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FILIOQUE


dogmatique. Miiis il était tellement convaincu de la vérité du FiUoqiic qu’il ne demanda pas la suppression immédiate de cette formule ; il ne sépara pas de sa communion les Églises d’Espagne et des Gaules, parce qu’elles s’en tenaient à leur coutume et ne suivaient pas ses conseils. Voir Rozaven, op. cit., p. 43, 14.

Le P. Baur rappelle à propos un épisode qui a beaucoup d’analogie avec ce qui s’est passé sous Léon IIL Un concile tenu à Antioche en 267, ou en 272, d’après le nr, oi>aov, rejeta le terme d’ôjj.ooJcriov, que le concile de Nicée devait insérer dans son symbole, comme la fessera de l’orthodoxie. Hefele, op. cit., trad. Leclercq, t. i, p. 202, 203. Le llr, 6à).tov ne blâme pas la décision de ce concile, parce que, dit-il, sa condamnation portait sur le mot, non pas sur la doctrine. Par l’introduction d’un terme nouveau, les Pères du concile ne voulaient pas fournir aux hérétiques le prétexte de nouvelles accusations. ïlï)oà)aov, Athènes, 1886, p. 106, n. 2 ; Baur, Argumenta contra orientalem Ecclesiam, Inspruck, 1897, p. 40, 41. De même, Léon III a jugé que l’insertion du FUioque n’était pas opportune, car elle aurait envenimé les dissensions entre grecs et latins. Mais il va de soi que l’opportunisme ne doit pas durer toujours. De nouvelles circonstances poussèrent les successeurs de Léon III à ne plus temporiser, d’autant plus que leur silence aurait été exploité par les grecs comme une condamnation implicite d’un dogme dont la croyance était déjà générale dans l’Église latine. La conduite de la papauté n’est donc pas contradictoire dans l’affaire du Filioque. Il y a eu sans doute quelques variations sur un point disciplinaire, mais pour ce qui concerne le dogme lui-même exprimé par le Filioque, par la bouche de ses pasteurs suprêmes, l’Église romaine a toujours professé que le Saint-Esprit procède du Fils aussi bien que du Père.

m. Le caractère dogmatique du rii.ioijuE. — 1° Données historiques.

Après le concile du Vatican

en 1870, la cjuestion de l’addition du Filioque au symbole a été reprise et a fourni matière à de vives discussions entre les théologiens anglicans et vieux catholiques, d’un côté, et les théologiens orthodoxes, de l’autre. On l’a surtout examinée dans les conférences des vieux catholiques de Bonn, du 14 au 16 septembre 1874, et du 10 au 16 août 1875. Dcillinger y dirigeait les débats. Les Russes y avaient envoyé leurs meilleurs théologiens libéraux, l’archiprêtre Janychev, le général Alexandre Kiriéev, le professeur Osinine. Le 1.5 septembre 1874, les membres de la conférence se trouvèrent d’accord sur ce point que l’addition du Fj/f’o^ue au symbole faite par l’Église romaine est illégale, et qu’il fallait bien examiner s’il y avait lieu de rétablir le symbole dans son intégrité primitive sans compromettre en rien la vérité théologique exprimée par la formule latine. Bogorodsky, Duch sviuliji, Grodno, 1904, p. 18. Quelques-uns hésitèrent cependant à voter la suppression immédiate du Filioque du symbole. On préféra examiner les problèmes théologiques qui se rattachent au Filioque et sonder le terrain en vue d’arriver à une entente doctrinale entre les théologiens d’Orient et d’Occident. Après de longs débats, on se trouva d’accord sur ces points : « 1. Le Fils n’est pas le principe du Saint-Esprit, parce qu’il y a un seul principe des processions divines ; 2. le Saintl^sprit procède du Père par le P’ils ; 3. il est l’image du l’ils ; 4.1a production hypostatique du Père, qui appartient au Fils, mais qui ne provient pas du Fils ; 5. l’intermédiaire entre le Père et leP^ils, uni au Père par le Fils. » Les formules et les termes employés dans ces propositions avaient été puisés dans les écrits de saint.Jean Damascène. Heuscli, Bcricht iiber die vom 10 bis 10 Augusl 1876 zu Bonn i/ehattenen Unions Konfcrenzen, Bonn, 1875 ; Michaud, Étal de la question du Filioque après la conférence de Bonn de 1875, dans la Revue inlcrn(dionale de théologie, 1805, t. iii, p. 95.

Quant à la profession du Filioque au symbole, les théologiens vieux catholiques déclarèrent que le dogme seul est obligatoire ; que les opinions tliéologiques ne doivent pas être imposées, bien qu’elles expriment des vérités importantes. Or le symbole ne devant contenir que les dogmes et les fidèles n’étant ]ias obligés d’admettre et d’enseigner des opinions théologiques, le Filioque n’est pas à sa place dans le symbole et il doit en être retranché. « Que l’on mette à cette suppression toute la prudence nécessaire, tout le temps qu’exige l’état des esprits, rien de mieux. Mais elle doit être opérée non seulement parce que l’introduction du Filioque au symbole s’est faite d’une manière illégale, mais encore et surtout parce qu’une simple spéculation théologique et libre ne saurait être admise dans une profession de foi obligatoire. Il va de soi que la suppression du Filioqiw n’entraîne nullement la négation de ce qu’il contient de vrai. Ceux qui sont persuadés de cette vérité peuvent l’enseigner en toute liberté, mais en dehors du symbole de foi, et non comme un dogme. » Michaud, loc. cit., p. 96.

A la question si une Église particulière a le droit d’insérer au symbole œcuménique une doctrine qui n’est pas un dogme, le vieux catholicisme répond négativement. Il s’ensuit donc « que les Églises d’Espagne, de Rome, etc., ont dépassé leurs droits et attenté à ceux de l’Église universelle en introduisant d’ellesmêmes le Filioque dans le symbole. » Revue internationale de théologie, 1895, t. iii, p. 98. A cette autre question si une Église particulière a le droit de supprimer de son chef une telle addition et de rétablir le texte exact du symbole, le vieux catholicisme répond qu’elle a ce droit et qu’elle en a même le devoir, ’1 C’est pourquoi l’Église catholique ( ?) de la Suisse a bien fait de supprimer le Filioque dans la liturgie et de revenir au texte catholique, non altéré, du symbole œcuménique. Avouer que c’est un tort d’introduire le Filioque dans le symbole, mais prétendre que, du moment ciu’il y est, c’est un devoir de l’y laisser, nous paraît être non un argument logique, mais une plaisanterie, et une pure chicane. » Ibid., p. 98.

Les débats des conférences de Bonn donnèrent naissance à toute une littérature théologique touchant le Filioque. Mgr Sylvestre Kanev, recteur de l’académie ecclésiastique de Kiev, publia son Otviet pravoslavnugo na prcdlojennuiu starokatholifcami skiieniu o Sv. Dukhie (Réponse d’un orthodoxe cuix thèses sur le SaiiU-Esprit préscntées par les vieux catholiques), Kiev, 1875. Il y soutient que la formule ex Paire per Filium désigne la mission temporelle du Saint-Esprit. La brochure a été traduite en allemand et en français. L’année suivante, le docteur Joseph Langen faisait paraître son ouvrage : Die trinilarische Lehrdifjerenzen zwischen der abendldndischen und morgenlàndisclien Kirchc, Bonn, 1876. Il y déclarait que les deux formules ex Pâtre et Filio, et ex Pâtre solo ne sont pas du tout hérétiques, bien que la seconde ne soit pas conforme aux anciennes traditions de la théologie chrétienne et aboutisse à de graves difhcultés touchant le dogme trinitaire. L’addition du Filioque au symbole n’implique donc pas l’adoption formelle d’une doctrine liérétique par les latins, mais l’introduction dans le symbole d’une formule qui, d’une manière ambiguë, exprime une opinion théologique. Cette addition a été faite abusivement. L’Église latine n’a donc pas le droit de la garder, bien qu’elle ait en sa faveur la prati que de plusieurs siècles. La suppression de cette formule ilu symbole réaliserait l’union des Églises, parce qu’elle en écarterait le plus grave obstacle. L’ouvrage