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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


Wyclif), un juge peut condamner sccundiim allegala cl probata une personne qu’il sait innocente'? Cela, c’est manifestement hérétique, puisque pallians Pylati judichini contra Christiim, Augustin et les autres saints docteurs, qui plus scivenin ! qiiam mille taies doclores, ne prétendaient pas qu’on les crût sur parole. De quel front les moines, corrupteurs des écrits de Thomas, viennent-ils nous dire :.S « ipse sic asseril, ergo veruml Scol n’a-t-il pas plus d’une fois signalé les erreurs de leur docteur : Nam doclor siiblilis. ciii plus credendum est in speculacionibus quani sibi, in pliiribus plane dclegit crrores quos sen^inat. Ibid., c. v, p. 158. Et Wyclif de conclure : Non ergo sequitur : Si Thomas hoc asscrit, ergo hoc est populo predicandum. La psychologie des hérétiques est étrange. Wyclif se dit prêt à abjurer ses erreurs, c. vi, p. 183, mais il veut une preuve de la vérité de la doctrine que les évêques veulent lui imposer. Cette preuve, où la trouver parmi le désaccord flagrant des Églises d’Angleterre ? Dans la province de Cantorbéry, on enseigne que l’hostie est poids, dans le diocèse de Lincoln et beaucoup d’autres, on tient qu’elle est quantité ; dans d’autres encore, on pense qu’elle est qualité ; ceux qui ont la vue plus perçante la disent blancheur ; c’est le cas dans les montagnes du pays de Galles et en Irlande, là où les hommes croient voir les morts. L’ironie se déguise à peine, c. vi, p. 183 sq. Il n’y a accord, hélas I que sur une conclusion qui paraît détestable à Wyclif, lequel perd en sympathie ce que son langage perd en respect : Omnes lamen isti in hoc conveniant quod hoc sacramentum est infinilum abjeccioris nature quam aliqua vilis substancia corporca assignanda, c. vi, p. 186. Non, les saints, quand ils appellent le sacrement la figure du pain, ne l’estimaient pas qualité de la quatrième espèce de la catégorie portant ce nom, quia illa est debilissime enlitatis, c. vi, p. 188. Ce ciu’il faut bien remarquer, c’est l’association étroite qui paraît chez Wyclif entre la doctrine et ses défenseurs. Il déteste celle-là dans la mesure où elle lui rappelle ceux-ci. Elle a pour appui les grands dignitaires ecclésiastiques, trop riches à son avis, les prélats qui innitunluT Icgi Cesaree, c. vi, p. 183, les moines qui l’ont inventée par esprit de lucre, c. ix, p. 323, le pape Innocent III qui força l’Angleterre à lui payer annuellement un tribut de neuf cents marcs d’argent, qui la brouilla avec la France, qui soutint des procédures irrégulières contre l’empereur, les princes temporels, contre l’abbé Joachim dé Flore et dont le pontificat — grief suprême — vit la naissance des ordres dominicain et franciscain, c. ix, p. 278. Il y a bien le IV^ concile de Latran, où trois cent et quinze prélats, sous la présidence d’Innocent, ont défini la doctrine de la transsubstantiation. Mais les Pères du concile étaient-ils vraiment de cet avis et surtout étaient-ils prédestinés, c’est-à-dire membres de l'Église, c. ix, p. 272? On voit ici comment les erreurs du réformateur s'étayaient l’une l’autre. Le traité De eucharistia ayant été écrit probablement vers les années 13821383, on est en droit de le considérer comme le développement doctrinal, l’apologie réfléchie des propositions scandaleuses de 1380 ou 1381.

Nous n’avons pas à faire ici l’histoire des condamnations qui frappèrent successivement les thèses eucharistiques de Wyclif. Ces condamnations ne nous intéressent que dans la mesure où elles s’efforcent de peser, dans la balance d’une censure théologique précise, le degré d’hétéi’odoxie de la négation des accidenlia sine subjecto. Au moment de cette négation, posée hardiment et en termes trop souvent scandaleux, la doctrine opposée est en possession ; on la considère comme l’expression de l’orthodoxie ; elle semble avoir pour elle la faveur des autorités religieuses. Si l’on en doutait, les écrits de l’hérésiarque en fourniraient au besoin

la preuve ; cpiclques docteurs scolastiques, tels Henri de Gand et, au témoignage de Grégoire de Valentia, In III^'" part., disp. VI, q. v, a. 1, Scot lui-même, avaient jugé cette doctrine de foi catholique et la proposition contradictoire entachée d’hérésie. Le décret Firmiler credimus du concile de Latran, la glose sur la confession de Bérenger, Décret, part. III, De consecr., dist. II, c. 42, glose qui gênait fortement le novateur. De euch., c. vii, p. 226, la décrétale de Grégoire IX Cum Marlhæ, Décrétales de Grégoire IX, 1. III, tit. xLi, c. VI, étaient devenus des lieux théologiques, familiers aux théologiens ; ils y avaient recours pour appuyer la doctrine commune de l'École. Le scandale dut être grand, lorsque le novateur, comme dit Thomas Netter, fo°p(' palam contra Cliristi sacramenta dictare blasphemias, maxime contra sanctam eucharistiam. Fasciculus zizaniorum, p. 104. Indéniablement, sur les 12 conclusions de Wyclif, plusieurs étaient blasphématoires dans la forme. La 10 « disait par exemple : Quæcumque persona vel secta est nimis hæretica quæ pertinaciier defenderit, quod sacramentum altaris est panis per se existens, in natura infinilum abjectior ac imperfectior pane equino. Du pain restant dans sa substance, après la consécration, et que celle-ci ne faisait que subordonner au corps du Christ, comme le signe à la chose signifiée, il disait : Panis triticeus, in quo solum licel conficere, est in natura inftnitum perfectior pane fabino vel ratonis ; quorum uterque in natura est perjectior accidente. Tirant argument de l’inégale perfection de la substance et de l’accident, Wyclif prétendit imposer aux docteurs catholiques la conclusion que les quahtés sacramentelles étaient en fait plus viles que ce qu’il y a de plus vil au monde : quod sacramentum itlud visibile est infinitum abjectius in natura, qucmi sil panis equinus vel panis ratonis ; immo quod verecundum est dicere vel audire quam stercus ratonis. Fasciculus zizaniorum, p. 108. C'était à la fois odieux et absurde. Le raisonneur obstine, féru des catégories d’Aristote, oubliait que le rapport inelTable qui relie les accidents au corps du.Sauveur dans le sacrement confère à ceux-ci une dignité que la substance du pain, pur symbole du corps, présent seulement virlualiter, n’avait certes pas dans sa propre théorie. Il se renfermait obstinément dans la considération du sacramentum, qu’il isolait de la res sacramenti ; le Waldensis semble insinuer qu’il entendait mal la condition des accidents séparés et que l’expression pe.r se exisientia équivalait pour lui à leur transformation en substance ; pour donner couleur de vraisemijlance à sa thèse, il citait l'Évangile (et efl’ecliveinent Wyclif avait recours aux textes de l'Écriture où le sacrement reçoit le nom de « pain » , par exemple, I Cor., XI, 28), mais la vraie raison de sa négation était d’ordre philosophique : Re autem ipsa, dit Wakien, propter accidens suum erroncum, quod ipse a reprobatis philosoplxis invenit dici subslantiam. Fasciculus zizaniorum, p. 104. Ce renseignement cadre fort bien avec une autre proposition wyclifienne qui nous a été conservée par Thomas Walsinghani, dans son Ilistoria anglicana : Deus de patent ia absolula non pôles t faccre quod in sacramento altaris accidenlia essent sine subjecto. Rerum brit. script., t. xxviii b, p. 52. La 9^ proposition de 1381 disait également : Quod accidens sit sine subjecto non est jundabile ; sed si sic, Deus annihilatur et péril quilibel arliculus fidei christianæ. Fasciculi zizaniorum, p. 105.

William Swynderby, un partisan de Wyclif, prêchait en pleine ville de Leycester, le dimanche des Rameaux de l’année 1382, des propositions telles que celles-ci : Quod sacramentum altaris, post consecrationem, est verus panis et verum corpus Christi ; et illa rolunditas qux videtur, et albedoe hujusmodi sunt panis ;