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mais surtout à lui-même : nihtl unquam cœlcris sludeo siiadere qiwd non milii ipse anle persuaserim ; sacerdods officium est nihil loqui nisi qiiod ad pielatem conducere videatur. Epist., 1. V, fol. 122 b. Cf. col. 123 b : Deiim velle sacerdoies siios esse omnium severissimos, 'ct ses conseils à un archevêque et à un cardinal nouvellement promus, 1. I, fol. 42 ; 1. V, fol. 130 6-132, ainsi que son éloge d’un cardinal défunt, 1. XI, fol. 218 b. Tous ces traits ne conviennent pas à un pseudo-chrétien. Sa vie, du reste, ne démentit pas son langage. L. Pastor, tout en faisant de graves réserves sur son platonisme, écrit sans hésiter qu’il fut « croyant de la tête aux pieds et prêtre sans reproche. » Histoire des papes depuis la fin du moyen âge, trad. F. Raynaud, t. v, p. 151. Et Ficin a exprimé magnifiquement le fond de sa pensée et comme mis à nu son être intime quand, invité à défendre la religion, il répondit qu’il y travaillerait de son mieux, non quia religio hujusmodi defensoribus egeat…, sed quia tune solum felieiter vivere, imo tune solum viucre mihi videor cum de divinis scribo aut loquor aut cogito. Epist., 1. I, fol. 28 a. Ce qui nous reste à dire du traité annoncé par ces lignes achèvera de nous édifier pleinement sur son christianisme.

3° Le De religione christiana et fidei pietate de Ficin. — C’est le premier en date (1474) des traités De vera religione ; le Triumphus erucis sive de veritate fidei libri IV de Savonarole, qui poursuit, sur un plan plus vaste, le même objet, n’est que de 1497. Cf. A. Décisier, L’apologétique de Savonarole, dans les Éludes, Paris, 1910, t. cxxiv, p. 488. Ficin le composa dés le commencement de son sacerdoce et, plus tard, le traduisit du latin en langue italienne. La dédicace à Laurent de Médicis nous renseigne sur les pensées qui le guidèrent. Il gémit sur le divorce entre la science et la religion. Le savoir est passé en grande partie aux profanes et mérite le nom de malice plus que celui de science. Les perles très précieuses de la religion sont maniées par des ignorants ab hisque ianquam suibus conculcantur, sœpe enim iners ignorantum ignavorumque cura superslitio potius quam religio appellanda uidetur. Combien de temps supporterons-nous cette condition dure et misérable ? Liberemus, obsecro, quandoque philosophiam, sacrum Dei munus, ab impieiate, si possumus ; possumus autem si volumus. Religionem sanctam pro viribus ab exeerabili inscitia redimamus. Horlor igitur omnes atque precor philosophos quidem ut religionem vel capessant penitus vel altingant, sacerdoies autem ut légitimée sapientix studiis diligenier incumbanl. Ne voilà-t-il pas un beau programme d’humanisme chrétien ? Ficin, pour son compte, a tenté et ne cessera pas de tenter de le remplir, non meo quidem ingeniolo.sed Dei elementiæ viribusque confisus, et il écrit le De religione pour se concilier davantage la grâce divine, pour être agréable à Laurent, son protecteur, et mihi ipsi non deessem, fol. 2.

Cet écrit se divise en trente-sept chapitres. On pourrait y distinguer deux parties : la I", c. i-xxv, contre les incrédules, la IP, c. xxvi-xxxvii, contre les juifs et les musulmans (le c. xxxvi est contre ces derniers). L’apologétique antijuive n’est pas très neuve. Elle avait inspiré, le long des siècles, une vaste littérature qui avait surtout mis en valeur l’argument des prophéties. Ficin la résume clairement. Il faut le louer de n’avoir pas fait état de la cabbale ; son disciple, Pic de la Mirandole, et nombre d’apologistes contemporains, furent moins circonspects. On ne saurait être surpris de le voir admettre l’authenticité des lettres du Christ et d’Abgare, c. xxvii, fol. 38 a, de la donation de Constantin, c. xxviii, fol. 41 « (à remarquer un passage sur le pouvoir temporel des papes), des miracles de Vespasien,

c. XXIX, fol. 42 b, du récit d’Aristée sur les Septante, c. XXX, fol. 44 b, du texte de Josèphe sur le Christ, c. XXX, fol. 45 6-46 a. La l"^ partie est plus originale. Ficin y combat les incrédules, ces averroïstes et ces aristotéliciens alexandristes qu’il attaque dans la Theologia platonica et qu’il ne nomme pas ici, mais qu’il a en vue, ces partisans d’une théorie émise jirimitivement par des auteurs arabes et juifs et d’après laquelle chaque religion, le cliristianisme y compris, dépendrait des astres, c. ix. fol. 9 6-10 ; cf. Epist., 1. VII, fol. 166 6-169 ; J. Burckardt, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, trad. Schmitt, t. ii, p. 299, et, en général, tous les ennemis de la révélation. Voici la manière dont il expose la genèse de l’incrédulité, c. iii, fol. 3 6-4 a. Si l’enfant est religieux, l’adolescent court risque de rejeter la religion quand les études auxquelles il se livre ou les discours qu’il entend l’habituent à ne vouloir accepter que ce que la raison atteint. Les clioses divines demandent, pour être saisies, le temps, une diligence exquise, la pureté de l'âme. Se fiant à leur raison seule, les jeunes gens en arrivent à négliger la religion. S’ils s’abandonnent à l’orgueil et à l’impureté, ils ne voient plus dans la religion que des contes de vieilles femmes, 71î71(7 amplius de religione nisi tanquam de anilibus fabulis cogitantes, tandis que, s’ils sont modestes, réfléchis, purs, ils deviennent, à mesure que les années les mûrissent, de plus en plus religieux. Ficin établit que l’homme est un être essentiellement religieux et que le christianisme est divin. Il le prouve par le caractère du Christ et des apôtres, par la conversion du monde, la perpétuité de l'Église, les miracles, la beauté des Écritures, les convenances du mystère de l’incarnation, l’enseignement et les actes du Sauveur, l’efficacité de sa doctrine. Arguments internes et arguments externes, tout ce que l’apologétique chrétienne devait reprendre, développer, perfectionner, se trouve renfermé dans ce petit écrit. Tout n’y a pas la même valeur. La discussion est parfois trop sommaire. L'érudition, comme on pouvait s’y attendre, porte la date de son temps. Dans un c. xi, fol. 13 6-15 a, qui contient en raccourci l’Histoire de l'établissement du christianisme tirée des seuls auteurs juifs et païens de BuUet, Lyon, 1764, il accumule des témoignages qui ne sont pas tous recevables. Il simplifie à l’excès l’argument tiré de la mort des persécuteurs, c. xi, fol. 14 6. Il se réclame longuement des sibylles, c. xxiv-xxv, fol. 22 6-24 a. Il reproduit sa thèse sur les ressemblances du platonisme et du néo-platonisme avec la religion chrétienne et sur les emprunts des néo-platoniciens à saint Jean et à l’Aréopagite, c. xxii, fol. 21 6. Mais il est inexact de dire, avec O. Zockler, Geschichte dcr Apologie des Christentums, Gutersloh, 1907, p. 296, que le De religione christiana « se fonde sur une base essentiellement néo-platonicienne » et que, « si l’esprit n’en est pas directement non chrétien, cet ouvrage est fortement mêlé de spéculation platonicienne, » ou, avec A. Tanquerey, Synopsis theologiæ dogmaticas fundamenlalis, 13'= édit., Rome-Paris, 1910, p. 35, que l’auteur y a tenté la conciliation de la philosophie de Platon et de la foi clirétienne. Sauf un court paragraphe sur les analogies entre le christianisme et le platonisme ou le néo-platonisme, rien ne rappelle ces systèmes ]ihilosophiques. Zockler, p. 294-295, cite comme empreint de platonisme le c. i, fol. 2 6-3 a : Religio maxime homini propria est et veridica, et comme purement néo-platonicien le c. iv, fol. 4 : Omnis religio boni habet non niliil modo ad Deum ipsum creatorem omnium dirigatur ; christiana sincera est. Or le c. I se borne à développer cette idée, qui n’est pas spécifiquement platonicienne, à savoir cpie l’homme est un être religieux, et le c. iv n’est pas le moins