L’union des Églises est sans doute le problème le plus grave du monde chrétien. Si la barrière élevée par le schisme entre l’Église romaine et les Églises d’Orient venait à s’écrouler, le christianisme gagnerait une nouvelle vigueur et opposerait une résistance plus énergique à ses nombreux adversaires. Mais il est évident que cette union ne doit pas se réaliser au prix de la vérité et de la loyauté. Nous sommes convaincus que le Filioque n’a pas été la cause efflciente du schisme. Mais, d’autre part, il est hors de doute que cette formule est considérée par l’Église grecque comme le dogme impie, qui a détaché l’Occident latin de l’Église universelle. La controverse du Filioque exige donc une solution. Di.x siècles de luttes thèologiques ne doivent pas aboutir à un compromis déloyal. Pour rétablir l’unité de l’Église, il est absolument nécessaire qu’on sache ce qu’il faut croire touchant la procession du Saint-Esprit. Les orthodoxes eux-mêmes reconnaissent que l’unité de croyance dogmatique est la condition sine qua non de l’union des Églises. Or le Filioque est une croyance dogmatique de l’Église romaine, de même que la doctrine opposée au Filioque est une croyance dogmatique des Églises orientales. Toute tentative d’union ne saurait donc avoir aucune chance de succès, si on n’établit pas d’abord de quel côté est la vérité dogmatique. Mais prétendre que les deux croyances ont le même degré de crédibilité, prétendre que l’on peut appartenir à la même Église, soit qu’on alOrnie, soit qu’on nie la procession du Saint-Esprit du Fils, ce serait déclarer que l’Église est impuissante à prononcer une sentence définitive dans les controverses dogmatiques, ou même que, pour apaiser le conllit entre l’Orient et l’Occident, elle n’hésite pas à donner la marque d’orthodoxie à deux dogmes qui se contredisent et s’excluent l’un l’autre.

8. Mais n’y aurait-il pas moyen de résoudre la controverse du Filioquc sans porter détriment à la vérité qu’il renferme, sans obliger les grecs à renoncer à leur croyance de l’inviolabilité du symbole de Constantinople ? Nous croyons que cette solution existe et qu’elle a été trouvée par l’Église romaine. Avant tout, il faut sauvegarder l’unité de croyance dogmatique, et puisque le Filioque est une vérité dogmatique de l’Église romaine, l’adhésion formelle et explicite à ce dogme est indispensable pour tous ceux qui veulent être catholiques.

Mais, d’autre part, on ne doit pas oublier que le formalisme byzantin s’est perpétué dans les Églises orthodoxes. Ce formalisme les empêche d’introduire dans le symbole une formule vraie, même s’ils ne doutent pas de sa vérité dogmatique. L’Église latine n’insiste donc pas sur la nécessité de l’insertion du Filioquc au symbole, pourvu qu’elle soit sûre qu’on croit à la doctrine dogmatique exprimée par cette formule. Elle n’oblige pas les Églises orientales à réciter le symbole avec le Filioque. C’est progressivement qu’elle est arrivée à promulguer cette sage décision.

Au concile de Lyon (1274), le pape Grégoire X (1271-1276) demande aux grecs de reconnaître la vérité dogmatique du Filioque, mais il ne les oblige pas à chanter le symbole avec ces mots. Remarquons cependant que les grecs qui interviennent à ce concile chantèrent le symbole avec l’addition latine. Mansi, Concil., t. xxiv, col. 38, 65, 66. Nicolas III ne suivit pas cette sage tolérance. Il exigea à la fois l’unité des croyances dogmatiques et l’unité des coutumes liturgiques. Unilas fldei, dit-il, non palitur diversilalem in professoribus suis, sive in professione, sive in decuntalionc, vcl alla ipsius fldei publicatione, cl maxime in decanlalione symboli, quod quanlo magis in Ecclesia jrequcnlatur, lanlo apparcrc débet am-