Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/461

Cette page n’a pas encore été corrigée
2221
2222
FEU DE L’ENFER


que les expressions les moins susceptibles d’interprétation figurée, citons la célèbre comparaison de Minucius Félix, OcUw., c. xxxv, P. L., t. iii, col. 363 : Siciit ignés ^Elnæ et Vesuini, et ardentium iibique terrarum /higrant, ncc erogantur ; Un pœnale illud incendium non damnis ardentium pascitur, sed inexesa corporuni laccralione mitiitnr. Tertullien parle du feu infernal en termes tout aussi réalistes, voir Enfer, col. 51 ; saint Irénée, Cont. Iiser., 1. V, c. xxxv, 2, ibid., col. 54, décrit la géhenne comme un étang de feu, stagnum ignis ; on trouve des expressions identiques chez saint Hippolyte, Adi). Grœc., 1, P. G., t. X, col. 79C ; chez saint Pacien, In parœn. ad pœnit., 11, P.L., t. XIII, col. 1088 ; chez saint Victorin de Pettau, In Apoc, c. xx, P. L., t. v, col. 343 ; saint Cyprien parle de la pœna vorax flammis vivacibus, Ad Demetr., c. xxiv, P. L., t. iv, col. 164 ; on retrouve l’expression « fournaise de feu » chez saint Jean Chrysostome, Homil., xiiii, 4, 5, P. G., t. lvii, col. 461, et certaines comparaisons qui ne laissent planer aucun doute sur sa pensée, voir plus haut, col. 2200 ; saint Augustin lui-même, voir plus haut, col. 2205, a tracé de l’enfer des tableaux d’un réalisme convaincu ; saint Grégoire enfm a contribué plus que qui que ce soit à établir la conception d’un feu infernal de nature semblable au feu terrestre. Dial., I. IV, c. xxviii, xxix ; Moral., 1. XV, c. xxix, P. L., t. lxxvii, col. 368 ; t. Lxxv, col. 1098.

b) Formule Iheologique. — Les théologiens du moyen âge, sauf quclc|iips-uns qui, comme saint Bonaventure, voir col. 22 i’.), restent dans le doute, s’inspirant de cette doctrine des Pères et s’appuyant surtout sur leur conception du feu infernal intraterrestre, voir Enfeis, col. 101-102, ont proclamé l’unité spécifique du feu infernal et du feu terrestre ; et plusieurs d’entre eux ne se posent même pas la question, tant il leur semble clair qu’une telle solution s’impose. Saint Thomas — ou plutôt son continuateur — résume bien la pensée des scolastiques, III’« SuppL, q. xcvii, a. 6 : Utruni ignis inferni sit cjusdem speciei cum igné nostro ? Voici la réponse : « Comme le feu est celui de tous les éléments qui possède la plus grande puissance active, tous les autres corps lui servent d’aliment ou de matière. Cf. Meteor., IV, 1. Il suit de là que le feu existe de deux manières : ou dans sa matière propre — il faut se souvenir que la physique du moyen âge considérait le feu comme un élément premier — comme il est dans sa splière, ou dans une matière étrangère, terrestre, comme le charbon, aérienne, comme la flamme. Mais, de cquelque manière que le feu existe, il est toujours le même quant à son espèce, en ce qui regarde du moins la nature du feu. Il ne peut y avoir de diversité spécifique que pour les corps qui l’alimentent ; ainsi, la fiamnie et le charbon différent spécifiquement, et il en est de même d’un feu de bois et du fer incandescent… Or, que le feu de l’enfer, dans sa nature même de feu, soit de la même espèce que notre feu d’ici-bas, c’est cliose manifeste. Mais qu’il existe dans sa propre matière, ou bien, si c’est dans une matière étrangère, quelle doit être la matière de ce feu, nous l’ignorons complètement. Sous ce rapport seulement, c’est-ù-dire sous le rapport de la matière, il serait permis de supposer qu’il n’est pas de la même espèce que le feu terrestre. Il a néanmoins quelques propriétés différentes : ainsi, par exemple, il n’a besoin ni d’être entretenu par une action extrinsèque, ni de recevoir des éléments étrangers. Mais de semblables différences n’accusent nullement une diversité d’espèce, en ce qui touche du moins à la nature même du feu. » On a là toute la pensée du moyen âge. Pour le XIIIe siècle, le feu est un élément, coni]iosé de matière et de forme ; c’est la forme (nature) qui différencie spécificiuement le feu des autres éléments : feu ter restre, feu infernal, c’est toujours la même nature de feu ; donc, la matière peut varier, mais ce sera toujours spécifiquement le même feu. Les commentateurs de saint Thomas, ceux du moins qui se posent la question, acceptent la réponse du docteur angélique.

Au -Kwe siècle, le progrès des sciences ne permet plus de considérer le feu comme un élément premier. Mais Suarez le considère encore comme une substance, et, pour le fond, sa réponse coïncide encore avec celle de saint Thomas : Quia vcro probabilius [ignis] videtur non esse purum clementum, sed longe majoreni habere densitatem aptiun ad fortius agendum mduruliler in corporel ; ideo crcdibile est ut ex aligna crassiori materiu ut sulphurca, vel alla no bis ignota constare, in eu jus poris sit verus ignis et ipsa tota materiu vehementa ignila sit ; et ita quoad hoc ignem illiun allerius materiæ esse verisimile est. De angelis, 1. VIII, c. xii, n. 19.

2. Objections.

Cette conception du feu infernal soulève deux difficultés, l’une, inhérente aux effets destructeurs du feu, et à laquelle les anciens théologiens ont essayé de répondre, l’autre, relative à sa nature, et qui est suggérée par le progrès de la physique contemporaine.

P^ diljlcullé : comment le feu est-il inextinguible, ce qui suppose son incorruptibilité ? Toute action de la matière entraîne une altération, et le feu de l’enfer ne s’altérera jamais. Saint Thomas et les anciens scolastiques y répondent ainsi : il n’y aura plus d’action proprement dite, parce que le mouvement des corps célestes, principe de toute action dans les corps inférieurs, aura fait place au repos : quiescente motu cœli, nulta actio vel passio poterit esse in corporibus. III » SuppL, q. cxvii, a. 6, ad 3°™ ; Cont. génies, 1. IV, c. Lxxxix. Voir Capréolus, In IV Sent., 1. IV, dist. XL IV, q. IV, a. 1, concl. 1° ; Ferrariensis, In Sum. cont. gent., 1. IV, c. xi.. Suarez répond autrement. Le feu est incorruptible, sans miracle spécial de Dieu en raison du lieu où il se trouve renfermé, n’ayant point d’élément contraire pour le combattre, et aussi en raison de sa masse énorme et de son activité, loc. cit., n. 19 : licet ille ignis sit inexlinguibilis et ideo incorruptibilis videatur, non est opus, ut sit incorruptibilis ab eiirinseco ex parte materiæ suæ, sicut avliini creditur ; sed potest esse incorruptibilis absqiie miraculo, ratione loci ubi non habet contrariiim, a quo corrumpetur, et ratione ingentis multitudinis et actii>itatis ; unde provenu ut nihil ab cxtrinseco pâli possit. Et ob eamdem rationem non indigct pabulo ut perpetiio diiret, quia a nullo circumstanle, vel vicino corpore, etiam seeundum partes extingui potest, et ideo semper idem et sine continua sueecssione conservatur. En vérité, on ne peut dire que ce soient là de véritables solutions de la difficulté.

2’^ difficulté : la physique contemporaine ne reconnaît plus dans le feu une substance ; elle n’y voit qu’un phénomène. Comment parler d’unité spécifique, là où il n’y a pas de véritable substance ? — Réponse. — Le feu est une réalité, donc il a une entité. Que cette entité soit une substance ou un accident, peu importe ; les accidents ont leur essence, voir Essence, col. 835, tout comme la substance. La question, telle que la posaient les anciens scolastiques, n’a plus sa raison d’être au sujet du feu, considéré comme substance ; mais elle peut toujours se poser au sujet de sa réalité : la réalité du feu infernal est-elle identique à celle du feu terrestre ? Et ainsi la première difficulté, tirée de l’altération du feu sous l’action de la combustion, subsiste toujours.

3. Solution proposée, tirée des données de la science. — On pourrait tout expliquer en faisant intervenir la puissance de Dieu. Sans doute, le feu agit comme instrument de la justice divine, et nul doute que l’élévation que lui communique sa fonction ne rejaillisse sur sa nature et ses propriétés. Mais il a aussi, comme