Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée
2225
2226
FEU DE L’ENFER


Ainsi l’a compris la tradition à propos de la peine des sens, dont le feu n’est qu’une partie. Voir Enfer, col. 113, 114 ; Matth., X, 15 ; xi, 21-24 ; Luc, x, 12-15 ; XII, 47, 48 ; II Thess., i, 8 ; Apoc, xviii, 6, 7 ; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. IX, c. lxv, P. L., t. lxxv, col. Ql ?, ; Dial., 1. IV, c. xui, P. L., t. lxxviii, col. 401. Cf. Imilalio Cliristi, 1. I, c. xxiv.

2° Pciu’lrant jusqu’au plus intime de l'âme et du corps, dont il ne laissera pas la moindre partie sans la torturer. Luc, xvi, 24 : Crucior in luic jUimnut. C’est ce que veulent surtout exprimer les Pères et les théologiens en aflirniant l’iiUensité et la subtilité du feu de l’enfer ; non pas que le feu infernal ne soit déjà en lui-même plus terrible que notre feu terrestre, mais encore parce que, surélevé par la puissance divine, il atteint directement l'âme et embrase innnédiatement et complètement toutes les molécules du corps. Cf. S. Éphrein, Sermo exeg., Opéra, Rome, t. ii, p. 354, cité par Ilurter, op. cit., t. iii, n. 534, note.

3° Éternel, Matth., xviii, 8 ; xxv, 41, parce qu’il n’aura pas de fm. Le feu de l’enfer étant un feu réel et analogue à notre feu matériel de la terre, il faut en conclure, voir Éternité, col. 921, qu’il ne s’agit pas ici d'éternité proprement dite, laquelle ne convient d’ailleurs qu'à Dieu seul, ni même d'éternité participée, laquelle ne convient qu’aux essences créées immuables, mais simplement d'éternité improprement dite, c’està-dire d’une durée qui, formellement parlant, se rapporte au temps, mais avec cette restriction qu’elle ne comporte, en fait, aucune limite. Parce que châtiment éternel, le feu de l’enfer est inextinguible, Is., lxvi, 24 ; Matth., III, 12 ; Marc, ix, 42-47 ; Luc, iii, 17, non seulement en ce sens qu’il n’a pas besoin d'être alimenté par du combustible, mais encore parce que les damnés en ressentiront toujours les atteintes sans que leurs esprits en soient annihilés et leurs corps consumés. Voir plus loin.

Nous n’avons pas à nous occuper ici des objections que soulève l'éternité du feu de l’enfer, comme éternité ; elles ont été résolues implicitement à la question de l'éternité de l’enfer. Voir Enfer, col. 94-97. Voir aussi, pour les négateurs de l'éternité, col. 85-87.

4° Obscur, car l’horreur sempiternelle habite en enfer. Job, x, 22 ; c’est le lieu des « ténèbres extérieures » , Matth., VIII, 12 ; xxii, 13 ; xxv, 30, par opposition à la lumière de la vision béatifique : « Il existe une harmonie parfaite, un effrayant accord, entre le malheur des damnés et le lieu qu’ils habitent. Il y a là de la lumière et des ténèbres, juste ce qu’il en faut pour le mallieur des réprouvés… C’est d’après cela que la lumière et les ténèbres doivent être distribuées dans le séjour de l'étemelle damnation ; …par une disposition de la justice divine, il y a là quelques traits de lumière, ce qu’il en faut seulement pour voir les objets extérieurs dont l’aspect peut tourmenter l'âme…, mais ilne peut y avoiren enfer qu’un jeu sombre, épais et comme fumeux, » alin d’enlever aux damnés tout ce qui, dans la vision, pourrait être iujet de joie. S. Thomas, III== Suppl., q. xcvii, a. 4. CL S.Basile, In ps. x.wiii, n. 6, P. G., t. xxix, col. 297 ; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. IX, c. lxvi, P. L., t. lxxv, col. 915 ; Prudence de Troyes, De præd. cont. J. Scot., c. XIX : Corporcum esse, ftanmieum atque visibilem mixta obscuritate ignem gehennæ omnes orthodoxi consenliunt. P. L., t. cxv, col. 1320. A rencontre, voir Lactance, toc. cit. : Ille divinus pcr se ipsum rivit ac vigctsine ullis alimentis, ncc admixtum lui bel fumuni, sed est purus ac liquidas et in aqnæ modum jluidus. Il est évident que ce texte veut surtout affirmer la force de pénétration du feu de l’enfer.

La pliipait des auteurs cités précédemment, et en plus : S. Thomas, In IV Sent. IV, dist. XLIV, q. iii, a. 2 ; dist. L, q. II, a. 3 ; Sum. llwol., III'" Suppl-, q. xcvii, a. 4,

5, 6 ; Dominique Soto, In IV.Sent., I. IV, dist. L ; Capréolus, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV ; Ferrariensis, 7n À'imi. conl. génies, 1. IV, c. xc ; plusieurs articles très pondérés parus dans VAmida clergé, 1893, p. 101, 246 ; 18C6, p. 219 ; 1900, p. 1071 ; 1902, p. 461 ; 1903, p. 922.

III. Action.

I. causalité i.stiiumetale. — La tradition tout entière considère le feu de l’enfer comme l’instrument de la justice divine. Voir plus haut. Ce terme « instrument » doit être pris ici au sens philosophique du mot ; car, de sa nature, une cause matérielle, ou plus exactement non spirituelle, ne saurait agir sur les purs esprits. Ce principe est tellement admis par tous les Pères et tous les théologiens qu’il constitue le point précis du mystère de l’action du feu de l’enfer sur les démons et les âmes séparées. Il faut, dès maintenant, noter avec.Tean de Saint-Thomas, Cursus théologiens, Paris, 1884, t. iv, q. lxiv, la double question qui se pose au sujet de l’action du feu infernal : Quid causet ignis in spiritibus, quo eos cruciet, et qnomodo id causât ignis'.' Celte seconde question se rattache à la question de la causalité instrumentale du feu de l’enfer. Celle-ci n'étant qu’une application particulière de la doctrine générale de la causalité instrumentale, nous renvoyons, pour l’exposé des principes, à l’art. Instrumentale (Ccvsalité). Il suffira de rappeler ici les deux aspects de la question selon que l’on adopte les principes thomistes ou que l’on s’en sépare.

Ccnisalite physique.

Les thomistes, et avec eux

Suarez, malgré de notables divergences dans l’exposé de son système, ne conçoivent, appliquée au feu de l’enfer, qu’une causalité physique. Sous l’inllucnce de la cause principale, l’instrument est mû et appliqué à un effet supérieur à ses énergies natives : cette motion n’est pas simultanée ; elle ne tombe pas seulement sur l’effet, mais elle modifie la puissance d’agir de la cause instrumentale ; elle l'élève et l’applique à l’acte. Dans cette subordination essentielle de l’instrument à la cause principale, l’action de l’instrument, en tant qu’instrument, ne se sépare plus de la cause principale ; un seul effet procède de leurs énergies combinées. On appelle cette causalité physique, à cause de la très réelle vertu, qualité ou motion transitoire, cqui, procédant de la cause principale, vient modifier /)/î//.siquement le principe d’action de la cause instrumentale. Notons toutefois qu’outre l’action instrumentale, résultant des énergies combinées des deux causes subordonnées, la cause qui joue le rôle d’instrument garde toujours son action propre, vis-à-vis de laquelle elle reste cause principale, action qui est préalable à son action instrumentale et qui en est comme la préparation. CL S. Thomas, Sum. theoL, 111% q. lxii, a. 1, ad 2°'". Voir Mugon, La causalité instrumentale, Paris, 1907.

2° Causalité n^orale. — D’autres théologiens, sans doute par peur de la prèmotion physique qui est au bout de la théorie thomiste, veulent concevoir une causalité instrumentale d’ordre moral. La cause morale est celle qui, par sa valeur ou sa dignité, ou par une qualité qui est sienne, présente à une cause supérieure intelligente un motif nécessitant l’action de cette dernière. Or, cette valeur, dignité ou qualité peuvent appartenir en propre à la cause morale, ou elles peuvent simplement lui avoir été communiquées par la cause principale supérieure. En ce dernier cas, nous avons la cause instrumentale morale. Cf. Franzelin. De sacramentis, th. vi, Rome, 1878, p. 57.

Application au feu de l’enfer.

Comme la causalité des sacrements, voir Sacrement, la causalité

instrumentale du feu de l’enfer est conçue par les théologiens comme une causalité physique ou comme une causalité morale, selon leurs préférences de systèmes. Nous ne parlons pas ici de la causalité stricte-