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FILESAC


En tout cas, après une résistance acharnée, Richer, censuré par les évêques, fut obligé de se démettre. Filesac lui succéda comme syndic en 1612. Les ennuis que son prédécesseur venait de créer à la faculté lui firent prendre l’initiative d’un certain nombre de réformes. Il proposa tout d’abord que, dorénavant, le syndic fût nommé pour deux années seulement. A ^expiration de la première, la faculté examinerait si elle voulait lui conserver sa charge pour l’année suivante seulement ou pour un temps plus long. Puis il demanda que la rédaction des procès-verbaux fût confiée non pas au syndic seul, mais à une commission de quatre membres qui vérifierait les conclusions avant qu’elles fussent couchées sur les registres. Enfin ces derniers devraient être renfermés sous trois clefs, de sorte qu’à l’avenir nul ne pût extraire ni communiquer les délibérations de la faculté sans son aveu. Toutes ces mesures étaient évidemment dirigées contre Richer et son administration.

Tous ces débats n’avaient pas laissé grand loisir à Filesac. Aussi bien ces années sont-elles pour lui improductives. Il se remet à la théologie en publiant, en 1614, sous le titre d’Opéra varia, les petits traités qu’il avait donnés jusque-là. Il y joint deux ouvrages inédits : De confessionis secretæ seii aurieuhiris iisii et praxi apiid ehristianas génies eommentarius ; De idololalria nuujiea eommentarius. L’essai sur la confession auriculaire est dirigé contre les protestants, en particulier contre Duplessis-Mornay. Filesac démontre l’antiquité de cette pratique, sa convenance, et comment elle est dans l’Église la forme nécessaire de la pénitence exigée par l’Évangile de tous les chrétiens. Dans le second traité, il veut tenir un juste milieu entre ceux qui, trop crédules, ajoutent foi à toutes les opérations que l’on attribue aux diables, et les esprits forts qui n’en croient aucune. Il faut remarquer l’opportunité de ce petit ouvrage. Il paraît au moment où, par toute la France, la magistrature est saisie de procès de sorcellerie ou de possession diabolique. En même temps il s’élève contre les « athéistes » , qui, suivant Filesac, commençaient à pulluler. Cf. F. Strowski, Pascal et son temps, t. i, p. 126 sq.

L’année suivante paraissait, de notre théologien, un nouvel opuscule sur les questions du jour. Il l’avait intitulé : De idololalria polilica et Icgilinw prineipis cullu. Quel respect les^princes peuvent-ils exiger de leurs sujets’? Cette question est pour Filesac l’occasion de tracer le portrait du bon prince, ennemi des abus de pouvoir et de l’adulation, adversaire irréductible des mauvaises mœurs et puisant ses inspirations uniquement dans la piété et la crainte de Dieu. Mais le prince doit aussi se connaître lui-même et ne point se faire une fausse idée de sa grandeur. C’est par là qu’il se distingue du tyran. Filesac évite d’ailleurs avec soin de se prononcer sur la question du tyrannicide alors si débattue. C’est à Dieu seulement que les princes, quels qu’ils soient, doivent compte de leur gouvernement et de leur conduite. Ils ne doivent pas, du reste, oublier les motifs intéressés qui les engagent à être, pour leurs sujets, des tuteurs et des pères plutôt que des maîtres et des exploiteurs. Le souci de leur gloire et les dangers qu’ils courent quand ils oppriment leurs peuples devraient suffire à les rendre sages, au moins par prudence. C’est par là que leurs conseillers naturels, les prélats, doivent les reprendre. C’est par là qu’ils s’attireront l’amour et le respect vrai de leurs peuples. Cet amour et ce respect, la religion les commande aux sujets, lîlle est le seul frein qui retienne en de justes bornes la puissance des maîtres et les sentiments des gouvernés. Tels sont les lieux communs que dévelo. pe Filesac dans cette pâle réfutation du Prenoipc de Machiavel.

Dans le même temps, Filesac s’occupait toujours de

la réforme des études dans la faculté de théologie. Sur son initiative, l’assemblée générale des docteurs de la Sorbonne formulait d’une façon précise les règles do scolarité. Le l’^' mars 1618, elle décidait que tout étudiant devait suivre, pendant trois ans au moins, les cours des docteurs et professeurs publics. Ils devraient en fournir le témoignage, signé de deux au moins de ces professeurs. De plus, on exigeait d’eux un serment par lequel ils affirmaient n’avoir pas eu d’autres maîtres en tliéologie que lesdits docteurs. Cette mesure était évidemment dirigée contre les congrégations religieuses. On n’imposait pas toutefois cette règle aux étrangers, auxquels la faculté ferait, suivant les occurrences, les conditions qu’il lui plairait. Pour justifier cette réorganisation des études théologiques et rendre à l’antique Aima mater le lustre que les réguliers lui disputaient, Filesac publia, en 1620, un petit ouvrage intitulé : Stedulorum sacræ fæalledis theologiæ parisiensis origo prisca. C’est une courte histoire de la célèbre école, pendant le moyen âge en particulier, qui n’est point dénuée de mérite pour le temps. Naturellement, Filesac la montre surtout sous ses beaux côtés. Du reste, le syndic prenait toujours une part active à ses travaux et à ses manifestations. Il était, en 1626, l’un des promoteurs de la condamnation du célèbre ouvrage de Santarelli, De hærcsi, aposlasia et schismale.

A partir de cette époque, il semble s’être consacré à peu près entièrement à son ministère paroissial et à ses publications théologiques. Il avait publié en 1620 un commentaire sur les Commoniloria de saint Vincent de Lérins dans lequel il attaquait surtout les protestants. Dès 1618, il avait conmiencé, sous le titre de Sclecta, une série de petits essais théologiques qui paraissent à intervalles à peu près réguliers, en 1621, Sclcctorum liber primas ; en 1631, liber secundus ; en 1638, l’année de sa mort, liber tertias. Parfois il en détachait un chapitre pour le publier à part. En 1630, sous le titre : Uxor jnsla, il traçait un portrait de la femme chrétienne. En 1633, il justifiait la doctrine pénitenticlle de l’Église calliolique dans son Synlagma de pgenilenlia. Mais il s’attachait de préférence aux sujets théologiques ou historiques qui pouvaient piquer la curiosité. Ainsi, dans les Sclecta, à côté d’une dissertation sur l’immensité de Dieu et les relations de l’âme et du corps, on trouve une étude sur le vêtement blanc des nouveaux baptisés et sur le nimbe des saints. Auprès d’une étude sur la simplicité de la foi chrétienne en comparaison de la théologie des païens, on peut lire une thèse sur la résurrection des hommes qui auront été mangés par d’autres hommes. Il traite des rapports des études profanes avec la science sacrée, défend le style de la Vulgate contre l’accusation de barbarie, fait l’histoire du serment chez les païens et chez les chrétiens, démontre la nécessité du culte extérieur, revient encore une fois à l’obéissance due aux rois et aux tyrans et résume toute la morale en plusieurs petits traités.

En ces dernières années, il n’avait rien perdu de sa renommée. Une historiette de Tallement nous le dépeint rudoyant un émissaire de Richelieu qui l’envoyait consulter sur un sujet de théologie. Il avait eu, toute sa vie, la réputation d’un caractère bourru et instable. Il mourut en 1638.

Registre des délibéralions du bureau de lu tulle de Paris, t. XIV, p. 60 sq. ; Histoire du syndicat d’Edmond Richer, par Richer lui-même, Avignon, 1753, passim ; du Boulay, Historia univcrsilatis Parisicnsis, t. vi, p. 786 ; L KIlics Dupin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du xv/ie siècle, t. I, p..354 sq. ; CIi. Jourdain. Histoire de l’université de Paris aux.m/ ; " et xvai'e siècles, p. 48 sq., 71 sq. ; E. Puyol, Hdnwnd Richer, p. 21)l sq. ; P. Férct, I.a faculté de théologie de Paris. Époque moderne, t. iv, p. 369 sq.

A. HU.MBERT.