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FEU DE L’ENFER


Lichtenberger, Paris, 1878, t. iv, p. 432 : « Plusieurs y virent un vrai feu matériel n’agissant sur les âmes que d’une manière idéale par l’idée de la soufîranee. Des hommes penchant au mysticisme, tels que Bonaventure et Gerson, défendaient encore les flammes de l’enfer ; mais Jean Wesel y vit un feu spirituel purificateur consistant dans le désir dévorant de l’union de l'âme avec Dieu. »

A propos de la parabole du mauvais riche, Reuss, Histoire éininçiélique, sijnopse des trois premiers' Êintngiles, Paris, 1876, p. 504-505, nous donne les motifs de cette attitude : « On sait, dit-il, que, pour les peines, la théologie traditionnelle a purement et simplement retenu cette notion d’un enfer de feu et de tourments corporels. II y a, certes, assez de passages dans le Nouveau Testament pour l’y autoriser. Mais, dans ce cas, il faut aussi qu’on se décide à admettre que la félicité consiste à manger et à boire ; il faut expliquer comment des milliers d'élus peuvent être placés chacun individuellement et en même temps sur le sein d’un seul homme ; il faut décider que cette félicité peut s’accommoder du spectacle permanent du tourment des autres, dont elle serait rapprochée au point de pouvoir lier conversation, malgré un abîme infranchissable. Si, à l'égard de tous ces points, nous nous trouvons évidemment sur le terrain de l’image et de l’allégorie, il faudra bien en conclure que c’est aussi le cas pour l’autre partie du tableau. » Une seule chose est démontrée par l'Évangile, c’est que l’homme sera jugé selon ses œuvres ; « tout le reste appartient à la forme dramatique qu’il a plu à Jésus de donner à son enseignement, en se servant pour cela des images consacrées par les croyances populaires. » Ibid., p. 617. Loisy, Les Évangiles sijnoplic/iies, Ccffonds, 1908, t. ii, p. 80, affirmant que la pensée de l'évangéliste (Marc, IX, 48) flotte entre la métaphore et la réalité, est moins radical. — On peut dire d’ailleurs que toutes les erreurs fondamentales sur l’enfer, signalées col. 84-89, aboutirent logiquement à la négation du feu réel.

IV. COXCLUSIO.X DOGMATIQUE. — 1° CeiUliule de la thèse traditionnelle. — Pour bien comprendre la portée de l’anirmation moralement unanime des Pères et des théologiens, concernant la réalité du feu de l’enfer, il faut se rappeler qu’une vérité peut s’imposer à l’adhésion des fidèles sans qu’il soit besoin d’une définition du magistère extraordinaire de l'Église ; l’enseignement du magistère ordinaire de l'Église sufiit. Concile du Vatican, sess. III, c. iii, Denzingcr-Bannwart, n. 1792. Voir Vacant, Le magistère ordinaire de l'Église et ses organes, Paris, 1887 ; art. Église, t. iv, col. 21932194. Cet enseignement peut s’exercer non seulement à l'égard des vérités formellement contenues dans la révélation, mais encore à l'égard des vérités virtuellement révélées ; pour l’intelligence de ces mots, voir Explicite, col. 1869. Par là, une vérité peut être imposée, par le magistère ordinaire, sans être nécessairement vérité de foi divine et catholique ; ce peut être une vérité théologiquement certaine, qu’il y a « erreur » à nier, voir Erreur doctrinale, col. 446 ; ou bien une vérité communément admise, qu’il y a « témérité » à révoquer en doute. Voir Censures doctrinales, t. ii, col. 21062107. En résumé, le magistère de l'Église peut donc suffire à imposer une vérité comme de foi, ou comme théologiquement certaine, ou comme reçue communément par les fidèles. S’opposer à l’enseignement du magistère dans ce cas, c’est commettre une faute grave contre la foi, ou péché d’hérésie, ou péché d’erreur, ou péché de témérité selon la qualité de la vérité enseignée.

Or, l’un des organes par lescpiels se manifeste l’enseignement du magistère ordinaire de l'Église, c’est précisément le consentement moralement unanime des Pères ou des théologiens sur un point doctrinal

! e rapportant à l'édifice de la foi chrétienne.' Dans la question de la réalité du feu de l’enfer — par opposition au feu métaphorique — 'e magistère ordinaire de l'Église s’est très certaineme i afiirmé, par l’organe des Pères et des théologiens, et est prononcé en faveur de la réalité. Quoiqu’il n’y ait aucune décision doctrinale de l'Église sur ce poiii, on ne peut donc cependant pas dire que la question veste libre, parce qu’elle n’a pas reçu de solution offic 'lie. La solution officielle est donnée par les théologiens eux-mêmes : ne pas accepter cette solution, c’est aller contre les enseignements de Pie IX. Bref à l’archevêque de Munich, Denzinger-Bannwart, n. 1683. Voir Tournebize, op. cit., p. 21.

Qu’il y ait eu progrès, en particulier dans les douze premiers siècles de l'Église, c’est ce qu’on ne saurait contester. Et même, en affirmant cette évolution, nous sommes bien plus à l’aise pour reconnaître que tel Père, tel théologien a pu parler jadis inexactement. Il en est de la croyance à la réalité du feu infernal comme des autres vérités qui ne ; e sont explicitées que peu à peu ; à mesure que s’affirme plus clairement la doctrine des théologiens, disparaît pour le fidèle la licéité d’opiner en sens opposé. Le magistère ordinaire de l'Église, manifesté par l’unanimité morale des théologiens, suffit à donner à l’opinion d’hier la certitude qui l’impose aujourd’hui, à tous, comme une vérité indubitable. Voir Vacant, op. cit. ; Billot, De novissimis, q. iii, th. iv, § 2.

2° Quel est le degré de certitude de la thèse traditionnelle'? Pvappelons d’abord qu’il ne s’agit ici que de la « réalité » du feu de l’enfer, la question de sa « matérialité » comportant certaines réserves que l’on fera plus loin.

La réalité du feu le l’enfer ne s’impose pas à nous comme un dogme de foi. Ce n’est pas cependant qu’on ne puisse trouver, dans le dépôt de la révélation, un fondement suffisant pour établir l’origine divine de cette vérité ; mais, même révélée de Dieu, la doctrine du feu réel n’est pas — du moins encore — suffisamment proposée comme telle parle magistère de l'Église, et, partant, ne s’impose pas à nous comme vérité de foi divine et catholique, dont la négation constituerait une faute d’hérésie.

Les théologiens nous donnent eux-mêmes le degré de certitude de la thèse qu’ils défendent. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est téméraire de la nier ; la réalité du feu de l’enfer est donc au moins une vérité commune dans l'Église. D’autres iront jusqu'à dire qu’elle est théologiquement certaine ou même proche de la toi : à notre avis, si l’on dégage la question de la réalité de celle connexe de la matérialité, cette dernière note n’est pas exagérée, étant donné que la doctrine de la réalité du feu infernal s’appuie sur des affirmations de l'Écriture sainte où elle semble clairement supposée. Une définition solennelle en pourrait faire un dogme : elle est donc, dans l'état actuel de la théologie, Veritas definibilis.

3° Décision de la S. Péniteneerie. — Tout à fait à dessein, nous avons laissé de côté la décision de la S. Péniteneerie du 30 avril 1890, parce qu’une telle décisiortF est d’ordre disciplinaire et non doctrinal. Le cas proposé par un curé du diocèse de Mantoue était celui-ci : « Un pénitent déclare à son confesseur que, selon lui, ces termes : feux de l’enfer, ne sont qu’une métaphore pour exprimer les peines intenses des démons. Peut-on laisser les pénitents persister dans cette opinion et les absoudre ? » Et la S. Péniteneerie a répondu qu' ' il faut les instruire avec soin et ne pas absoudre ceux qui s’obstinent, » hujusmodi pœnitentes diligenter instruendos esse et pertinaccs non esse absolvendos. La décision étant disciplinaire ne propose authentiquement aucune doctrine : on ne peut pas cependant ne pas