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FEU DU JUGEMENT — FEU DU PURGATOIRE

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Il faut comprendre leurs paroles en un sens néijaiil : le feu de l’enfer, parce qu’il respectera les élus, sera comme une preuve de leur sainteté. D’ailleurs, il est possible que ces docteurs parlent du feu du purgatoire, qui n’atteint, parmi les justes, que ceux qui pourraient encore avoir besoin de purification ; peut-être aussi n’ont-ils envisagé que l’hypothèse d’un feu métaphorique, fait de tribulation et d’angoisse.

Sur la question du feu réel du jugement, par lequel tous, justes et impies, devraient passer, Bellarmin, De piirgalorio, 1. II, c. i, est aussi affn-matif que Suarez : cette doctrine, entendue sans restriction, serait manifestement erronée. Mais, Origène excepté, les autres Pères doivent s’expliquer dans un sens orthodoxe ; saint Hilaire, saint Jérôme et saint Ambroise, In ps. r XVI II, serm. xx, ont parlé du feu métaphorique du jugement ; Lactance et saint Ambroise, dans les autres textes cités, parlent du feu du purgatoire, et en un certain sens on peut tolérer l’aflirmation que les justes passent par le feu du purgatoire, pourvu qu’on entende ce passage maléricUemenl et non formellement. Il s’agirait donc, dans la pensée de Bellarmin, d’une épreuve dont le feu serait l’instrument réel ; néanmoins, ajoute-t-il, hanc senientium, qitæ docct omnes transituros per ignem, licet nuiV omnes lœdenili sint ab igné, nec auderem pro vera assercre, nec ut errorem iniprobare.

Quant au feu qui accompagne le jugement, Suarez, lac. eil., n. 6, s’appuyant sur l’autorité de saint Augustin, De eivitate Dei, 1. XX, c. xxx, n. 5, P. L., t. XLi, col. 708, pense qu’il est réel, mais qu’il sera, dans ses eficts, postérieur au jugement. Comment concilier la scène grandiose du jugement avec les ravages du feu de la conflagration, la purification du monde déjà accomplie et les imprécations des damnés non encore jugés ? Toutefois il concède que le feu de l’enfer pourra dès la résurrection, donc avant le jugement, saisir les corps des damnés, loc. c17., n. 10. Ainsi l’on pourrait dire que ce feu sert à distinguer, au jugement, les bons d’avec les mauvais. Pour Suarez, le feu précédera le Christ, dans le but de terrifier davantage les mauvais et de faire resplendir la majesté du juge. Qu’il s’agisse d’un feu réel, Suarez croit pouvoir le déduire avec assez de probabilités des passages suivants, Ps. xlix, 3 ; xcvi, 3 ; Il Thess., i, 7, 8 ; mais cette déduction ne s’impose pas. Voir col. 2239.

Les théologiens contemporains en sont restés à peu près à la position des scolastiques. Ils admettent, peut-être sur l’autorité du Cutéelùsme du concile de Trente, 1. I, c. ii, n. 6, qu’avant le jugement, les hommes mourront tous sans exception ; cette opinion, dit le cardinal Billot, De novissimis, Rome, 1908, q. VII, th. XII, est lonye probabilior ; voir cependant F. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 504, note 3 ; et bien que Suarez, loc. cit., n. 4, n’admette pas la nécessité de recourir au feu pour provoquer la mort des derniers hommes, c’est à l’explication <le saint Thomas que l’on s’en tient encore généralement. De même, les théologiens admettent que le feu de la conflagration purifiera les derniers justes qui n’auront pas le temps de passer au purgatoire ; c’est en ce sens qu’ils interprètent généralement I Cor., III, 13-15. "Voir Feu du puRGAToinE. Mais il convient, quelle que soit l’opinion particulière qu’on professe sur ces deux points, de signaler ici que cette manière de voir ne s’impose pas et que certains exégètes la considèrent comme plus diflicilement conciliable avec le sens littéral de I Thess., iv, 15. Cf. I Cor., XV, 52-53. Voir F. Prat, op. cit., p. 504-509, et Mort. En tous les cas, la doctrine de Suarez, n’admettant qu’un feu postérieur au jugement, supprime toute dilliculté en laissant le champ ouvert

aux hypothèses théologiques concernant ces points spéciaux librement débattus.

Les commentateurs du Maître dos Sentences, 1. IV, dist. XLVII ; Suarez, In III'" Stini. S. Tliomæ, disp. LVII, sect. i ; Bellarmin, Controitersia.', De piirgnlorio, I. II, c. i ; L. Atzberger, Geschichte der christliclieii Eschatologie innerlialb der vornicànischeii Zeii, Fribourg-en-Brisgau, 1896 ; ïixeront, Histoire des dogmes, Paris. 1909, t. i, ii ; F. Prat, Lu théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, note G ; t. ii, p. 514 ; Knabenbauer, Commentariiis in prophelas minores, Paris, 1886, t. ii ; Cornely, Commentaritts in S.Pauli apostoli epistolas, Paris, 1892, t.ii ; G. Anrich, Cfeme/is nnd Origenes als Begriinder der Lehre vom Fegfcuer, dans Theologischen Abhandlungen, Tublngue, 17 mai 1902.

A. Michel. 3. FEU DU PURGATOIRE. Tout ce qui concerne la durée et l’intensité du feu du purgatoire sera étudié à l’art. Purgatoire. Sur la nature et le mode d’action du feu du purgatoire, il suffit d’appliquer les principes énoncés à l’art. Feu de l’enfer. La seule question que l’on doive aborder présentement est celle de la réalité du feu du purgatoire. Nous laissons délibérément de côté les théories protestantes et rationalistes qui nient, non seulement l’existence du feu, mais encore celle du purgatoire lui-même. Pour donner au problème sa portée exacte, nous devons donc : 1° exposer la négation de l'Église grecque ; 2° discuter cette négation à la lumière de la tradition ; 3° conclure.

I. NÉGATION DE l'Église grecque. — La question du purgatoire, telle qu’elle se pose entre l'Église latine et l'Église grecque, est très complexe ; elle sera traitée à l’art. Purgatoike. Il ne s’agit ici que de la réalité du feu du purgatoire. Le problème est dès lors singulièrement simplifié, car, quelles que soient les différentes conceptions des théologiens grecs sur le purgatoire (qu’ils admettent en réalité, bien qu’ils le nient souvent en paroles), tous semblent d’accord pour aflirmer que la peine des sens n’y est point causée par un feu véritable ; pour eux, il n’y a pas de feu expiatoire hors de l’enfer.

1 » Position doctrinale des grecs relativement cui feu du purgatoire. — Les discussions entre latins et grecs, touchant le purgatoire, remontent au XIII'e siècle, mais c’est seulement au concile de FerrareFlorence (1438) que, pour la première fois, la divergence relative au feu éclate nettement entre les deux Églises. Les grecs avaient réuni leurs arguments contre le feu du purgatoire dans un libelle tlepl xaOapTriÇi’o’j TtupuSî, exhibé par eux, d’abord ù Bâle, ensuite à Fcrrare, et qui fut faussement attribué au moine Barlaam. Arcudius, De igné purgatorio adi’ersas Barlaam, Home, 1637, en a reproduit le texte qu’il réfute ensuite. Voir t. i, col. 1773. Des déclarations de Marc d'Éphèse et de Bessarion, il résulte que la divergence porte, non sur la réalité d’une peine temporelle dans l’autre vie, mais sur sa nature. Au nom des grecs, Marc s’exprime ainsi : Itali et in præsenti sœeulo ignem falentur, purgationcmqnc per ignem (le feu temporaire, avant la fin du monde) et in futuro ignem falentur, non tamen purgatorium, sed œternum (le feu de l’enfer, éternel, mais non purificateur)… Al Grœci, in futuro lantum (c’est-à-dire dans l'éternité, après la tin du monde) opinantur ignem : pœnamque aninuu-um temporcmeam, quod scilicct peccatis obnoxiorum unimæ in lociim abeant tenebricosum, in locum mauoris, in quo ad tempus l’ersentur in mœrore et pœnis, divino lumine privalx ; purgentur vero… precibus et sucrificiis sacerdolum, ac ckemosi/nis, non autem igné ; neque enim Gneei fedentur actionem ignis, ut Itali ; sed operatur tantum oralio, deprecatio et elxmosyna. Est igitur hœc inler eos differentia : Grœci enim pœnam, mœrorem cl locum pœna' as.'ierunl, sed ao.v peu layEM, Itali