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du repas et les tempéraments qui y furent apportés, eu particulier par la pratique de la collation, consacre un chapitre spécial aux coutumes des grecs, et enfin montre la fête de Pâques comme le couronnement naturel de l’institution quadragésiniale. Il y applique déjà la méthode qu’on retrouve dans tous ses ouvrages : procédés d'érudit plutôt que de théologien et même d’historien. L’année suivante, paraît son De origine parœcianun et missa paiœciali commentarius. Il y fait remonter très haut l’origine des paroisses et formule avec une grande rigueur, traditionnelle d’ailleurs dans l'Église gallicane, l’obligation d’assister à la messe paroissiale.

Les publications qui suivent montrent que Filesac prend de plus en plus intérêt aux questions qui, s’agitent alors dans les milieux politiques et théologiques. Le problème des rapports des deux pouvoirs venait d'être posé, de façon aiguë, par les événements. La conversion de Henri IV et sa reconnaissance par le pape et la grande majorité des catholiques avaient donné un aspect plus tliéorique, mais non moins âpre, aux discussions sur ce sujet. Filesac clierche à maintenir en ce point ce qu’il considère connue l’ancienne doctrine de l'Église gallicane. D’abord, dans leDe sacrilegio laico, seu veteris Ecclesia' qullicanæ qiicrda, qui paraît en 1()03. Il dénonce une fois de plus l’abus du pouvoir civil, qui s’empare des biens ecclésiastiques et lesdonne à des laïques pour des fins purement profanes. Deux ans après, il expose ses opinions sur la constitution de l'Église et ses droits dans son De sacra cpiscoporum auctoritatc. C’est l’ouvrage le plus important et le plus caractéristique de Filesac. Il déUnit d’abord le droit que possèdent les évèqucs de censurer les doctrines et les mœurs. A ce droit correspond le devoir de prêclier contre les hérésies et contre les vices et d’excommunier ceux qui sont rebelles à leurs exhortations. Mais ce pouvoir d’excommunier n’est pas le privilège des évoques seuls. Il est, selon Filesac, le droit commun pour les curés à l'égard de leurs paroissiens. Ces droits, qui sont de l’essence de la fonction épiscopale, ne sont pas limités, sinon dans la forme, par le patronage des laïques ni même par les décisions du Saint-Siège. C’est pourquoi ! es évêques gardent tous leurs pouvoirs vis-à-vis de ceux qui ont reçu l’absolution du pape par surprise. De même, ils ne sont pas désarmés en face des jugements rendus par les délégués du siège apostolique. Ils ont, dans certains cas, l’autorité suffisante pour les réformer. Ce droit de censure inhérent à la dignité épiscopale s'étend sur les abbés, les moines et les monastères, et Filesac proteste vivement contre les exemptions et les privilèges revendiqués par les religieux et contraires à l’autorité sacrée des évêques. Il est vrai qu’il y a appel possible de leurs décisions. Au-dessus des évêques, il y a les métropohtains, puis les prinuits, les patriarclies, enfin le pape. Celui-ci juge, en dernier ressort, de la doctrine et des mœurs. Il doit le faire conformément aux canons universellement reçus dans l'Église. Mais sa juridiction ne s'étend pas à tout. Ainsi, en matière bénéficiale, aucune cause ne peut être jugée hors du royaume. Le pape est donc unicquement l’interprète de l'Église universelle dans les questions controversées qui touclient à la foi ou aux mœurs. De ces principes généraux touchant les droits des évêques, Filesac passe aux applications particulières. II ènumère les droits des théologaux et des pénitenciers, les droits des évêques sur les biens ecclésiastiques, sur la visite des réguliers, sur la législation diocésaine, enfin sur la délégation qu’ils peuvent donner toucliant les cas réservés. Bien que l’auteur, en toutes ces questions, s’efforce de faire ressortir le côté moral, cependant, les formules canoniques et juridiques et l’appel constant aux privilèges de l'Église gallicane donnent trop sou DICT. DE THÉOL. CATHOL.

vent à son exposé un caractère déplaisant qui rend la lecture de l’ouvrage fastidieuse.

Cet exposé est tout pénétré de ce que l’on est convenu d’appeler les principes gallicans. Pourtant les circonstances allaient mettre Filesac aux prises avec le représentant, exagéré peut-être, mais logique, du gallicanisme. Mais il faut remarquer que son opposition restera toujours et avant tout aftaire de procédure ; et l’on ne voit pas qu’il se soit jamais prononcé ofiiciellement sur la valeur ou la portée de ces principes. Un mouvement très vif contre les doctrines romaines sur l’autorité du souverain pontife conuuençait alors à se faire jour dans l’université. A sa tête se trouvait le syndic lui-même de la faculté de théologie, Edmond Richer. Les premiers incidents se produisirent à propos de quelques thèses soutenues en Sorbonne par des religieux. Filesac prit part aux délibérations qui précédèrent leur censure et il l’approuva. Jusque-là, il était lié d’amitié avec Richer.

Mais, le 1°=' mars 1608, le syndic voulut faire un pas de plus. En assemblée plénière des docteurs, il demanda l’autorisation de faire imprimer des articles résumant la doctrine traditionnelle de la faculté de théologie de Paris. L^n exemplaire de ces articles devait être distribué à tous les membres de la Compagnie. C'était là décréter une véritable profession de foi qu’il eût été facile d’imposer aux candidats pour les différents grades théologiques. La faculté s'érigeait ainsi en source de la doctrine. Aussi, dès la séance suivante, s'éleva-t-il de nombreuses objections. Filesac en particulier émit l’avis que pareils articles ne pouvaient être formulés et imprimés sans l’assentiment de l'évêque de Paris. Ce dernier était connu conune un adversaire décidé des doctrines et de la personne de Richer. Le syndic, pour un moment, céda.

Mais il n’en continuait pas moins sa campagne contre tous ceux qui soutenaient la théorie opposée, en particulier contre les Pères de la Compagnie de Jésus, dont, au surplus, l’université redoutait la concurrence. Là, il avait toujours Filesac pour allié. L’assassinat de Henri IV vint donner un nouvel aliment à leur passion. Sa conséquence inunédiate fut la condamnation du livre du cardinal Bellarmin, Tractalus de potestate siumni ponlificis in rébus ieniporalibus, par autorité du parlement (ICIO). Dans le courant de IGll, la faculté de théologie censura de son côté toute une série d’ouvrages touchant à l’illustre Compagnie ou se rapportant à la question des deux pouvoirs. Filesac prenait une part active à toutes ces mesures. Le ! '= octobre 1611, il dénonçait lui-même quatre propositions extraites d’un ouvrage intitulé : Trois excellentes prédiealions prononcées an jour et fête de la béaliftcation du fondateur de la Compagnie de Jésus. La censure en fut publiée par ses soins.

Cependant, les dissentiments s’accentuaient entre Richer et Filesac. Le premier venait de faire distribuer à ses amis et à ses principaux collègues de la Sorbonnc son fameux traite De ecclesiastica et politica potestate. Il avait joint à son ouvrage, comme pièces justificatives, d’anciens décrets de la faculté de théologie, notamment une délibération de l’année 142(t contre le dominicain Jean Sarrazin. F"ilesac protesta vivement contre cette publication, qu’il considérait comme une violation des secrets de l’université. Et dès lors, il se joignit aux autres théologiens de la Sorbonne, Duval, Gamaches, qui demandaient la censura de l’ouvrage et la déposition du syndic. Celui-ci attribue un pareil cliangement de front à des visées ambitieuses. Le nonce Ubaldini aurait promis à Filesac l'évêché d’Autun. Mais le caractère intéressé de l’accusation n’est pas fait pour la rendre plus plausible. Et la correspondance même d' Ubaldini ne renferme rien cqui la confirme.

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