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y — FICTION DANS LES SACREMENTS — FIDÉICOMMIS


Il serait, au contraire, l’ermis, après s'être entendu avec le fidèle qui, bien que non absous, croit néanmoins devoir se présenter à la sainte table, de replacer secrètement dans le ciboire l’hostie qu’en apparence on lui présente afin de ne pas trahir son indignité ; il n’y a là ni manque de respect au sacrement, ni injustice envers le sujet ; et, s’il y a une tromperie envers les assistants, c’est dans une matière où ils n’ont pas à connaître la vérité et où on a de graves raisons de la leur cacher.

A plus forte raison, on ne peut blâmer un prêtre qui, pour ne pas dévoiler le secret de la confession, ferait semblant d’absoudre son pénitent mal disposé et, en l’avertissant de ce qu’il fait, se contenterait de le bénir. Bien plus, si cela était nécessaire, le prêtre pourrait même prononcer la formule d’absolution en la corrigeant par un non dit à voix basse. S. Alphonse, n. 59, p. 46 sq.

Enfin les moralistes excusent de péché, mt.lgré l’apparente contradiction de leur solution avec la décision d’Innocent XI, celui qui, par crainte d’un dommage grave qu’il ne pourrait éviter autrement, feindrait de se marier, tout en refusant intérieurement son consentement. Ce n’est pas, en effet, dit saint Alphonse, n. 62, p. 47, manquer de respect à une chose sacrée, puisque, dans le cas, la chose sacrée, à savoir, le contrat matrimonial, n’existe qu’en apparence ; et, si l’autre conjoint et les assistants sont trompés, ils pouvaient trouver dans les circonstances une raison de croire que le consentement donné n'était pas libre.

II. Fiction de la part du sujet.

1° Au point de vue de la validité du sacrement. — Si un sujet capable de recevoir un sacrement reçoit vraiment le rite sacramentel d’un ministre qui veut et peut donner un sacrement, une fiction de sa part ne peut, en général, empêcher le sacrement d'être valide ; elle ne peut qu’en détruire ou en suspendre l’efficacité. Il en serait autrement si la fiction consistait ; dissimuler une inaptitude fondamentale à recevoir le sacrement (comme serait, par exemple, le cas d’un homme qui, n'étant pas baptisé, se présenterait néanmoins à un autre sacrement), ou à feindre des dispositions essentielles à la validité (ainsi qu’il peut arriver dans le sacrement de pénitence).

Au point de vue de la licéité.

Si la fiction porte

sur l’intention ou les dispositions du sujet, s’il vient au sacrement avec une intention mauvaise qu’il cache ou des dispositions coupables qu’il dissimule, il commet un sacrilège par l’indigne réception du sacrement. Si la fiction porte sur la réception même du sacrement, elle est accompagnée d’une fiction corrélative de la part du ministre ; celui-ci fait semblant de donner un sacrement, celui-là fait semblant de le recevoir ; il faut donc appliquer les règles que nous avons posées plus haut.

S. Alphonse de Liguori, Tlieologia moralis, 1. VI, n. 59 « 2, Rome, 1909, t. iii, p. 45-48 ; Hilaire de Sexten, Traclatus /xistoralis de sacramentis, Mayence, 1895, p. 52-54 ; Ballcrini-Palmicri, Opus Iheologicum morale, tr. X, sect. i, n. 63-06, Prato, 1891, t. iv, p. 504-506 ; Lehmkulil, Tlieologia moralis, part. II, n. 44-45, Fribourg-cn-Brisgau, t. ii, p. 3.'534 ; Génicot, Tlieologice moralis instilutiones, part. II, n. 124, Louvain, 1902, t. ii, p. 130-131 ; Noldin, Sitmma Iheologiæ moralis, part. III, n. 38-39, Inspruck, 1911, t. iii, p. 40-42.

L. GODEFROY.

    1. FIDÉICOMMIS##


FIDÉICOMMIS. — I. Dans le droit romain. II. Dans le droit français.

I. Dans le droit romain. — Le fidéicommis, tel que le définit le droit romain, est une disposition par laquelle le testateur prie son héritier naturel ou l’héritier institué par lui de transmettre à un tiers une part ou la totalité de l’héritage qu’il lui donne. Cette prière ne créant pas une obligation juridique, c’est à la bonne foi et à la conscience qu’il s’adresse. On nom mait héritier fiduciaire celui qui avait charge de transmettre, et fidéicommissaire celui qui était appelé à recevoir. Les expressions caractéristiques du fidéicommis étaient : vola, mando, rogo, fidei tuse commillo.

La loi romaine ne sanctionnant cpie les dernières volontés contenant un ordre positif et formel, cette disposition fut d’abord et resta longtemps sans garantie légale. De là beaucoup d’abus de confiance. l’our remédier à ce désordre, Auguste le premier confia aux consuls l’exécution de certains fidéicommis particuliers ; puis il ordonna qu’un préteur spécial, le pnelor fuleicommissarius, serait chargé de régler toutes les difficultés relatives à ces affaires. Des formules consacrées par l’usage pour établir un fidéicommis, aucune n'était obligatoire. Le testateur pouvait manifester son intention, soit de vive voix, soit par écrit, soit même par un geste. L’ipien, xxv, § 3. Pour faire la preuve d’un fidéicommis non écrit. Théodose le Jeune, 1. VIII, § 3, De cod., vi, 36, exigea le témoignage de cinq personnes. Justinien permit que le serment fût déféré à l’héritier fiduciaire. Mais le fidéicommissaire devait prêter d’abord le serment de culumnia, c’est-à-dire jurer qu’il n’agissait pas par esprit de chicane.

Le droit romain distinguait deux sortes de fidéicommis : le fidéicommis d’hérédité et le fidéicommis particulier. Dans le premier cas, l’héritier fiduciaire devait restituer la totalité ou une quote-part de l’héritage ; dans le second, c’est un objet particulier contenu ou non dans l’héritage qu’il devait transmettre.

Pour assurer l’exécution des dernières volontés du testateur, et en même temps pour déterminer les droits et les obligations réciproques de l’héritier, du fidéicommissaire et des créanciers, diverses dispositions furent prises, sous Néron en 62 (sénatus-consulte Trébellien), sous Vespasien en 73 (sénatus-consulte Pégasien). Enfin Justinien assimila les fidéicommis aux autres legs. Institutes, 1. II, tit. xxiii-xxiv, § 7-9.

II. Dans le droit français.

Le fidéicommis est

une disposition par laquelle le testateur charge une personne gratifiée en premier ordre (l’institué ou le grevé) de rendre la chose reçue à une autre personne (l’appelé) gratifiée en second ordre. Par ce moyen, le donateur dispose du même bien en faveur de deux personnes qui auront droit d’en jouir successivement. C’est par là que le fidéicommis français se distingue du fidéicommis romain et de la fiducie. Le caractère commun à ces diverses dispositions est qu'à la première personne appelée à recueillir la libéralité, une autre un jour doit être substituée. Le fidéicommis implique donc une substitution ; par suite il est régi par l’art. 896 de notre Code civil ; il est licite ou non, selon que la substitution qu’il contient est elle-même permise ou non.

Dans l’ancien droit français, cette manière de transmettre la propriété était encouragée par la loi, ainsi que le droit d’ainesse dont elle était le complément ; elle était favorable aux grandes familles sur lesquelles la monarchie s’appuyait de préférence. Il était permis au père de léguer à son fils une partie déterminée de son patrimoine à charge pour celui-ci de conserver ce dépôt et de le transmettre à l’un de ses descendants désigné par le testateur. Le patrimoine ainsi légué devenait inviolable entre les mains du premier héritier ; il pouvait se transmettre de la même manière à la génération suivante et demeurer ainsi indéfiniment dans la même famille. Si le bien était donné avec charge de le transmettre à une seule personne, c'était la substitution simple. Il y avait substitution graduelle, quand le donateur imposait l’obligation de transmettre le bien reçu à plusieurs personnes appelées à en jouir successivement : l’aïeul, par exemple.