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FIANÇAILLES


II. Histoire.

Comme fait, sinon comme instiluUon, les fiançailles sont, pour ainsi dire, de droit naturel. Il est bien concevable qu’un engagement aussi grave que celui du mariage soit préparé par le préliminaire des fiançailles. Des pourparlers préalables devaient conduire les deux futurs époux ou leurs parents à s’entendre en vue du mariage futur, et à promettre que ce mariage aurait lieu dans un laps de temps plus ou moins strictement déterminé entre les parties. Aussi constatons-nous chez les peuples les plus divers l’existence des fiançailles. D’autre part, les fiançailles n’existant pas pour elles-mêmes, mais en vue du mariage, étant une sorte de cadet du mariage, leur législation dépendra en plus d’un point de celle du mariage, et elles seront décidées normalement par ceux à qui appartient la décision première sur le mariage. Dans les sociétés où le paleiiamilias, de quelque nom qu’on le nomme, marie son fils ou sa fille, c’est lui encore, non le fiancé ou la fiancée, qui fait au nom de ceux-ci la promesse de mariage. Il en est ainsi dans les plus vieilles lois, par exemple, dans le Code de Hammoiirabi : « Si un homme a choisi une fianvée pour son fils, » a. 155, 156 ; « si le père de la fille dit : Je ne te donnerai pas ma fille, » a. 160. Le Code de Hammourabi contient, en elTet, une législation des fiançailles qui les montre existant déjà comme institution. Cf. La loi de Hammourabi. trad. V. Scheil, 1906, a. 155 sq. — Chez les Hébreux, les fiançailles existaient aussi comme institution. Après les pourparlers requis entre les parents (et l’alTaire était conclue sans que les deux intéressés se fussent vus, ce n’est que lorsque le choix de la future épouse était arrêlè qu’on demandait à celle-ci son consentement), les fiançailles étaient célébrées avec une certaine solennité ; le fiancé remettait à la fiancée ou à son père un anneau d’or ou quelque autre objet de prix, et un festin terminait la fête. Le mariage suivait, à l’origine, après un laps de temps assez court, plus tard au l)out de douze mois ; mais dès le jour des fiançailles la fiancée appartenait à son fiancé et lui devail fidélité. Ces fiançailles entraînaient donc une obligation plus ferme que les fiançailles chrétiennes Voir Dielionnaire de la Bible, art. Fiançailles, t. ii, col. 2'230 sq. — Chez les Grecs, nous constatons, d’après quelques auteurs, non seulement le fait des fiançailles, mais encore qu’elles étaient accompagnées de cérémonies religieuses accomplies parfois au temple où l’on olïrait un sacrifice. Mais selon d’autres, l’engyés, dans laquelle on a voulu voir des fiançailles, aurait eu plutôt le caractère de mariage. Cf. art. Malrimoiiium, par Cil. Lécrivain, dans le Diclioiinairc de Daremberg et Saglio.

Les Romains nous présentent toute une législation des fiançailles. On a donné plus haut la définition des sponsalia par le Digeste. Cf. aussi Cod.. 1. V, lit. m. De donal. ante nuplias. oel propler nu plias, et sponsaliliis, surtout 1. 16. Il n’y avait toutefois aucune obligation de faire précéder le mariage de fiançailles ; mais une fois contractées les fiançailles allaient plus loin qu’un simple paclum de conlrahendo, car elles donnaient, en particulier, au sponsus, le cas échéant, contre sa sponsa. un droit à l’accusation d’adultère. Diyestc, 1. XLVIII, tit. v, 1. 13, § 3, etc. — Chez les Germains, les fiançailles existent aussi comme institution. Selon une opinion courante, voir Freisen, (jesehielUe des eanonisclien Eherechls, p. 103 sq., elles auraient été obligatoires, ce qui ne semble pas rigouleusement prouvé pour tous les cas. Ch. Lefebvre, J.erons d’introduelion (jénérale à l’hisloirc du droit matrimonial français, fasc. 2, p. 382 sq. Elles auraient consisté en une convention conclue entre le tuteur de la jeune fille et celui qui la demandait en mariage. Par cette convention le tuteur s’engageait ù livrer la

jeune fille et le pouvoir qu’il avait sur elle : le mundium ; et l’autre partie s’engageait réciprociuemeiit à verser la dot convenue et à recevoir la jeune fille chez soi. Nous n’avons pas à exposer ni à dirimer les interminables controverses soulevées sur cette question dejiuis trente ou quarante ans. Il suffit ù notre dessein de constater l’existence de fiançailles comme préliminaires réguliers du mariage.

L'Église, naturellement, pratiqua la législation sociale telle qu’elle la trouva. Mais il est malaisé de citer sur ce point, à l’origine, des textes bien explicites. Le texte de saint Ignace, Ad Polyearp.. c. v. n. 2, Funk, Patres apostoliei. Tubingue, 1901, t. i, p. 292, que l’on cite parfois, vise le mariage plutôt que les fiançailles. Plus tard, nous constatons certainement l’existence des fiançailles reconnues et sanctionnées par l'Église : le concile d’Elvirc (vers 300), can. 54, prive de la communion durant trois ans les parents qui enfreignent les promesses des fiançailles des futurs époux. Beeret. Gratiani. caufi. XXXI, q. iii, c. i ; il est question également de fiancées dans le can. Il du concile d’Ancyre (314). Depuis lors l’existence normale des fiançailles ne fait plus aucun doute. De plus, nos législations séculières modernes tiennent de moins en moins compte des fiançailles, de sorte que non seulement en principe, mais en fait, l'Église seule est maîtresse de la discipline des fiançailles.

Quel était le rite (je prends ce mot sans lui attacher un sens ecclésiastique) con.stitutif des fiançailles, il est malaisé de le dire. Il n’y avait pas de forme spéciale prescrite pour la validité. Les juristes et les canonistes avaient sans doute donné un schéma dans ces formules qu’ils citent souvent à titre d’exemple : i Accipiam te in meum…, accipicmi te in meam. Mais 1 rien ne prouve que cette formule si simple ait prévalu ni qu’elle ait été ordinaire. Tout ce qui indiquait l'échange d’un consentement mutuel dans la promesse d’un mariage futur suffisait. Bien plus, les nombreux textes qui nous montrent les parents liant leurs enfants à leur insu par des promesses d’un futur mariage étonnent nos façons présentes de voir. Enfin les fiançailles, le plus souvent, ne consistaient pas en un seul acte, mais en une foule d’actes successifs, envoi et acceptation de l’anneau, de présents, stipulation de conventions et d’engagements, etc., qui, aux yeux des gens, formaient comme un seul tout. La qualité purement, exclusivement consensuelle, de l’acte, ne fut établie indubitablement cjue plus tard, comme ce fut aussi surtout après le conflit des théories de Gratien et de Pierre Lombard que ressortit la distinction indiscutable entre les sponsalia de præsenti (le mariage) et les sponsalia de fuluro (les fiançailles proprement dites). Voir Mariage. En efi’et, c’est vers la fin du xiiie siècle que la distinction verbale très nette entre les deux espèces de sponscdia apparaît dans une décrétale du pape Urbain III (1185-1187), X, De conjugio leprosorum, c. 3 : …utrum, si post spossalia DE Furuim inler alignas légitimas personas eontracta. antequam a viro mulier truducalur… Pendant quelque temps encore, le langage courant désigna par le nom de sponsa, non seulement la fiancée, mais aussi la femme mariée qui n’avait pas encore eu les relations conjugales ; toutefois ce dernier reste de confusion ne dura guère, et le mot sponsa au sens technique ne désigne plus que la fiancée per verba de juturo. Il y a toute raison de croire que les rites particuliers de la bénédiction des fiançailles, que l’on rencontre dans un certain nombre de diocèses, sont relativement modernes, quelque caractère d’obligation que les lois diocésaines veuillent leur donner.

III. Discipline canonique.

Quand les fiançailles furent bien distinguées du mariage, on s’efl’orça d’en marquer plus nettement le caractère et les obli-