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FEU DU JUGEMENT


Rapprocher de cette conception primitive l’exclamation de Mélhodius dans saint Épiphane, Hxr., Lxiv, P. G., t. XLi, col. 1151, sur ce verset du ps. Lxv, 12, transi vi mus per ignem et aqiiam : Qiio uliiuim j ci milii jMeilwdio iisiirpaïc aliquando liceal, omnipotens Deiis… cum in die tua per igncni sine iillo dolore transiero et aqnarum c/iiæ. in urendi naturam mulatæ siint, impelum effuyero. Bon nombre de Pères, surtout dans les premiers siècles, semblent avoir vii, dans le feu du jugement, une réalité. Le feu serait l’instrument par lequel Dieu discernerait les bons des méchants, et tous, indistinctement, doivent passer par le feu pour être éprouvés. Ceux que le feu respecte ou purifie sont les élus ; les autres, les damnés, deviennent la proie des flammes éternelles. C’est en ce sens qu’ils interprètent ordinairement I Cor., m, 13. On a voulu voir, Cliabauty, Éludes sur l’avenir de l'Église catholique, Poitiers, 1890, t. i, p. 157, cf. Cornely, In S. Pauli apostoli epistolas, Paris, 1890, t. II, p. 88, le feu du jugement dans la/)irf « f/ ; è, xvi, 5 : Tune véniel crcatura Iv>minum in ignem prohalionis, y.LLCTi ; Tùiv avOpwTrwv si ; ttjv Tc’jpwuiv Ty]Ç ooxiaaiTLa ;, surtout en lisant xpiatç (j’udiciunt) au lieu de /.rî^i :. Voir Hilgenfeld, Doclrina xii nposlolorum, Leipzig, 1884. Mais le contexte indique clairement qu’il ne s’agit ici que d’une épreuve temporaire de la foi, épreuve appelée feu par métaphore. Voir Funl<, Patres upostoliei, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 30. Cf. I Pet., IV, 12 ; Zach., xiii, 8, 9 ; II Cor., xiir, 3. L’opinion du feu réel au jugement est attribuée à Origène, et cette attribution est exacte si le « baptême de feu » par lequel tous les hommes doivent passer, après leur mort, signifie le jugement de Dieu. Sur la pensée d’Origène, voir Huet, Origeniana, 1. II, q. xr, n. 2, dans P. G., t. xvii, col. 999-1000. Les textes d’Origène auxquels il faut se reporter sont les suivants : De principiis, 1. II, c. vi, P. G., t. xi, col. 238-239 ; In Lue., homil. xxiv ; cf. homil. xiv, P. G., t. XIII, col. 180-1-1805, 1835, 1836 ; / ;  !./ « -..homil. ii, n. 3, ibid., col. 282 ; In ps. xxxvi, homil. iii, n. 1, P. G., t. XII, col. 1337 ; In Exod., homil. vi, n. 3, 4, ibid., col. 334-335 ; In iVum., homil. xxv, n. fi, ibid., col. 769, 770. La doctrine en a été exposée et discutée à l’art. Baptême par le feu, t. ii, col..'158. Il s’agit bien, pour Origène, à la fin du monde, d’un feu matériel, voir L. Atzberger, Geseldelde der ehristliclien Eselialalogie inncriudb der ponicdnisehen Zcil. F’ribourgen-Brlsgau, 1896, p. 407. Saint Justin, Apol., ii, 7, P. G., t. VI, col. 455, parle plus clairement de l'épreuve qui a lieu par le feu du jugement, tô TtOp -o zf, ; y.pitJstD ;  ; mais il semble bien que ce feu soit celui de la conflagration. Saint Hippolyte, Z)t' C/irîsfo et Antieluislo, 5, P. G., t.x, col. 733, parle dans le même sens du feu qui doit embraser le monde, yj toû <Tjij.7r2VTo ; Y.6<71.'rj 6/.TtJp(o(T'. ;. Parmi les Pères latins, Lactance, Div. instit, 1. VII, c. XXI, P. L., t. vi, col. 801, entend certainement le feu du jugement dans un sens réaliste : sed et justos cnni judieaveril, ctiani in igni eos e.vaminabit. Tuni quorum peecuta vcl pondère vel numéro prfevaluerint, perslringentur igni cdque comburentur ; quos auleni plena juslitia et malurilas virtutis ineoxerit, ignem illum non scntient ; luibent enim aliquid in se Dei quod vim llammæ repcllal ne respuat. Saint Métliode d’Olympe est du même avis, De resurreclione, frag. i, P. G., "t. XVIII, col. 288 ; frag. iv, (/ » ((/., col. 315 ; cf. Conviv., orat. x, n. 4, col. 200. Voir la même doctrine dans Commodien, Instruct. adv. gent. deos, xliiXLV, P. L., t. V, col. 234, 236, doctrine qu’on trouve déjà dans les Oracula sibyllina, 1. II, ꝟ. 25'2-255, 313316 ; 1. Vin, t. 410 sq., dans J. Gefïcken, D(c Oracula sibyllina, Leipzig, 1902, p. 40, 168. Sur tous ces textes, consulter Atzberger, op. cit., p. 406, 483, 504, 563, 605.

DICT. DE TUÉOL. CATIl 01,.

Après le concile de Nicée, on peut encore trouver une allusion au feu du jugement, parmi les grecs, chez saint Basile, De Spiritu Sancto, c. xv, n. 36, P. G., t. XXXII, col. 131, où ce Père appelle, dans un sens évidemment métaphorique, ignis baptisnmm probalionem quæ fiel in judicio ; chez saint M.axime, qui semble faire allusion à un jugement particulier, succédant au trépas, jugement dans lequel les hommes dont les œuvres sont mêlées de bien et de mal seront purifiés par la crainte comme par le feu, Quæstiones cl dubia, interr. x, P. G., t. xc, col. 792 ; voirTixeront, op. cit., t. III, p. 270 ; chez saint Cyrille de Jérusalem, Cal., XV, n. 21, P. G., t. xxxiii, col. 897, 900, dans un sens plus réaliste : Véniel Filius bominis, fluvio igneo quo prohantur homincs traclim decurrenle. Si quis cmrea habcl opéra, illustrior fiel ; si quis stipulée similem ac solidilale destituiam operulionem habuerit, ab igné comburetur. Saint Athanase, Orat. de incarnatione Verbi, n. 57, P. G., t. xxv, col. 198, parle du feu préparé aux pécheurs au jour du jugement, tô (â[ ;.apToXà)v) TtOp iv T/j -r^tj.ipa t', -/.ptcrEw ;  ; niais il s agit ici du feu de l’enfer auquel le jugement de Dieu condamnera les méchants. Parmi les latins, nous devons encore citer saint Ambroise : omnes igné cxcmiinabuntur, dit-il, sans excepter Jésus-Christ lui-même et les apôtres ; les saints qui sont déjà dans le ciel n’y sont entrés en effet qu'à travers le feu du jugement. In ps. cxviii, serm. iii, 14-16 ; serm. xx, 12-14, P. L., t. XV, col. 1227-1228, 1487-1488 ; In ps. xxxvi, n. 26, P. L., t. XIV, col. 980. Voir Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 345-346 ; Niederhuber, Die Eschatologie des hl. Ambrosins, Paderborn, 1907, p. 28 sq. Au nom de saint Ambroise, il faut ajouter ceux de saint llilairc, /n ps. cxviii, litt. iii, n. 12, P.L., t. ix, col. 522 ; cL In Matlh., ii, n. 4, P. L., t. ix, col. 926 ; de saint Paulin de Noie, Episl., xxviii, ad Severum, n. 1, 2 ; Poem., vii, 32, P. L., t. lxi, col. 309, 449, et probablement aussi de saint Jérôme, In Amos, 1. III, c. VII, V. 4, P. L., t. xxv, col. 1071. Voir Huet, Origeniana, . II, c. II, q. XI, n. 8, P. G., t. vii, col. 1000-1009. Ces Pères s’appuient constamment sur I Cor., iii, 13-14. Voir Cornely, In S. Pauli epistolas, Paris, 1890, t. II, p. 88 sq. Saint Césaire d’Arles, dans le serm., civ, inséré dans les œuvres de saint Augustin, P. L., t. xxxix, col. 1916, enseigne que le feu purifiera les justes au jugement ; mais il paraît bien ne parler que des justes dont les péchés ne sont pas encore entièrement effacés. Saint Éphrem, par contre, voir Opéra, Rome, 1734-1746, t. iii, p. 299 ; Hijnmi et scrmones, IMalines, 188'2-1889, t. ii, p. 421, admet que tous les hommes, après le jugement, traverseront le feu qui sort du goulTre de l’enfer ; ce feu respectera les justes et retiendra les damnés.

Bellarmin, De pwgalorio, 1. II, c. i, expose quels sont, à son avis, les divers sens dans lesquels il faut interpréter la pensée des Pères. Voir aussi Suarez, / ; i ///"' Sum. S. Thomæ, disp. LVH, a. 1, n. 8. Nous y reviendrons plus loin. On ne retient ordinairement, comme partisans du feu réel, instrument du jugement de Dieu, que Lactance, saint Ambroise, Commodien, saint Méthode. Suarez, loc. cit., explique saint Ambroise en bonne part. Ces autorités ne suffisent pas, dit le P. Pesch, Prælcct. dogm., Fribourgen-Brisgau, 1911, t. ix, n. 590, note, à donner une probabilité sérieuse à l’opinion qu’elles proposent. Mais, à notre avis, cette fm de non-recevoir à l'égard de quelques autorités, les violences que l’on est oblige de faire aux textes pour interpréter les autres, ne sont pas nécessaires. Est-ce bien comprendre la pensée des Pères que de s’en tenir à l’aspect extérieur de leur doctrine ? Ne sommes-nous pas ici, en dégageant d’une erreur de perspective ou d’application l’idée fondamentale de la purification nécessaire pour les

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